GRUYÈRE Philippe Menoud

Finances dans le noir, il part

A 47 ans, le conseiller communal Philippe Menoud ne sera pas candidat à l’élection du 23 octobre. Le démocrate-chrétien, vice-syndic de Bulle, quitte l’Exécutif communal après trois législatures, en laissant les finances dans le noir. L’économiste de formation fait le point sur ses quinze années de politique communale.


Philippe Menoud: «La situation financière de Bulle est bonne. Elle est due à de nombreux facteurs et pas à moi, qui ai joué le rôle du chef d’orchestre»

 

Philippe Menoud était élu en 1991, à l’âge de trente-trois ans, au Conseil communal de la ville de Bulle. Il a d’abord été en charge des écoles et de la formation, avant de devenir le responsable des finances dès 1994. A la fin de cette année, il aura géré le ménage communal du chef-lieu durant douze ans.

– Quel est le projet réalisé durant votre mandat dont vous êtes le plus fier?
Sans aucun doute Espace Gruyère. C’était un projet très ambitieux à l’époque, avec des investissements de 25 millions de francs. J’ai eu la chance de tout suivre: de la définition du nom jusqu’au développement d’aujourd’hui, qui est bien en main. Ça m’intéresse, car le centre de conférences et d’expositions n’est pas un véritable service public.

– Le service public, vous avez donné…
Non, ce n’est pas ça. Ce projet est intéressant parce qu’on a affaire à un marché, à des clients et, enfin, à la proximité de la logique du ser-vice public et de la logique du marché. Cette zone grise m’a toujours captivé. D’un côté, la commune met 300000 francs par an pour un mandat de prestation. De l’autre, on a la concurrence des centres d’expositions. Quand il n’y a que le service public, ce ne sont pas les mêmes règles. Dans cette zone grise intermédiaire, vous devez être attentifs tous les jours aux clients qui peuvent vous quitter du fait qu’ils comparent les prestations ou sont mécontents.

– Votre plus beau souvenir?
Le vote à l’unanimité par le Conseil général de la hausse d’impôt de 80 à 85 centimes pour les années 2002 et suivantes. C’était à la fin 2001. Ça m’a tellement surpris d’avoir une décision unanime pour augmenter le taux d’impôt… J’ai trouvé ça même un peu anormal! Nous sommes aujourd’hui toujours à 85 centimes, en espérant une baisse.

– Vous y croyez?
J’y crois pour plusieurs raisons. Je reste convaincu qu’il faut partout enlever du gras. Et pour cela il faut une certaine «misère fiscale». Avec des ressources toujours légèrement inférieures aux besoins, il y a ainsi une remise en question, une efficacité et une meilleure performance. Sinon, la réaction logique de toutes les collectivités publiques est de dépenser. En cas de disette fiscale, on s’adapte. Ma philosophie est claire: quand on a des moyens supplémentaires, il faut les affecter dans un premier temps à la réduction de la dette. A l’heure où les revenus des gens sont en train de diminuer et vont continuer de diminuer, rien de plus normal que de leur restituer une partie de leurs moyens pour poursuivre une politique de consommation et d’investissements. On ne peut pas continuer à ponctionner les gens comme ça.

– La baisse de la fiscalité est importante pour vous…
Certains diront que c’est ma façon de mettre la pression sur l’équipe qui sortira des urnes le 23 octobre. Ça doit se faire au niveau cantonal – pour réadapter le taux de l’impôt à des normes moyennes par rapport aux cantons suisses – et au niveau de la commune. Car il faut être toujours plus attractif. Nos finances cantonales et communales sont actuellement bonnes, mais à quel prix! C’est le moment de récompenser le contribuable. La fiscalité fribourgeoise est trop lourde, de l’ordre de 15 à 20% supérieure à ce qu’elle devrait être si on veut concevoir l’avenir avec une certaine confiance.

– Comme les finances de Bulle sont dans le noir, partez-vous avec le sentiment du devoir accompli?
La situation financière de Bulle est actuellement bonne. Elle est due à de nombreux facteurs et pas à moi, qui ai joué le rôle du chef d’orchestre. Ce sont les musiciens qu’il faut remercier, pas moi. Avec l’augmentation du taux d’impôt, le contribuable a contribué à l’effort, sans oublier la réduction de l’endettement. Il y a aussi la tenue de la masse salariale, avec le maintien du nombre des employés communaux à quelque cent personnes. Seule la police locale a fait quelques engagements. Il y a donc eu maintien du personnel pendant dix ans, alors que la population a augmenté de 20%. On peut constater qu’il y a eu un effort de productivité de la part des collaborateurs. Mes collègues au Conseil communal ont aussi fait des efforts pour tenir les budgets.

– La poursuite de cette bonne santé est-elle possible à l’avenir?
Les projections de l’Etat de Fribourg pour 2006 le confirment: le canton annonce une baisse d’impôt de dix millions, tout en estimant une hausse des recettes fiscales de 3%. Le développement de l’assiette fiscale nous est favorable, avec la hausse de la population.

– Le développement considérable de Bulle aura justement des conséquences sur les finances communales (écoles, routes). Est-ce que cela vous préoccupe?
Il n’est pas très loin le temps où il faudra sans doute concevoir un nouveau bâtiment scolaire. Mais il ne faut jamais oublier que les investissements sont générateurs d’emplois ou de maintien des emplois. Et ne pas perdre de vue que lorsque vous amortissez des bâtiments scolaires sur trente-trois ans, ce n’est que 3% par année de l’investissement à prendre en charge. Je ne dis pas que ce n’est pas coûteux, mais il faut relativiser par rapport à des frais de fonctionnement qu’il faut assumer chaque année.

 

Pas au Conseil d’Etat

A la fin août, Philippe Menoud a répondu à la direction du PDC gruérien: il ne sera pas candidat au Gouvernement cantonal.

– Vous avez été député de 1986 à 2001 et conseiller communal de Bulle pendant trois législatures. La chose publique vous a toujours intéressé. Serez-vous candidat au Conseil d’Etat?
Les représentants de mon parti m’ont posé la question, tout comme à mon frère du reste…

– C’est donc votre concurrent?
Peut-on parler de concurrence entre frères? Je serais malhonnête si je disais que la fonction ne m’intéresse pas. Je ne serais pas tout à fait en phase avec moi-même. Par contre, les conditions pour envisager la candidature à la candidature ne sont pas remplies.

– Ça veut dire qu’il y a encore trop d’incertitudes?
Non, je ne vous en dirai pas plus…

– Mais vous ne prenez tout de même pas votre retraite politique…
Ce n’est pas exclu qu’un jour je revienne en politique. Mais il n’y a pas d’idée fixe dans ce que je vous dis. Oui, j’aime ce milieu, qui est assez dur, où il y a quand même un certain nombre de règles de fonctionnement qui m’attirent.

Christophe Schaller
15 octobre 2005

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