Quelque activité
quil évoque, André Pauchard parle en réseaux.
Tout a une cause et profonde! Comme si ce qui nous arrive était
inscrit quelque part. En disant son parcours, en se «racontant»,
lenseignant a cette phrase en forme dellipse: «Tout
ce qui nous habite, cest vers quoi nous allons.»
A lévidence, le chant et le théâtre «habitaient»
André Pauchard. Plantons le décor. Il naît à
Belfaux en 1949, dans lune des plus vieilles fermes du canton.
Dans une famille paysanne type. Si les conditions sont rudimentaires
«pour se laver, cétait la seille et le savon»
cette vie simple a également son lot déblouissements.
Ah! la grande tablée qui réunit toute la famille, de larrière-grand-mère
aux tantes, de loncle Maxime au domestique! André, laîné
des enfants, aura plus tard trois surs. Ses parents déménageront
à Riaz, puis à Marsens, où le père, Auguste,
devient chef infirmier. Régulièrement, André revient
à Belfaux pour les «grandes vacances». Il travaille
aux champs. Entre deux coups de râteau, déjà, il
rêve de théâtre
Energies théâtrales
Ce sera dabord un jeu
denfants. Parmi les grandes
balles de paille dans la grange, André aménage des couloirs
et sinvente des maisons. Puis, en plein air, un bout de drap lui
sert de rideau pour un théâtre imaginaire. Avec ses deux
cousins, qui sont pour lui comme des frères, il monte des numéros
de cirque. Et il invite des gosses du village aux représentations.
«Pourquoi javais ça en moi, cest un mystère.»
Au temps de lécole secondaire, quil suit au collège
de Matran, deux professeurs donnent un coup de soufflet sur ce feu naissant.
André tient le rôle de
la rose, dans Le Petit Prince.
Au Collège Saint-Michel, alors quil étudie en section
latin-grec, il assiste à une représentation de La cantatrice
chauve. Ionesco! Pour létudiant, cest une révélation.
Voilà du vrai théâtre! Durant les années
universitaires, il est spectateur, assistant à de nombreuses
séances de théâtre ou de cinéma. Le vrai
lancement a lieu lorsque André Pauchard sétablit
à Gruyères. Il y avait alors, dans ces années 1970,
une conjonction extraordinaire de forces, au sein de la société
de jeunesse. Entre deux représentations, les jeunes marchent
sur Morat, pour la commémoration des 500 ans de la bataille,
en 1976. Une folle équipée!
Du théâtre «léger», on passe à
un répertoire plus «cossu». Et, dans un élan
naturel, cest la fondation de la troupe de Gruyères La
Catillon, en 1982. Le répertoire sétoffe. Les auteurs
se nomment Cé-sar von Arx, Gisèle Ansorge, Pirandello.
Ou (tiens!) Ionesco et sa Cantatrice. On joue également des spectacles
liés au «génie du lieu». Cest Jean lEclopé
(1991), dont ce nest pas le moindre mérite que de relier
les habitants de Gruyères.
Ce début de décennie marque une époque charnière.
En 1990, lépouse dAndré, Lucette, qui participe
régulièrement à ses spectacles comme costumière
et décoratrice, lui donne un fils, Marc. Puis, en 1992, cest
la naissance de Marie. La famille? «Cest le creuset où
se réalisent toutes les forces créatrices. Un vrai bonheur!»
Grand spectacle
en mars
Et sil devait résumer le théâtre? «Cest
la possibilité dexprimer linconscient. Dans linconscient,
il y a des énergies incroyables. Pour autant quon les réalise,
et quon ne se laisse pas emporter par elles.»
Parallèlement aux spectacles de La Catillon, le professeur de
sciences met en scène des pièces avec ses élèves.
Il inclut même les divers «degrés» dans des
spectacles densemble: Oedipe Roi, de Sophocle, réunit les
étudiants du Cycle dorientation comme choristes et ceux
du Collège du Sud comme acteurs. Sil a aujourdhui
cédé la mise en scène de La Catillon, André
Pauchard prépare un nouveau spectacle. Les serrures à
secret (texte de Michel Gremaud et musique de Laurent Mettraux) réuniront
en mars 2005 des acteurs, des choristes et une kyrielle de musiciens
à la salle du CO de La Tour-de-Trême.
