GRUYÈRE Pierre Delacombaz

Sa voix pour les malvoyants

Ancien orienteur professionnel du CO de la Gruyère, Pierre Delacombaz s’est reconverti en lecteur. Depuis plus de quatre ans, le retraité prête sa voix pour enregistrer des ouvrages en faveur de l’association Etoile sonore, une bibliothèque pour malvoyants.


Pierre Delacombaz: «J’ai lu beaucoup d’ouvrages que je n’aurais pas découverts autrement»

 

Penché vers le micro, Pierre Delacombaz égrène les phrases du livre L’abbé Pierre parle aux jeunes. Sur sa gauche, un magnétophone ne perd pas une miette de sa lecture. Sa voix se détache. Posée. L’ancien conseiller en orientation n’en est pas à son coup d’essai. Cet ouvrage est le 101e qu’il lit pour l’association valaisanne Etoile sonore, bibliothèque de cassettes audio pour aveugles et malvoyants. «Une occupation passionnante», déclare le retraité, alors qu’un sourire remplace la concentration sur son visage.
Pas besoin d’un studio sophistiqué pour enregistrer. Un simple appareil posé sur un bureau de bois foncé, dans son appartement à Neirivue. C’est là que Pierre Delacombaz passe une heure à une heure trente, chaque matin. Une occupation qui dure depuis un peu plus de quatre ans.
«Un jour que je passais à Collombey, en Valais, je me suis arrêté pour admirer la chapelle qui venait de subir une rénovation. Et là, je me suis retrouvé en face d’une sœur bernardine, qui avait des cassettes plein les mains. Au fil de la conversation, elle me propose de devenir lecteur. C’était la deuxième fois qu’on m’invitait à prêter ma voix à ce genre d’enregistrement. Je me suis dit que c’était peut-être un signe.» Le premier test a révélé que son rythme de lecture et son intonation convenaient. Pierre Delacombaz pouvait se lancer dans son premier livre.

Une retraite à son rythme
Après trente-neuf ans passés dans des écoles, entouré du joyeux brouhaha des élèves, l’homme se sentait un peu seul. Il avait commencé sa carrière en tant qu’enseignant, avant de poursuivre, à partir de 1970, comme orienteur professionnel au Cycle d’orientation de la Gruyère. «J’étais maître de classe d’une 3e année secondaire et je me rendais compte que beaucoup de questions de mes élèves concernant leur avenir professionnel restaient sans réponse.» Il n’en fallait pas plus pour que Pierre Delacombaz se lance dans l’aventure et entreprenne une formation dans ce domaine.
Et malgré ses grandes vacances, il n’a pas lâché toutes les activités qu’il menait concernant les jeunes et leur avenir. «Je m’occupe encore des subsides de la Fondation Rieter en faveur des apprentis et du Fonds Pestalozzi en faveur des élèves qui habitent les communes très éloignées», indique le fringant retraité. Les lectures pour l’Etoile sonore remplissent donc une partie de son temps libre. «Mais pas tout! J’aime bien aller me balader et faire d’autres choses aussi. Alors je choisis mon rythme.»

L’amitié via cassettes
Face à lui, une bibliothèque supporte ses lectures précédentes. Des livres liés à la religion, à la vie spirituelle, des témoignages, mais aussi des romans. «J’ai lu beaucoup de publications que je n’aurais pas découvertes autrement», note l’ancien orienteur. La plupart de ses lectures lui sont suggérées par la bibliothécaire de l’Etoile sonore. D’autres sont commandées par des utilisateurs. «Tous les ouvrages n’existent pas en braille. Nous répondons donc parfois à des demandes très pointues: j’ai lu par exemple un manuel sur l’histoire de l’Eglise pour un séminariste.» Les lecteurs peuvent aussi apporter leurs propres suggestions.
Les difficultés? Les dialogues et leurs différences d’intonation. «Ecouter un récit sans autre support demande beaucoup de concentration de la part des malvoyants. Les changements d’intonation sont donc primordiaux.» Une réunion annuelle de l’association permet aux responsables, aux lecteurs et aux utilisateurs de se rencontrer. «C’est très gratifiant d’avoir des retours de ses auditeurs», se réjouit Pierre Delacombaz. Il est même devenu ami avec certains d’entre eux, avec qui il entretient des correspondances via cassettes.
Réajustant sa jaquette bleu marine, l’ancien orienteur professionnel quitte sa chaise et éteint la lampe qui domine le micro. Le vent et le froid ont enroué sa voix. Impossible de s’adonner à l’habituelle heure de lecture aujourd’hui.

Quarante ans d’écoute

L’idée de l’Etoile sonore est née un peu par hasard. Un de ses futurs membres fondateurs participait à une retraite du Groupement des aveugles de la Suisse romande à Montbarry, au Pâquier. Il s’y était rendu seul, mais avait promis à son épouse d’enregistrer les conférences. Elle n’a pas été la seule intéressée. D’autres lui ont demandé des copies des cassettes. En effet, la bibliothèque sonore existante ne proposait aucun ouvrage touchant à la spiritualité et à la religion.
C’est pour pallier ce manque que l’Etoile sonore fut mise sur pied, il y a tout juste quarante ans. Elle propose aujourd’hui près de 4000 titres, soit plus de 11000 cassettes qui sont prêtées et transportées gratuitement. Une offre qui s’agrandit chaque année d’une centaine de nouveaux ouvrages. Si la sonothèque valaisanne a gardé sa couleur particulière liée à la spiritualité, elle a ouvert ses portes à d’autres publications. En 2003, 368 utilisateurs ont bénéficié de ses services. Sa logistique est encore assurée par les sœurs bernardines de Collombey.

Renseignements: Etoile sonore, 1868 Collombey, tél. 026 471 82 10, e-mail etoile.sonore@bluewin.ch

 

Sophie Roulin
28 décembre 2004

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