GRUYÈRE Grandvillard

Statue unique dans le canton

Œuvre marquante de l’histoire de Grandvillard, la Vierge de l’Annonciation va trouver place au Musée gruérien. Son état et sa rareté exigeaient une mise à l’abri. Datée de 1511, cette statue est l’unique exemple de sculpture de ce type dans le canton. Une copie la remplacera.

Haute de près d’un mètre, la statue représente la Vierge agenouillée
à son prie-Dieu, avec une expression entre la peur et la soumission

«Sur le plan de la rareté, c’est une pièce très importante», estime Ivan Andrey, à propos de cette Vierge de l’Annonciation de Grandvillard. Selon le responsable cantonal des Biens culturels meubles, cette œuvre, datée de 1511, est le seul exemple dans le canton de sculpture sur ce thème, que l’on trouve plutôt en peinture.
«Nous connaissons cette statue depuis un certain temps, mais nous ne nous y étions jamais intéressés de près», poursuit Ivan Andrey. Propriété privée, elle se trouvait dans une niche, sans doute creusée pour elle, d’une maison ancienne de Grandvillard. Marie-Thérèse Torche, du Service des biens culturels, l’a remarquée lors de la restauration de cette demeure.
«On ne peut plus laisser une statue de cette époque à l’extérieur», relève pour sa part Denis Buchs, conservateur du Musée gruérien. «Mais comme cette statue contribue depuis longtemps à l’image d’un des plus beaux villages de notre région, cette niche ne pouvait pas rester vide.» Une copie sera donc effectuée, qui devrait prendre la place de l’original dès le printemps.

De l’ancienne église
«C’était pour nous une condition sine qua non, relève Véronique Wezranowska, la propriétaire. Cette statue fait partie de la maison et de l’histoire de Grandvillard. Ça nous faisait un peu mal au cœur de la voir partir, mais tout le monde nous a dit que c’était le dernier moment pour la mettre à l’abri.» Elle signale également que les anciens propriétaires ont expliqué que la niche a été construite en 1920. «Auparavant, la statue était suspendue à une corde.» Confiée à un atelier de restauration, la Vierge de Grandvillard a en effet souffert d’être exposée au chaud, au froid, à la pollution de la route toute proche. Malgré l’avant-toit qui la protégeait des intempéries. «La polychromie s’écaille un peu partout, bien qu’elle ait été refaite en 1974. Par endroits, le bois est à nu», explique Denis Buchs. Pour la restauration, il s’agira d’effectuer des sondages, afin de déterminer «ce qui est ancien et ce qui reste de 1974». La statue ne sera pas repeinte, mais restaurée avec «prudence et retenue».
Pour Ivan Andrey, le fait que cette sculpture soit en bois prouve qu’«elle n’était pas conçue pour être placée à l’extérieur. Dans ce cas, elle aurait sans doute été en pierre.» D’après ses recherches, cette Vierge de l’Annonciation, d’une hauteur de près d’un mètre, a été réalisée pour l’autel de l’ancienne église de Grandvillard, qui se trouvait au lieudit la Daudaz. Le 25 janvier 1511, en effet, une chapelle a été fondée, annexée à la partie orientale de l’église et dédiée à la Vierge de l’Annonciation. L’acte prévoyait que les fondateurs devaient fournir les ornements. La statue devait en faire partie. L’actuelle chapelle de la Daudaz a ensuite été construite vers 1700. «Cette Vierge a dû quitter l’ancienne église au début du XVIIIe siècle, estime Ivan Andrey. Elle est certainement devenue alors propriété d’un particulier, mais cela demeure très vague.»

Origine vaudoise?
Son origine reste elle aussi incertaine. D’après son style, au carrefour du gothique tardif et de la Renaissance, «on peine à dire où la statue a été fabriquée. Il y avait à l’époque un atelier de sculpture à Fribourg, mais le style ne lui correspond pas.» Ivan Andrey avance l’hypothèse d’une fabrication «dans le Pays de Vaud».
Une hypothèse d’autant plus intéressante, comme le signale Denis Buchs, que «les sculptures de la région lémanique de cette époque sont rares, surtout celles en bois. La Réforme était passée par là.» Un expert, l’historien d’art Franz-Josef Sladeczek, signale que si la statue possède une composition élégante et expressive, certains détails révèlent qu’elle ne saurait être comparée aux maîtres de la région rhénane.
Reste que cette pièce est d’«importance régionale», note Ivan Andrey. Denis Buchs, lui, estime en particulier que «son expression convient très bien à une Vierge de l’Annonciation». Agenouillée à son prie-Dieu, elle montre une attitude «entre la peur et la soumission, avec un geste de surprise». Comme il s’agit de l’Annonciation, Ivan Andrey remarque qu’une deuxième statue, celle de l’archange Gabriel, devait sans doute l’accompagner. «S’il y a eu deuxième statue, nous l’avons perdue de vue», précise Denis Buchs.

Place d’honneur
Le conservateur du musée signale en outre que cette entreprise d’acquisition-restauration-remplacement a été rendue possible «par un partenariat entre les Biens culturels, les Amis du Musée, qui ont financé l’achat, et l’association Patrimoine Gruyère-Veveyse, qui a pris en charge la copie, financée en partie par la Loterie romande.» La restauration, elle, est à la charge du musée. Des opérations de ce type avaient été réalisées pour une pietà sculptée, trouvée à Broc et attribuée à Hans Geiler ou à son atelier (vers 1520), et un saint (Claude?) de Botterens, du XVe siècle.
Cette Vierge de Grandvillard, une fois restaurée, sera exposée au Musée gruérien dans le courant de l’année prochaine. Ensuite, assure Denis Buchs, «dans le cadre d’un remaniement du secteur art religieux, qui devrait avoir lieu en 2005, elle trouvera une place d’honneur».


Eric Bulliard
13 décembre 2003

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