FRIBOURG - CONSTITUANTE Droits politiques des immigré(e)s

«Construisons ensemble»

Une brique offerte pour symboliser leur envie de construire l’avenir du canton: hier en début d’après-midi, des immigrés de plusieurs nationalités ont réalisé cette action symbolique devant l’Hôtel cantonal de Fribourg, où les constituants statueront ce matin même sur les droits politiques. Un manifeste muni de 1100 signatures a également été remis au président de l’assemblée.


Symbole de leur volonté de construire l’avenir du canton, des immigrés de diverses nationalités
ont remis hier une petite brique aux constituants avant leur entrée dans l’Hôtel cantonal

Cadeau symbolique, hier en début d’après-midi, devant l’Hôtel cantonal de Fribourg: des immigrés de diverses nationalités ont remis une petite brique aux constituants avant leur entrée dans l’édifice. Préparée de longue date, cette action avait pour but de sensibiliser les réviseurs de la charte cantonale à la question des droits politiques. Des droits qui devaient être discutés ce matin même en première lecture.
Dans leur avant-projet, les constituants fribourgeois n’ont en effet pas prévu d’accorder aux immigrés la citoyenneté active au niveau cantonal. L’article 44 ne mentionne en effet que «les Suisses et les Suissesses domiciliés dans le canton» ainsi que ceux «de l’étranger qui ont le droit de cité cantonal ou ont été domiciliés dans le canton». Tout au plus l’article 53 reconnaît-il aux immigrés des droits politiques au niveau communal, mais uniquement aux «étranger et étrangères domiciliés dans la commune depuis au moins cinq ans et au bénéfice d’une autorisation d’établissement».
Insuffisant, ont clamé les intéressés mardi devant la presse. «Car cela fait trop longtemps que l’on attend de pouvoir participer à la construction de ce canton», a précisé Thanh Dung Nguyen au nom des représentants des communautés portugaise, italienne, vietnamienne et musulmane. Leurs attentes, les immigrés les ont réunies dans un «Manifeste pour une égalité de traitement en matière de droits politiques» portant plus de 1100 signatures et remis hier en début d’après-midi à Christian Levrat, président de la Constituante.
Ils y font notamment remarquer que le principe contenu dans l’article 53 «n’est pas satisfaisant, car discriminatoire». En effet, «toute personne n’est pas égale devant la durée d’obtention d’un permis d’établissement». Certaines pourront en bénéficier après cinq ans, d’autres après dix seulement. Les signataires demandent donc que ces droits puissent être exercés «après cinq ans de séjour légal dans le canton de domicile».
Une demande réitérée sur la scène politique fribourgeoise à plusieurs reprises depuis 1980, sans succès jusqu’ici. Les immigrés veulent aujourd’hui croire qu’à l’image de Neuchâtel, Vaud, Jura et Appenzell Rhodes-Extérieures – qui ont, à une exception près, tous profité d’une révision constitutionnelle pour accorder des droits politiques aux étrangers – le canton de Fribourg fera cette fois le pas.

Immigrés, ils témoignent

Représentants ou simples membres de diverses communautés et associations d’immigrés du canton de Fribourg, ils expliquent les raisons qui les poussent à demander des droits politiques.
Mohammed Batbout, Association des musulmans de Fribourg: «Nous, musulmans de Fribourg, participons depuis plusieurs années déjà à la vie sociale et culturelle de ce canton. Dans le contexte mondial difficile que nous vivons, nous essayons de montrer le bon exemple. Nous travaillons et payons nos impôts comme tout le monde. Nos enfants fréquentent les écoles de la région. Nous octroyer le droit de vote et d’éligibilité renforcerait encore cette intégration déjà réussie.»
Maria Peduto, Communauté italienne: «Nous, les “vieux immigrants”, nous nous battons depuis 1979 pour obtenir des droits politiques. Jusqu’ici, on nous a toujours répondu que tout le monde était d’accord sur le fond, mais que le moment était mal choisi… La révision de la Constitution cantonale nous donne aujourd’hui une chance unique. Nous voulons pouvoir nous exprimer sur la question des écoles, sur les problèmes de la santé et sur tous les autres thèmes qui régissent notre vie quotidienne. Nous voulons nous sentir citoyen à part entière, avec des devoirs, certes, mais aussi des droits!»
Avilio Rodrigues, Fédération des associations portugaises de Suisse: «La communauté portugaise est bien intégrée en Suisse depuis de nombreuses années et participe honnêtement à l’économie de ce canton. Mais nous nous sentons mal à l’aise, car on ne nous a toujours pas reconnu le droit de vote.
Si nous participons activement à la vie culturelle, sociale et économique, pourquoi ne nous laisse-t-on pas prendre part à la vie civique?»


