MAGAZINE Charly Haenni, président du PRD fribourgeois

Pour un parti de droite humaniste

Ce samedi, les radicaux fribourgeois entament à Charmey la première étape de la mue annoncée par leur nouveau président Charly Haenni. La séance devrait permettre aux délégués de constituer le socle de la réforme attendue. Occasion de faire mieux connaissance avec ce radical, ancien président du Grand Conseil, qui dévoile ses ambitions pour son parti, son changement de positionnement sur l’échiquier politique, et évoque l’alliance avec le PDC.


Charly Haenni: «Les radicaux réformateurs, audacieux, humanistes, ont leur place à droite»

 

– En avril, vous avez été élu à la présidence du Parti radical fribourgeois. Quelles sont les initiatives que vous avez prises et les changements que vous envisagez?
Charly Haenni: A partir du 1er décembre, le Parti radical aura non seulement un secrétariat administratif mais également un secrétariat politique. Le comité consacre trop de temps à l’administration alors qu’il doit être présent sur le terrain politique. Nous sommes en train de redéfinir notre ligne. Il est inutile aujourd’hui d’arriver avec un programme qui traite de formation, d’économie… Ça ne sert à rien: c’est se donner bonne conscience. Je souhaite défendre trois ou quatre thèmes, qui seront nos priorités. Des lignes plus claires, mieux ciblées.

– Cette clarification passe, selon vos mots, par la «redécouverte des vraies vertus du radicalisme». Lesquelles?
Hormis les traditionnels slogans «liberté, responsabilité, solidarité», je milite pour un radicalisme à visage humain. Les vraies vertus? C’est une économie saine dans une société saine. Je revendique le fait que le PRD soit le représentant des petites et moyennes entreprises, mais aussi du milieu agricole. Or, notre image a été ternie par la globalisation. Je souhaiterais rajouter des qualités d’humanisme au Parti radical, car il n’y a pas d’antinomie entre l’économie et le social.

– Vous avez également souhaité faire des radicaux des libéraux nouveaux. Quel sens?
Le libéralisme à outrance tel que nous l’avons vécu ces dernières années a terni l’image des radicaux libéraux. Ils doivent redevenir audacieux et oser entreprendre. Tout Etat doit suivre l’évolution de la société. Nos institutions ont actuellement de la peine à se réformer. La politique du subventionnement, par exemple, a fait l’objet de nombreuses décisions, sans que soient remises en question d’anciennes subventions. Par contre, de nouveaux besoins se créent, qui méritent certainement des aides de l’Etat. En refusant de remettre en question ce qui est acquis, nous n’arrivons pas à aider là où cela serait nécessaire. Pourquoi ne pas réformer la culture, comme l’a initié Pascal Couchepin au niveau fédéral? Pourquoi ne pas réformer l’école? Tant que nous aurons une polarisation telle que nous la connaissons aujourd’hui – ne pas toucher aux acquis d’un côté, ne plus avancer de l’autre – nous serons dans la politique du statu quo.

– Vous avez affirmé que le salut du PRD passait par un repositionnement: «Soit nous mourons au centre, soit nous rebondissons à droite.» Vous abandonnez le centre?
J’ai une image assez claire de la politique suisse. On ne se demande pas si le Parti socialiste est au centre gauche ou à gauche. Pour moi, la politique du centre ne mène nulle part. C’est, au contraire, l’aboutissement de quelque chose. Se positionner au centre de l’échiquier politique, c’est se positionner nulle part. Par contre, à un moment donné, les combats d’idées doivent converger vers le centre pour faire avancer les choses. Le consensus, c’est l’aboutissement, pas le départ. Je revendique d’être d’un parti de droite humaniste. Les radicaux réformateurs, audacieux, humanistes, ont leur pleine place à droite.

– Les causes de cette mauvaise image?
Nous avons abandonné le terrain. En ne voulant pas nous positionner, d’autres ont pris la place, car l’être humain comme la nature a horreur du vide. Où l’UDC a-t-elle fait son nid? Nous devons retrouver notre rôle d’alternative entre UDC et PDC, celui d’une droite modérée et intelligente. Nous devons trouver des politiciens qui osent prendre le leadership, qui s’engagent sur des dossiers politiques. Nous devons être les conducteurs d’une collaboration entre l’UDC et le PDC. Si nous voulons retrouver une place, nous devons avoir des gens charismatiques qui osent défendre des positions radicales. Car si on continue de se rallier à d’autres positions, alors nous allons mourir, car nous n’aurons plus d’identité.

