ÉDITORIAL Asie du Sud

Les leçons d’une tragédie

Septante mille? Cent mille morts? Davantage encore? Le bilan exact du cataclysme qui a transformé dimanche matin une partie de l’Asie du Sud en un vaste cimetière ne sera probablement jamais connu. Le macabre décompte se poursuit et le bilan sera multiplié si une aide n’arrive pas immédiatement aux survivants menacés par les épidémies.
Jamais, depuis que les télévisions relaient en quasi direct les humeurs du monde, jamais une catastrophe naturelle n’avait touché autant de pays, si distants les uns des autres. Rarement autant de nationalités ont été rassemblées dans une même tragédie: un millier de touristes issus d’une trentaine de pays ont perdu la vie dans la vague mortelle du tsunami. Car la nature, contrairement aux terroristes, ne fait pas le tri dans ses victimes. Et lorsque l’océan a retiré ses eaux boueuses, il a laissé sur le sable une sorte de tour de Babel de la désolation.
Mondiale, la catastrophe l’est aussi en raison de la mobilisation sans précédent qu’elle a engendrée. Des sauveteurs par milliers, du matériel et des vivres par milliers de tonnes sont en route vers les zones sinistrées. Un immense effort planétaire se met en place pour secourir ceux qui peuvent encore l’être. Dans ce monde resserré par la rapidité de l’information, la mondialisation livre enfin un visage de générosité.
Après la stupeur qui nous a glacés d’effroi, après l’immense compassion qui a saisi nos cœurs vient le temps de la réaction. A une catastrophe démesurée, à une tragédie sans frontière doit répondre une solidarité sans limite.
Dans cette mer intérieure de la tragédie que fut, durant quelques heures, l’océan Indien, il n’est plus question de choc des cultures, de guerres des civilisations, de conflits entre riches et pauvres. Est apparu l’homme dans sa seule nudité, dans son humble fragilité. Inutile de chercher – à l’instar des actions terroristes – un message dans ce cataclysme. Mais l’humanité peut tirer des leçons quand une partie d’elle-même est touchée dans sa chair. Une leçon de solidarité et de générosité, car la planète est depuis dimanche en état d’urgence humanitaire.

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C’est dans cet esprit solidaire, en pensée avec ces millions de personnes qui pleurent à travers le monde la mort d’un être cher, que nous prendrons congé de cette année 2004. Et c’est dans l’espoir d’une renaissance que nous ouvrirons la porte à 2005. En espérant, chères lectrices et chers lecteurs, que l’attention aux autres, la solidarité et l’esprit de partage qui imprègnent ces derniers jours de décembre, nous accompagnent tout au long de l’année qui vient.


Patrice Borcard
30 décembre 2004

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