Forces de police,
fouille corporelle au détecteur de métal, examen des sacs
à main: il fallait montrer patte blanche, hier à Châtel-St-Denis.
Pour deux jours, à la suite de la récusation du Tribunal
de la Sarine par décision du Tribunal cantonal, le Tribunal pénal
de la Veveyse a «hérité» de laffaire
de la sanglante bagarre survenue dans le camp des gitans de Posieux,
en décembre 1998.
La journée dhier a été axée sur la
lecture de la vingtaine de pages de lordonnance de renvoi, sur
les subtilités du maniement de deux modèles de fusil à
pompe par une spécialiste de la police et sur laudition
des principaux protagonistes de cette affaire.
Le premier, 34 ans, originaire de Suisse alémanique, est prévenu
de lésions corporelles graves et simples, de mise en danger de
la vie dautrui, voire de contrainte, de délit manqué
de meurtre ou délit manqué de meurtre passionnel.
Le second, dorigine espagnole, la quarantaine, est prévenu
de mise en danger de la vie dautrui. Ces deux prévenus
sont «des gens du voyage». La bagarre en question a pris
racine dans une querelle entre des enfants de ce camp de gitans. Une
dispute qui a dégénéré: des couteaux auraient
été sortis. Et les adultes sen sont mêlés.
«Cassez-vous!»
Selon le prévenu sur qui pèsent les plus lourdes charges,
lépouse de lautre homme impliqué dans cette
affaire a appelé ce dernier sur son téléphone portable.
Sest ensuivie une altercation entre les deux hommes. Lépouse
a alors ordonné à lun de ses fils, âgé
de 12 ans à lépoque, daller chercher un fusil
à pompe dans leur mobile home, où fut trouvé, ultérieurement,
tout un arsenal. Muni de cette arme, lEspagnol a menacé
la famille adverse. «Mon fils savait charger ce genre de fusil,
Jétais sûr, à 100%, que larme était
assurée. Je la dirigeais vers le bas, en balayant lespace,
pour leur dire: Cassez-vous! Je ne voulais faire de mal
à personne, je voulais quils partent de ma parcelle»,
a-t-il dit au tribunal présidé par Pascal LHomme.
Comme un déclic
Mais lautre prévenu a vu rouge. «Quand lépouse
a dit à lun de ses fils Va chercher le fusil!,
ça ma fait un déclic. Jai pensé, en
mon âme et conscience, quil aurait tiré sur ma famille.
Cest un homme connu pour être dangereux. Il a fait de la
prison en Italie pour trafic de stupéfiants. Alors jai
couru chercher un fusil à pompe dans le mobile home de mon beau-frère,
jai pris deux cartouches et jai chargé larme.»
Cest alors quil a visé dans la direction de lEspagnol,
en pensant, dit-il, que le fusil était chargé de balles
dautodéfense. Et il a tiré, sans coup férir.
En disant simplement à lautre: «Si toi tu ne tires
pas, moi je tire!»
A noter que ce prévenu suisse a lui aussi un passé judiciaire.
En 1996, il a été condamné à trois semaines
de prison avec quatre ans de sursis pour agression
150 plombs dans
le corps
LEspagnol sest effondré, grièvement blessé.
Sur la base des radios faites à lhôpital, il ressort
quenviron 150 plombs de 2,5 à 3 mm ont été
retrouvés dans son corps. Les mains et la paroi thoracique et
abdominale ont été touchées, certains dommages
étant permanents: lamputation dune phalange de la
main gauche et une greffe difficile sur un autre doigt, notamment. Lhomme
a du reste montré au tribunal, aux avocats et au Ministère
public les «bosses» et lésions des plombs, toujours
présents dans son organisme.
Lun des fils de ce prévenu a par ailleurs dû se faire
extraire un grain de plomb dune narine. Sajoutent les suites
psychologiques pour tout ce «clan», perturbé par
les événements. Le prévenu a expliqué quau
moment du drame, il était en «reconstruction» familiale.
Or, il est aujourdhui divorcé. En outre, son mobile home
a pris feu, peu après cette affaire. Lorigine serait criminelle,
mais le coupable na pas été identifié.
Verdict aujourdhui
Les témoins ont défilé durant tout laprès-midi.
Leur audition se poursuivra ce matin. Viendront les plaidoiries, le
réquisitoire du substitut du procureur, puis le verdict. Complexe,
cette affaire a révélé, en filigrane, de lointaines
haines de clans.
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