 

L’alliance est à renégocier!

– Où en est l’alliance du PRD avec le PDC?
Je le répète, aujourd’hui, l’alliance est au point mort. Cela signifie que cette alliance doit être rediscutée, remise sur la table. Nous devons fixer de nouvelles règles. Je suis favorable aux alliances si elles servent à gagner des élections. Nos deux partis ont besoin d’alliances stratégiques pour aller au-devant de victoires électorales. Par contre, je tire des expériences des alliances passées et constate que les plates-formes électorales telles qu’on les a établies ne font plus partie de la réalité politique d’aujourd’hui. On se donne bonne conscience en griffonnant quatre feuilles de papier mais on n’y fait jamais référence.

– C’est exactement le contraire de ce que dit le président du PDC!
M. Bouverat parle de la réalité du Grand Conseil, mais cela fait treize ans que j’y suis et je ne l’ai jamais vu! C’est vrai qu’au Parlement nous avons des alliances mais autant avec le PDC qu’avec l’UDC. Dans 95% des cas, les alliances au Grand Conseil ont lieu entre les trois partis. Ce sont des alliances naturelles! Alliances ou pas, nous sommes contraints à collaborer. Je constate aussi que nos bases respectives ont de la peine à adhérer à ces stratégies. Pour ma part, je suis un défenseur d’une ligne politique propre à chacun. Mais nous pouvons nous mettre d’accord sur les grands axes politiques de ce canton, sur trois grands thèmes qui portent une vision pour Fribourg.

– Le contrat ne court-il pas jusqu’en 2006?
Je reconnais que ce contrat court et que je ne l’ai pas dénoncé, j’en ai hérité. Et je ne suis pas quelqu’un qui va se jeter dans la gueule de l’UDC simplement pour faire la nique au PDC. Nous devons maintenant aborder la question avec la présidence du PDC. Ma ligne sera la suivante: conserver la richesse, l’identité propre à chaque parti et se mettre d’accord, si possible, sur quelques grandes lignes politiques.

– Et si cette vision commune n’est pas possible?
Je veux qu’on puisse se regarder dans les yeux avec le PDC. Si manifestement ce qu’on propose ne rencontre pas l’adhésion de la base, on rompra l’alliance tout en proposant autre chose. Il serait suicidaire d’éluder toute collaboration avec le PDC: nous sommes cousins politiques. Mais je dis aussi que si nous voulons gagner des élections dans ce canton, il faudra peut-être élargir cette alliance.

– Mais vous avez entendu ce que le PDC vous a répondu: il est exclu pour les démocrates-chrétiens d’élargir l’alliance à l’UDC. Quelle alternative?
Les discussions actuelles ne nous contraignent pas à une alliance PRD-UDC. Peut-être que ce sera le cas demain. Ce qui est sûr, c’est que nos discussions avec le PDC devront aboutir au printemps 2005.

– Etes-vous prêt à envisager des collaborations avec l’UDC après la campagne qu’elle a menée autour du vote sur la naturalisation?
Je ne peux pas partager ce qui s’est passé dans cette campagne. Je désapprouve totalement cette conception de la politique. Je ne peux pas adhérer à ce genre d’UDC.

– Etes-vous sûr qu’il existe plusieurs UDC?
Avec cette UDC-là, nous n’allons pas nous apparenter. Mais je dois reconnaître que derrière l’UDC il y a une majorité du peuple, et on ne peut pas éluder cette situation. Ce qui est sûr, c’est que le Parti radical, ouvert et réformateur, doit occuper cette droite et ne pas laisser la place à une UDC, qui a des tentations xénophobes.

– Certains inscrivent déjà votre nom sur les listes du Conseil d’Etat 2006. Une perspective qui vous réjouit?
Il paraît qu’il ne faut jamais dire jamais! Je n’ai jamais caché mon intérêt pour la politique. Mais 2006 n’est pas une échéance capitale pour moi. J’ai une activité professionnelle qui me convient beaucoup, avec de nouvelles responsabilités. J’ai pris la présidence du PRD sans arrière- pensée. Si j’avais voulu être candidat, il aurait mieux valu miser sur la discrétion… Et honnêtement, je ne voudrais pas qu’une éventuelle candidature de ma part s’inscrive en concurrence avec celle de Claude Lässer.


Patrice Borcard
7 octobre 2004

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