En avril, vous avez été élu à la présidence
du Parti radical fribourgeois. Quelles sont les initiatives que vous
avez prises et les changements que vous envisagez?
Charly Haenni: A partir du 1er décembre, le Parti radical aura
non seulement un secrétariat administratif mais également
un secrétariat politique. Le comité consacre trop de temps
à ladministration alors quil doit être présent
sur le terrain politique. Nous sommes en train de redéfinir notre
ligne. Il est inutile aujourdhui darriver avec un programme
qui traite de formation, déconomie
Ça ne sert
à rien: cest se donner bonne conscience. Je souhaite défendre
trois ou quatre thèmes, qui seront nos priorités. Des
lignes plus claires, mieux ciblées.
Cette clarification passe, selon vos mots, par la «redécouverte
des vraies vertus du radicalisme». Lesquelles?
Hormis les traditionnels slogans «liberté, responsabilité,
solidarité», je milite pour un radicalisme à visage
humain. Les vraies vertus? Cest une économie saine dans
une société saine. Je revendique le fait que le PRD soit
le représentant des petites et moyennes entreprises, mais aussi
du milieu agricole. Or, notre image a été ternie par la
globalisation. Je souhaiterais rajouter des qualités dhumanisme
au Parti radical, car il ny a pas dantinomie entre léconomie
et le social.
Vous avez également souhaité faire des radicaux des libéraux
nouveaux. Quel sens?
Le libéralisme à outrance tel que nous lavons vécu
ces dernières années a terni limage des radicaux
libéraux. Ils doivent redevenir audacieux et oser entreprendre.
Tout Etat doit suivre lévolution de la société.
Nos institutions ont actuellement de la peine à se réformer.
La politique du subventionnement, par exemple, a fait lobjet de
nombreuses décisions, sans que soient remises en question danciennes
subventions. Par contre, de nouveaux besoins se créent, qui méritent
certainement des aides de lEtat. En refusant de remettre en question
ce qui est acquis, nous narrivons pas à aider là
où cela serait nécessaire. Pourquoi ne pas réformer
la culture, comme la initié Pascal Couchepin au niveau
fédéral? Pourquoi ne pas réformer lécole?
Tant que nous aurons une polarisation telle que nous la connaissons
aujourdhui ne pas toucher aux acquis dun côté,
ne plus avancer de lautre nous serons dans la politique
du statu quo.
Vous avez affirmé que le salut du PRD passait par un repositionnement:
«Soit nous mourons au centre, soit nous rebondissons à
droite.» Vous abandonnez le centre?
Jai une image assez claire de la politique suisse. On ne se demande
pas si le Parti socialiste est au centre gauche ou à gauche.
Pour moi, la politique du centre ne mène nulle part. Cest,
au contraire, laboutissement de quelque chose. Se positionner
au centre de léchiquier politique, cest se positionner
nulle part. Par contre, à un moment donné, les combats
didées doivent converger vers le centre pour faire avancer
les choses. Le consensus, cest laboutissement, pas le départ.
Je revendique dêtre dun parti de droite humaniste.
Les radicaux réformateurs, audacieux, humanistes, ont leur pleine
place à droite.
Les causes de cette mauvaise image?
Nous avons abandonné le terrain. En ne voulant pas nous positionner,
dautres ont pris la place, car lêtre humain comme
la nature a horreur du vide. Où lUDC a-t-elle fait son
nid? Nous devons retrouver notre rôle dalternative entre
UDC et PDC, celui dune droite modérée et intelligente.
Nous devons trouver des politiciens qui osent prendre le leadership,
qui sengagent sur des dossiers politiques. Nous devons être
les conducteurs dune collaboration entre lUDC et le PDC.
Si nous voulons retrouver une place, nous devons avoir des gens charismatiques
qui osent défendre des positions radicales. Car si on continue
de se rallier à dautres positions, alors nous allons mourir,
car nous naurons plus didentité.
Lalliance
est à renégocier!
Où
en est lalliance du PRD avec le PDC?
