GRUYÈRE Loi sur le tourisme

Les petits invités au festin

Les régions périphériques sortent grandes gagnantes des joutes parlementaires. Adoptée jeudi par 84 voix contre 1, la Loi sur le tourisme a vu la défense des intérê locaux l’emporter sur les tendances centralisatrices. Réactions positives dans le Sud.

Les petites stations (ici La Berra) auront aussi droit aux aides extraordinaires pour leurs équipements

 

Victoire des petites stations, jeudi, à l’issue de la Loi sur le tourisme qui aura nécessité trois lectures. L’artisan de ce résultat, Jean-Claude Schuwey (pdc, La Villette), syndic de Bellegarde, a obtenu du Grand Conseil qu’il confirme par 55-44 son vote de 1re lecture (47-33). Aussi les aides extraordinaires ne se limiteront-elles pas aux seuls équipements des pôles touristiques cantonaux. Si Charmey en fait partie, ce n’est pas le cas de la petite station de Jaun, ni de Rathvel ou encore de La Berra.
Contre l’amendement Schuwey, Michel Pittet a plaidé la concentration des moyens au profit des «pièces maîtresses». Dans le sillage du ministre de tutelle du tourisme, on a même pu observer deux députés de la capitale, Denis Boivin (prd) et Hubert Zurkinden (verts), parler pour une fois à l’unisson. C’est la porte ouverte à toutes les exceptions, selon l’écologiste: «Il serait plus simple de dire: “Soutenons tous ceux qui ont besoin d’argent”.»

L’axe Jaun-Schwarzsee
Epaulé par Hans-Rudolf Beyeler (pcs, Planfayon), défenseur du Lac-Noir, Jean-Claude Schuwey a d’autre part arraché le statu quo sur l’encaissement de la taxe de séjour. La centralisation avait pourtant la faveur du Conseil d’Etat, de la commission et, le mois passé, de la majorité du plénum lors de la première lecture (47-42). Jeudi, le duo germanophone a renversé la vapeur dans une proportion de deux contre un. Les sociétés locales pourront de ce fait continuer à percevoir elles-mêmes la taxe. Elles ne sont que sept à le faire, contre 19 qui en ont confié le mandat à l’Union fribourgeoise du tourisme.
Pour le reste, les élus ont largement confirmé deux changements apportés en septembre à l’initiative de la commission présidée par Jean-Pierre Thürler (prd, Charmey). A 82 contre 11 a été entérinée la création d’une taxe de tourisme annuelle auprès des personnes morales et physiques dont les activités bénéficient des retombées de ce secteur économique, même de manière indirecte.

Battu sur toute la ligne
Denis Boivin s’est retrouvé isolé, comme un mois auparavant, pour dénoncer «ce nouvel impôt qui grèvera notamment les indépendants et posera, comme en Valais, des difficultés pour définir le cercle des assujettis». Confirmation aussi (97-3) du montant annuel que l’Etat versera dans le Fonds d’équipement touristique: 500000 francs. C’est 100000 fr. de plus que proposé par le Gouvernement. Son représentant, Michel Pittet, s’est vainement opposé sur tous ces points…


Soutenir les zones éloignées

Député et syndic de Bellegarde, Jean-Claude Schuwey a le triomphe modeste. Il se dit ravi que sa proposition de modifier la Loi sur le tourisme ait passé la rampe, notamment le Fonds d’équipement touristique qui pourra financer aussi les petites stations non reconnues comme pôle par l’Etat: «Aujourd’hui, il n’est pas facile de développer des emplois dans des régions périphériques. Si on peut soutenir des vallées où il y a du tourisme, alors tant mieux.»
L’élu gruérien se défend de se battre uniquement pour la station de Jaun. Il imagine que cette aide pourrait venir concrétiser des projets: par exemple un hôtel dans l’Intyamon ou le Vully. Mais il ne se fait pas d’illusions, la nouvelle loi n’est pas une baguette magique qui va changer tous les projets en or. Il faudra encore se battre bec et ongles pour continuer à développer le tourisme dans les vallées.
Quant à l’aide extraordinaire qui ira aux stations hors des pôles cantonaux, elle sera octroyée sous certaines conditions. La région, tout comme la commune siège, doit soutenir financièrement les équipements à renouveler et à remplacer. De plus, en Gruyère, le Conseil régional des remontées mécaniques a son mot à dire, souligne Jean-Pierre Thürler, président de la Commission parlementaire. Le Conseil des sages analyse la faisabilité de chaque projet, avant de donner son aval. Au final, ce sera au Grand Conseil de se prononcer sur chaque investissement, via un décret du Conseil d’Etat.

«Le droit de vivre»
Président de Monte-Pente de Corbetta SA, aux Paccots, qui fait partie d’un pôle régional reconnu par le canton, Alexandre Pilloud applaudit la nouvelle législation: «Les petites stations ont aussi le droit de vivre.»
Directeur de La Gruyère Tourisme, Pierre-Alain Morard est satisfait de voir que le Fonds cantonal de marketing va pouvoir financer les projets régionaux. Il regrette par contre le statu quo sur l’encaissement des taxes de séjour, car l’Union fribourgeoise du tourisme (UFT) a mis sur pied un système qui «fonctionne à satisfaction» de 19 sociétés locales.
Jean-Pierre Thürler, syndic de Charmey, prend acte de la décision du Grand Conseil. «Il faut laisser un peu d’autonomie aux offices du tourisme», estime-t-il, tout en se disant que le temps fera son œuvre. Les années passant, les acteurs du tourisme local confieront ce travail à l’UFT.

 


 

La nouvelle loi

Il aura fallu cinq ans au canton pour réviser de fond en comble sa Loi de 1990 sur le tourisme. C’est fait depuis le vote final de jeudi (84-1). Objectifs poursuivis par la réforme: dynamiser le secteur, lui donner les moyens d’être plus efficace, l’inciter à rationaliser ses structures et son action de promotion, d’information et d’administration. Le tout en vue de gagner en professionnalisme.
La principale innovation de la nouvelle loi, qui entrera en vigueur en principe le 1er janvier prochain, est d’ordre financier. Un Fonds cantonal de marketing va ainsi remplacer les actuelles aides de l’Etat versées chaque année directement aux asso-ciations touristiques régionales. Ce fonds servira à financer, à raison de 50%, les projets régionaux jugés conformes à la stratégie promotionnelle cantonale, et non plus le fonctionnement des associations.

 

 

Christophe Schaller
15 octobre 2005

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