ÉDITORIAL

Le PDC en crise
Le parti des cassures

Le PDC boit son vin électoral jusqu’à la lie. Après l’éjection de Ruth Metzler, c’est au tour du président Philipp Stähelin de quitter la maison démocrate-chrétienne, fissurée de toutes parts. Le constat n’est pas seulement valable pour le niveau fédéral, il s’impose aussi à l’échelon cantonal, où de nombreuses sections se sont effondrées le 19 octobre dernier.
Les temps de crise sont propices aux diagnostics superficiels: erreur de stratégie et de positionnement, faiblesse des responsables, mauvaise communication. Le mal est bien plus profond. Il s’inscrit dans un temps plus long, dont la déroute d’octobre et le «drame» du 10 décembre ne tiennent que du couronnement.
La lenteur de l’effritement du PDC a servi de paravent à une érosion plus sournoise, qui a entraîné la chute de pans entiers d’un électorat déboussolé. Cette érosion est liée à la sécularisation de la société. Parti aux racines confessionnelles, le PDC a progressivement abandonné les terres religieuses pour répondre aux défis de la modernité. Cette prise de distance n’a pas été accompagnée par une vraie réflexion idéologique. La récente polémique entre la direction du PDC et Mgr Koch, l’évêque de Bâle qui rappelait au parti le «C» de son étiquette, témoigne de ce flou doctrinal. Cette perte de profil a entraîné un éparpillement des forces: certains s’accrochent au bréviaire de la doctrine sociale de l’Eglise, d’autres empoignent la bible du libéralisme.
Le PDC est désormais rongé par les chapelles, de la gauche à la droite extrême. Ces cassures internes sont accentuées par une autre rupture: progressivement, le PDC s’est coupé de sa base. Les positions de l’élite dirigeante ne reflètent plus les opinions d’un électorat devenu trop pluriel. Devant l’impossibilité de rassembler ce magma hétérogène, le PDC s’est transformé en machine électorale. Il est devenu une agence de placement.
Pour toute doctrine, il avançait son positionnement sur l’échiquier politique. Etre au centre suffisait à son bonheur. Oubliant que la démocratie-chrétienne avait une vocation européenne, qu’elle fut novatrice en matière de fédéralisme…
C’est cette lente décrépitude que les citoyens – et les Chambres – ont sanctionnée. S’il ne veut pas disparaître, aspiré par les fronts polarisés, le PDC doit entrer en révolution. Pour retrouver un profil et un souffle, d’urgentes clarifications s’imposent. Mais en a-t-il encore la force?

Patrice Borcard
13 décembre 2003

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