Démissions, écoles, impôts, budget…

Pierre Aeby se retire. Démission de poids annoncée à l’entame de cette deuxième session de l’année: après une carrière de vingt-cinq ans dans les affaires publiques, l’ancien conseiller d’Etat et aux Etats Pierre Aeby a abandonné son poste à la Constituante, qui représentait son dernier mandat. Une surcharge d’activités l’empêchait de participer régulièrement aux séances. Elu sur la liste socialiste de la ville de Fribourg, il est remplacé par José Nieva, premier des viennent-en- suite.
Deux autres nouveaux visages ont fait leur apparition au sein de l’assemblée: il s’agit d’Isabelle Chervet (pdc, Bas-Vully), qui remplace Henri Baeriswyl, et de Grégoire Bovet (pdc, Promasens), qui succède à Pascale de Techtermann.
Langue et religion à l’école. Sujets centraux de l’après-midi de mardi, les questions de langues et de religion à l’école ont ravivé pas mal de vieilles querelles entre les différentes communautés et conceptions. Après un très long débat, les membres de l’assemblée ont finalement décidé à une très nette majorité (75 voix contre 39) de botter le problème des langues en touche. Sur proposition des radicaux, ils ont en effet biffé l’alinéa 1 de l’article 71 de l’avant-projet qui prévoyait que les enfants scolarisés dans un cercle scolaire jouxtant la frontière linguistique puissent être scolarisés dans la langue officielle de leur choix, au besoin en changeant de cercle scolaire.
Restait la question de la neutralité confessionnelle à l’école. Là encore, il aura fallu pas mal de palabres avant que les constituants ne se décident, cette fois, pour le maintien de l’article 75 de l’avant-projet, à peine modifié (il inclut désormais les écoles privées subventionnées). Au grand dam des démocrates-chrétiens et des chrétiens-sociaux, qui souhaitaient eux le statut quo par rapport au système actuel, soit un enseignement fondé sur la conception chrétienne de la personne.
Impôts. Hier après-midi, ce sont les impôts qui ont donné lieu à une longue empoignade. Après avoir enterré l’idée d’un salaire minimal, les constituants fribourgeois ont également rejeté celle d’un «impôt négatif». Un «rabais fiscal» destiné aux travailleurs pauvres n’a pas eu plus de succès. La première proposition, émanant des socialistes, a notamment été combattue par l’ancien conseiller d’Etat en charge des finances du canton, Félicien Morel (ouv, Belfaux), pour qui la loi est suffisante pour résoudre les problèmes sociaux. De son point de vue, Fribourg est même «déjà à l’avant-garde».
Côté PDC, Claude Schenker (Fribourg) a en revanche prôné un rabais fiscal pour les working poors, soit les salariés, mais «aussi les indépendants» qui n’arrivent pas à nouer les deux bouts malgré une activité à plein temps. Le système, qui existe au Tessin depuis 1997-1998, permettrait aux plus défavorisés de toucher quelque chose de l’Etat au lieu de lui verser une obole.
Au vote, la proposition socialiste l’a d’abord emporté face à celle du PDC. Mais l’impôt négatif a finalement été battu à deux contre un lorsqu’il a été confronté à la version, très générale, de l’avant-projet. Dans la foulée, les constituants ont également balayé une proposition visant à plafonner la quotité de l’impôt communal.
Equilibre budgétaire. En cette époque de déprime conjoncturelle, la question de l’équilibre budgétaire que doit viser l’Etat a également donné lieu à une passe d’armes gauche-droite. L’avant-projet de Constitution prévoyait que les déficits éventuels, découlant d’une politique de relance par exemple, soient compensés «dans les cinq ans». Les socialistes ont proposé de supprimer ce délai. Sans succès, puisque l’assemblée a voté à 61 voix pour la version de l’avant-projet, l’amendement socialiste ne recueillant que 29 voix.

MV - ats


Marc Valloton
20 février 2003

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