DOSSIER Démographie du Sud fribourgeois

L’explosion depuis 1980

En cent ans, le canton de Fribourg a presque doublé sa population. Le nombre d’habitants de la ville de Bulle a même augmenté de 275%! Mais dans les districts du Sud – qui ont passablement souffert de l’exode rural – l’explosion démographique n’a vraiment démarré qu’à l’aube des années 1980.

Charger le PDF de l'infographie 84 ko

 

Près de 100% de croissance en cent ans. La démographie fribourgeoise se porte bien, merci pour elle. Si bien que le canton se pose en champion suisse de la croissance annuelle. Il abritera bientôt 250000 âmes, contre 128000 au début du XXe siècle. Et selon un scénario de l’Office fédéral de la statistique, la population continuera de croître ces prochaines décennies. Les projections indiquent que Fribourg pourrait ainsi compter quelque 292000 habitants en 2040.
Si, en un siècle, les trois districts du Sud ont tous gagné en population, l’explosion démographique n’a vraiment débuté qu’à l’aube des années 1980, au lendemain de la réalisation de l’autouroute A12. La comparaison entre les recensements fédéraux de 1980 et de 2000 est particulièrement frappante: le canton enregistre l’arrivée de plus de 56000 nouveaux habitants, dont 18000 dans le Sud.
Durant cette période, toutes les communes ont recueilli de nouvelles âmes. Parfois très peu, à l’image de Cerniat (+1,2%), parfois beaucoup plus. Bossonnens est ainsi passé, de 1980 à 2000, de 513 à 1041 âmes (+103%). La Veveyse en général a largement profité de ces deux décennies, qui ont vu la population du district progresser de 45%. Et ce n’est pas fini: au 31 décembre 2004, selon les indications obtenues auprès des différents secrétariats communaux, la Veveyse abritait déjà 1000 habitants de plus que lors du recensement de 2000.

La Glâne se repeuple
La Gruyère n’a pour sa part vu sa population croître «que» de 36,5% entre 1980 et 2000. Le chef-lieu et ses proches voisines ont le mieux tiré leur épingle du jeu. En passant de 532 à 933 habitants, Le Pâquier a par exemple connu une progression de 75%. Durant ces vingt années, 3550 nouveaux habitants sont par ailleurs venus s’installer à Bulle, représentant un gain de population de 47%. Mais le développement de la ville est spectaculaire à l’échelle du siècle: en 1900, elle comptait 3330 habitants; elle en abrite aujourd’hui plus de 12500 (+275%)… A titre de comparaison, Châtel-Saint-Denis et Romont n’ont respectivement progressé «que» de 92% et 89%.
Les deux décennies courant de 1980 à 2000 sonnent l’heure de la renaissance pour la Glâne, qui a davantage souffert que les districts voisins de l’exode rural. Entre 1950 et 1980, elle perdait ainsi 13% de sa population, quand la Gruyère et la Veveyse, péniblement, progressaient de respectivement 5% et 1%. Mais la Glâne a repris du poil de la bête et se repeuple gentiment. Elle a ainsi gagné un tiers d’habitants entre les recensements de 1980 et 2000. Si l’on y regarde de plus près, on constate cependant qu’à ce jour, le district n’a vu sa population croître que de 30% par rapport à 1900 (Gruyère: +78%; Veveyse: +63%).
Les communes glânoises ne sont évidemment pas toutes logées à la même enseigne. Et certaines ont elles aussi connu des progressions spectaculaires. Celle d’Ursy par exemple. Au début du XXe siècle, les villages qui la composent aujourd’hui – Ursy, Bionnens, Mossel et Vauderens – recensaient 707 habitants. S’ils n’étaient encore que 821 en 1980, on en compte désormais plus de 1550. A l’image d’Attalens, Granges ou Bossonnens, Ursy tire clairement profit de l’arc lémanique tout proche, où le foncier reste nettement moins avantageux qu’en terres fribourgeoises.

