Editorial

Pour l’heure, on ignore l’issue du bras de fer qui oppose les Etats-Unis et la France. Aucune illusion pourtant: dans les prochains jours, l’Amérique de Bush lancera son offensive guerrière contre l’Irak. Cette féroce bataille diplomatique est une aubaine inespérée pour Jacques Chirac d’entrer, enfin, dans les livres d’histoire. Chirac qui s’érige en défenseur de la paix mondiale; son ministre Dominique de Villepin qui rudoie les USA au Conseil de sécurité; une gauche alignée derrière la politique étrangère d’un gouvernement de droite: la France vit en pleine illusion gaullienne. Et se rejoue les grandes heures du retrait de l’OTAN.
Chirac revient de loin! Son premier septennat, inauguré par une salve symbolique d’explosions nucléaires, s’est pris les pieds dans une dissolution ratée. Avant de miraculeusement se rétablir lors de la présidentielle de 2002, en se drapant dans la toge de la défense des valeurs démocratiques.
Avec la crise irakienne, Chirac tient son grand œuvre. Et sa revanche contre tous ceux qui l’ont toujours pris pour un Petit Chose. L’autre soir, Chirac ne s’adressait pas aux Français, il parlait au monde, utilisant le seul pouvoir qui lui reste, celui des mots, lesquels sont parfois aussi efficaces que les armes. Chirac a d’ores et déjà gagné la bataille de l’opinion, comme le prouve son récent triomphe dans les rues algériennes.
La comparaison avec la geste gaullienne s’arrête là. Car la France de de Gaulle jouait dans la cour des grands après s’être donnée les moyens de sa souveraineté, militaire, économique et financière. La France actuelle entretient l’illusion qu’elle peut compenser sa faiblesse économique par une politique étrangère audacieuse. Chirac a eu le courage d’aller au bout de son refus de la guerre, incarnant «une certaine idée de la France». Mais cette attitude gaullienne aura son prix. Et à l’heure de la facture, l’unanimisme actuel ne sera plus qu’un souvenir.

Patrice Borcard
11 mars 2003

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