HUMEUR

Dopage au Tour de France
Que reste-t-il de nos amours?

Et dire que lundi dernier, on s’est soi-même qualifiée d’incorrigible désabusée. Quand la plupart louaient ce Tour de France 2006, «enfin à visage humain», on ne pouvait s’empêcher de repenser à Willy Voet et à son livre Massacre à la chaîne.
Les récits de l’ancien soigneur de Festina ont à jamais meurtri notre engouement pour le cyclisme. Comme lorsque l’on est témoin d’une scène atroce dont les images viennent hanter nos nuits. Willy Voet écrivait qu’un coureur victime d’une «incroyable défaillance» s’était en général trompé dans le dosage de ses produits dopants. Et, s’il «ressuscitait miraculeusement» le lendemain, le «panache» devait plus à la réaction chimique qu’à la réaction d’orgueil.
Alors, entre Saint-Jean-de-Maurienne et Morzine, quand Floyd Landis a réussi sa «chevauchée fantastique» sur 130 kilomètres, on repensait à Willy Voet et on se maudissait de le faire. Le contexte étant aujourd’hui trop triste pour pérorer d’avoir eu raison, on a plutôt cherché à trouver des circonstances atténuantes au cyclisme.
Les instances dirigeantes ont au moins le courage d’affronter le dopage et de punir même leurs plus grandes stars, tandis que d’autres sports se voilent la face. Peut-être. Mais doit-on tout oublier sous prétexte que «ce n’est pas mieux ailleurs»? Quelqu’un qui vole le sac d’une grand-mère peut-il plaider que d’autres vendent de la drogue à des enfants?
Parce que, dans le cyclisme, on a quand même parlé de dopage génétique, mais avant cela de pot belge (mélange d’amphétamines, d’antalgiques, d’héroïne et de cocaïne), d’injection d’urine dans la vessie, de système reliant un récipient placé dans l’anus du coureur pour faire semblant d’uriner, de transfusions sanguines… Et là, ce n’est plus de la déception, mais du dégoût que l’on ressent. Les coureurs honnêtes méritent un immense respect, car ils pratiquent l’un des sports les plus durs au monde. Mais, à chaque fois que l’on a voulu ne penser qu’à eux et oublier les scandales, un nouveau coup de massue nous frappait en plein cœur.
Une chanson nous trotte dans la tête depuis ce matin: «Que reste-t-il de nos amours?» Rien. On ne prétend pas avoir raison, c’est juste un constat triste et désolant. Comme l’affaire Floyd Landis.

Karine Allemann
29 juillet 2006

Une I Gruyère I Veveyse/Glâne I Fribourg I Sports I Magazine

Droits de reproduction et de diffusion réservés © La Gruyère 2003 – Usage strictement personnel