Je le répète, aujourdhui, lalliance est au
point mort. Cela signifie que cette alliance doit être rediscutée,
remise sur la table. Nous devons fixer de nouvelles règles. Je
suis favorable aux alliances si elles servent à gagner des élections.
Nos deux partis ont besoin dalliances stratégiques pour
aller au-devant de victoires électorales. Par contre, je tire
des expériences des alliances passées et constate que
les plates-formes électorales telles quon les a établies
ne font plus partie de la réalité politique daujourdhui.
On se donne bonne conscience en griffonnant quatre feuilles de papier
mais on ny fait jamais référence.
Cest
exactement le contraire de ce que dit le président du PDC!
M. Bouverat parle de la réalité du Grand Conseil, mais
cela fait treize ans que jy suis et je ne lai jamais vu!
Cest vrai quau Parlement nous avons des alliances mais autant
avec le PDC quavec lUDC. Dans 95% des cas, les alliances
au Grand Conseil ont lieu entre les trois partis. Ce sont des alliances
naturelles! Alliances ou pas, nous sommes contraints à collaborer.
Je constate aussi que nos bases respectives ont de la peine à
adhérer à ces stratégies. Pour ma part, je suis
un défenseur dune ligne politique propre à chacun.
Mais nous pouvons nous mettre daccord sur les grands axes politiques
de ce canton, sur trois grands thèmes qui portent une vision
pour Fribourg.
Le contrat
ne court-il pas jusquen 2006?
Je reconnais que ce contrat court et que je ne lai pas dénoncé,
jen ai hérité. Et je ne suis pas quelquun
qui va se jeter dans la gueule de lUDC simplement pour faire la
nique au PDC. Nous devons maintenant aborder la question avec la présidence
du PDC. Ma ligne sera la suivante: conserver la richesse, lidentité
propre à chaque parti et se mettre daccord, si possible,
sur quelques grandes lignes politiques.
Et si
cette vision commune nest pas possible?
Je veux quon puisse se regarder dans les yeux avec le PDC. Si
manifestement ce quon propose ne rencontre pas ladhésion
de la base, on rompra lalliance tout en proposant autre chose.
Il serait suicidaire déluder toute collaboration avec le
PDC: nous sommes cousins politiques. Mais je dis aussi que si nous voulons
gagner des élections dans ce canton, il faudra peut-être
élargir cette alliance.
Mais vous
avez entendu ce que le PDC vous a répondu: il est exclu pour
les démocrates-chrétiens délargir lalliance
à lUDC. Quelle alternative?
Les discussions actuelles ne nous contraignent pas à une alliance
PRD-UDC. Peut-être que ce sera le cas demain. Ce qui est sûr,
cest que nos discussions avec le PDC devront aboutir au printemps
2005.
Etes-vous
prêt à envisager des collaborations avec lUDC après
la campagne quelle a menée autour du vote sur la naturalisation?
Je ne peux pas partager ce qui sest passé dans cette campagne.
Je désapprouve totalement cette conception de la politique. Je
ne peux pas adhérer à ce genre dUDC.
Etes-vous
sûr quil existe plusieurs UDC?
Avec cette UDC-là, nous nallons pas nous apparenter. Mais
je dois reconnaître que derrière lUDC il y a une
majorité du peuple, et on ne peut pas éluder cette situation.
Ce qui est sûr, cest que le Parti radical, ouvert et réformateur,
doit occuper cette droite et ne pas laisser la place à une UDC,
qui a des tentations xénophobes.
Certains
inscrivent déjà votre nom sur les listes du Conseil dEtat
2006. Une perspective qui vous réjouit?
Il paraît quil ne faut jamais dire jamais! Je nai
jamais caché mon intérêt pour la politique. Mais
2006 nest pas une échéance capitale pour moi. Jai
une activité professionnelle qui me convient beaucoup, avec de
nouvelles responsabilités. Jai pris la présidence
du PRD sans arrière- pensée. Si javais voulu être
candidat, il aurait mieux valu miser sur la discrétion
Et honnêtement, je ne voudrais pas quune éventuelle
candidature de ma part sinscrive en concurrence avec celle de
Claude Lässer.
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