«Pourquoi des poètes en temps de détresse?» demandait déjà Hölderlin, il y a 200 ans. Sûr que dans le vacarme actuel du monde, s’arrêter un instant pour parler de poésie peut paraître vain.
La Gruyère est allée à Grignan, dans la Drôme, rencontrer Philippe Jaccottet. Natif de Moudon, il figure parmi les plus importants poètes d’aujourd’hui. Avec une recherche constante de la justesse, il a construit une œuvre limpide, attachée à dire le mystère inépuisable de la beauté. Comme les proses de Gustave Roud, le modèle de ses premiers pas, ses textes sont de ceux qui touchent, simplement, loin des tourments formels qui ont souvent nui à la poésie contemporaine.
Dans la maison où il vit depuis cinquante ans, Philippe Jaccottet aussi s’interroge sur la légitimité de la poésie, cette «transformation d’une expérience en rayonnement lumineux». Reste qu’une telle rencontre a quelque chose de rassurant: ses paroles empreintes de modestie offrent une respiration dans la tourmente actuelle.
Pour entendre cette voix, rien ne vaut toutefois la lecture des textes. Les quelques extraits disséminés dans cette édition devraient ainsi donner raison au critique Jérôme Garcin, qui écrivait que lire les poèmes de Philippe Jaccottet «c’est vivre mieux».

Eric Bulliard 20 février 2003

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