Séquelles de l’exode rural

Certaines communes n’ont pas encore digéré l’exode rural qui a frappé le canton des années 1940 à 1960 (voire plus tard dans certains districts). Cette période marque le transfert des activités agricoles et industrielles vers les services. Une métamorphose de l’économie qui va vider certains villages de ses habitants, qui rejoignent les villes. Au 31 décembre 2004, plusieurs n’avaient pas encore égalé le chiffre du recensement de 1900.
En Gruyère, avec ses 336 habitants, Cerniat reste loin des 713 du début du XXe siècle (—112%). Il manque également quelque 300 âmes à Haut-Intyamon — 1418 résidants — pour revenir au total de 1900. La germanophone Bellegarde remonte progressivement la pente: elle abritait 709 individus en décembre 2004, contre 825 un siècle plus tôt. Quant à la commune d’Hauteville, qui s’est retrouvée à 312 habitants en 1980, elle aura bientôt comblé le déficit: ne lui manque plus qu’une trentaine d’habitants pour retrouver les 533 du début du XXe siècle.
Dans la Glâne – qui, on l’a dit, a fortement souffert de cet exode rural – les pertes sont pratiquement compensées partout: à Ecublens (265 en 2004 contre 277 en 1900); à Grangettes (149 contre 186) et à Rue (1076 contre 1082). Seul Le Châtelard – 344 habitants aujourd’hui – a besoin d’une centaine d’âmes supplémentaires pour retrouver le chiffre de la population résidante de 1900.
Une centaine de personnes en sus, c’est également ce dont a besoin La Verrerie (Le Crêt, Grattavache et Progens) pour égaler les 1054 habitants décomptées au tournant du XXe siècle. Autre commune veveysanne à avoir souffert plus que les autres de l’exode rural, St-Martin comptait, en décembre 2004, huit résidants de moins qu’en 1900.

 

Fribourgeois plus mobiles

Fribourg doit la croissance démographique enregistrée ces dernières décennies à deux éléments essentiels. Le premier est lié à l’amélioration des voies de communication et à l’ouverture de l’autoroute A12. Le deuxième en découle directement: les résidants du canton jouissent depuis quelques années d’une mobilité accrue. Un chiffre: en 1978, le parc automobile fribourgeois comptait 57048 voitures de tourisme. Au 30 septembre 2004, on en recensait 145619 (+155%)… «Aujourd’hui, on multiplie les kilomètres tout en gagnant du temps», schématise Jean Ruegg, professeur de géographie humaine à l’Université de Fribourg.
Avant les années 1980, le choix du lieu de résidence était généralement déterminé par la proximité du lieu de travail. Ce n’est plus forcément le cas: «Il devient de plus en plus difficile et rare, lorsque l’on est dans la vie active, de mener toute sa carrière dans le même emploi, sur le même lieu», explique Jean Ruegg. D’autres critères de sélection – la beauté d’un paysage ou la proximité familiale par exemple – viennent donc s’ajouter à celui du travail. On fonctionnera plus volontiers au coup de cœur aujourd’hui qu’il y a trente ans.

L’inconnue énergétique
Mais le système d’hypermobilité dans lequel nous évoluons suppose un faible coût de l’énergie, met en garde Jean Ruegg. «Quel sera le prix du carburant dans vingt ans? On n’en sait rien, mais ce sera déterminant.» S’il venait à doubler, bonjour la facture de la mobilité! Une perspective que Jean Ruegg appréhende non sans craintes. «Si nous affrontons une augmentation massive du prix de l’énergie, ce ne sont pas ceux qui ont le plus de moyens qui vont en pâtir.» Il devine que les personnes à revenu plus faible seront obligées de prendre en considération les coûts de leurs déplacements… et seront forcées de se rapprocher de leur lieu de travail, généralement situé en zone urbaine. Chacun ne pourra donc plus habiter là où il le désire. «On peut donc penser qu’à l’avenir, la tendance sera à la poursuite de l’urbanisation du plateau et à un certain dépeuplement des régions périphériques qui ne sont pas drainées par l’autoroute ou par des transports efficaces.»

 

Patrick Pugin
22 février 2005

Une I Editorial I Veveyse/Glâne I Fribourg I Sports

Droits de reproduction et de diffusion réservés © La Gruyère 2003 – Usage strictement personnel