Boulimie dactivités
Certes, la mise en scène des Serrures le mobilise, corps
et âme. Mais André Pauchard en a vu dautres! Il sétonne,
dailleurs, davoir pu conjuguer autant dactivités.
Dans les «années folles», il assumait des mandats
politiques.
Conseiller communal socialiste, il a dirigé le dicastère
des écoles, puis celui des bâtiments, avec dimposants
chantiers, comme la rénovation de lInstitut Duvillard ou
du Foyer Saint-Germain. Un bail de treize ans, jusquen 1991.
Dans la foulée, il pratique lascension en haute montagne.
Et il implique la jeunesse: un camp OJ, en 1982, est organisé
en Corse, qui réunit une cinquantaine de mordus de la montagne.
A côté de ses équipées, aux Gastlosen ou
dans les Dolomites, André Pauchard est membre de la colonne de
secours, jusquen 2000.
Du populaire
au contemporain
Et en plus, il pratique la musique. Encore une activité
inscrite, sur la partition de sa vie. André Pauchard se souvient
dêtre monté sur la tribune, à léglise
de Belfaux. Parce que lorganiste chantait tout en plaquant les
accords, le garçon de 10 ans sétait dit quil
pouvait joindre sa voix. Et le voici chantant des psaumes de son timbre
de soprano.
La musique, comme le théâtre, lhabite. Il chante,
sous la direction dAndré Corboz, dans les rangs de la Maîtrise
de Saint-Pierre-aux-Liens. Il travaille sa voix de baryton en prenant
des cours au Conservatoire, dans la classe de François Loup et
de Tiny Westendorp. Et les mélodies senchaînent.
Il prête sa voix au chur Amatores. Qui, sous la direction
dYves Corboz, fils dAndré, devient le Chur
du Conservatoire. Puis cest le chur Mon Pays, et le Chur
des armaillis, tous deux dirigés par Michel Corpataux. Pendant
dix ans, il chante avec le Quatuor de Gruyères, au côté
de Zèzè Doutaz, Dominique et Gilbert Gachet. Le quatuor
met fin à ses concerts (soirées et week-ends) non par
lassitude, mais parce que les sollicitations se font trop nombreuses
La musique, en une phrase? «Cest une façon de célébrer
la vie.» Actuellement, André Pauchard pratique toujours
la flûte à bec. Comme mélomane et comme metteur
en scène, il est ouvert à tous les genres de musique:
dune cantate de Bach aux somptueuses polyphonies de Penderecki
et aux créations de Laurent Mettraux.
Chanter pour
lunivers
Parlera-t-on de jardin secret? Depuis plusieurs années,
André Pauchard monte dans le clocher de Saint-Théodule,
pour orner les fêtes dun carillon. Cette activité,
quil partage avec Laurent Rime, est en pure résonance avec
son enfance. «A Belfaux, la ferme était située au
pied de léglise. On était dans les sons jour et
nuit. Les cloches nous appelaient pour le dîner, quand on était
aux champs.» André Pauchard revoit ce tableau: le ciel
qui devient tout à coup jaune et noir, et le sacristain qui court.
Il allait sonner pour conjurer la grêle. Et ce sacristain demandait
aux enfants de venir sonner. «On se laissait pendre aux cordes
et on montait au plafond.»
Dès lors, ce nest pas un hasard sil sest proposé
pour carillonner à Gruyères, lorsque le poste est devenu
vacant. Toujours méticuleux, André Pauchard a relevé
des mélodies dans La Gruyère illustrée, pour enrichir
le répertoire. Il a créé des arrangements pour
faire sonner les six cloches, récemment augmentées de
deux. Pour ce 1er janvier, il actionnera les manches à brouette
cest le terme consacré, en jargon de carillonneur.
«Avec leurs harmoniques, les cloches donnent des sonorités
incroyables. Jai limpression de chanter pour lunivers.»
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