HOMME DE L'OMBRE Stéphane Gremion

Dans une équipe, autrement

Soigneur masseur du FC Haute-Gruyère, Stéphane Gremion fait partie de ces hommes de main indispensables à la bonne marche d’une équipe. Troisième volet d’une série consacrée aux hommes et aux femmes de l’ombre qui œuvrent pour le sport régional.


Stéphane Gremion: «Si j’arrêtais d’être soigneur, je m’embêterais. Et je traînerais trop dans les bistrots»

 

«Je ne pourrais pas revenir en arrière. Soigneur, j’adore ça. Des matches tous les week-ends, les entraînements durant la semaine, ça m’occupe. Et puis, comme ça, je fais partie d’une équipe.» Stéphane Gremion aime le foot. Le FC Bâle, «parce qu’il a un beau stade, un beau public et un bon entraîneur». Et l’équipe de Suisse, Magnin et Frei plus particulièrement. Mais une méningite quand il était petit et, vestige de sa maladie, un tuyau qu’il gardera toute sa vie dans la tête, l’empêchent de pratiquer les sports de contact. Alors, le soigneur du FC Haute-Gruyère a trouvé un autre moyen de «participer aux joies d’une équipe». Rencontre avec un homme aux mots simples, comme les souvenirs. Les meilleurs se résument aux matches gagnés, les pires aux matches perdus.
Machiniste à l’usine Nestlé de Broc, Stéphane Gremion, 36 ans, a été approché par des collègues, joueurs du FC local, en 1992. «Ils savaient que j’aimais bien le foot. Ils m’ont proposé de devenir soigneur masseur. J’ai accepté, cela me permettait d’entrer dans une équipe. Le FC Broc m’a payé des cours auprès de Léo Jaquet, alors soigneur du FC Bulle.»
A Broc, il occupera le poste durant quatre ans. Jusqu’à une pause, contrainte et forcée. «J’ai dû arrêter à cause du sirop. On m’a retiré mon bleu pendant seize mois. Sans permis, ça ne me servait à rien de continuer.» Il a fallu un joueur de Grandvillard rencontré dans une discothèque bulloise pour que le Brocois reprenne du service du côté de l’Intyamon. Après six ans à Grandvillard/Enney, devenu Haute-Gruyère, il commettait pourtant une infidélité coupable. Aujourd’hui encore, il la raconte le regard gêné: «Le frère de ma copine de l’époque jouait à Vuisternens/ Mézières. Il m’a cassé les pieds pour que j’aille dans son club. Moi, je ne voulais pas. Mais j’ai fini par craquer.»

Tendu face à Broc
Après une année, le soigneur était de retour au club de son cœur, en Intyamon: «A Haute-Gruyère, le comité, les joueurs et l’entraîneur, ils sont tous sympas. Et ils m’aiment bien. L’année dernière, je voulais arrêter. Mais Dominique Delacombaz, du comité, m’a dit de ne pas le faire, parce que tout le monde m’appréciait et que si j’arrêtais, je m’embêterais. Et je risquais de trop traîner dans les bistrots. Il avait raison. Je peux tous les remercier. D’ailleurs, je leur ai promis de ne jamais repartir.»
Malgré un travail de nuit parfois, Stéphane ne rate quasiment pas un entraînement. «Si vraiment je n’ai pas pu y aller, je téléphone à l’entraîneur pour savoir comment cela s’est passé. Parfois, avec Hervé Thimonier, on bavarde trente minutes de l’équipe. C’est un gars vraiment bonnard. Il est respectueux des joueurs, alors les joueurs le respectent. Même si, de temps en temps, il peut aussi s’énerver.»
S’énerver, voilà quelque chose que, pour sa part, Stéphane ne fera jamais. Même s’il se dit très tendu durant les matches, surtout quand Haute-Gruyère affronte Broc, où il habite encore. «Je connais tout le monde, là-bas. Alors si on perd, j’en entends de la part de mes collègues, mais aussi de ma famille. Mon frère jouait à Broc, et aujourd’hui il s’occupe du marquage du terrain. On ne se gêne pas pour se chambrer.»
La suite? Stéphane Gremion la situerait bien en finales de promotion, puis en 2e ligue. Bien sûr, ce serait la fin des «derbys» face à Broc. Mais le soigneur pourrait ainsi revivre les bons moments d’une promotion, comme il y a six ans avec Grandvillard/Enney. «On s’est renforcé, c’est sûr. Mais les autres équipes aussi. En tout cas, après les promotions de Gumefens/Sorens et de Semsales, la voie est libre.»

Commissaire de la Pacotière
Le soigneur vibre également pour une autre de ses passions: la guggenmusik. A Broc, il a même essayé de faire partie de la Pacotière. «Je voulais jouer de la grosse caisse. Mais pour cela, il faut le sens du rythme. Et moi, je ne l’ai pas. Ils m’ont quand même gardé comme commissaire.»
Commissaire? «Durant le Carnaval de Broc, je dois m’assurer que la guggen suive le programme établi. Nous allons de bistrot en bistrot selon ce qui a été prévu.»
Dans sa région d’origine, Stéphane est presque plus connu par son surnom: Grenouille. «Je n’ai aucune idée d’où il vient, rigole-t-il à moitié. Des gars de Broc m’ont baptisé ainsi il y a des années, je n’ai jamais compris pourquoi. Au début, c’était dur, je me suis assez excité à cause de ça. Mais bon, maintenant c’est égal. Ça ne vaut pas la peine de s’énerver pour si peu. Et puis, c’est pas méchant.»
Peu habitué aux honneurs, Stéphane Gremion a bien préparé l’interview, prenant soin de noter les années et les différentes saisons passées ici ou là. «J’avais peur de me tromper dans les dates, alors j’ai passé quelques coups de fil pour tout vérifier. Je ne voulais pas raconter de bêtises.»
Il est comme ça, le soigneur de Haute-Gruyère. Consciencieux, comme le sont presque toujours ceux qui travaillent dans l’ombre.

 

Karine Allemann
25 juillet 2006

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