FRIBOURG Planification sanitaire

Les cliniques sous pression

Exit les hôpitaux publics, place aux cliniques privées fribourgeoises. Ces dernières, au nombre de trois, toutes à Fribourg, se trouvent à leur tour prises dans la planification sanitaire. Y en a-t-il une de trop? Réponse cette année, assure Ruth Lüthi.


Sainte-Anne, Garcia et Daler: les trois cliniques privées vont passer à la moulinette de la planification hospitalière photos (C. Haymoz et C. Dutoit)

 

Y a-t-il une clinique privée de trop dans le canton, qui en compte trois? Ou comment répartir au mieux les 110 lits privés envisagés à terme par la planification cantonale? Pour y voir clair, une étude spécifique à la prise en charge des soins dans les établissements privés va être réalisée ces prochains mois. «Les résultats de l’expertise et la décision du Conseil d’Etat tomberont cette année encore», déclare Ruth Lüthi, directrice de la Santé.
Maintenant que la planification des hôpitaux publics est terminée et bientôt concrétisée partout (restent Billens et Meyriez), le canton s’attaque au secteur privé, non subventionné: à savoir l’hôpital Daler ainsi que les cliniques Sainte-Anne et Garcia, tous trois à Fribourg. Comme le précise Patrick Andenmatten, économiste au Service cantonal de la Santé publique, «la LAMal oblige les cantons à planifier le secteur hospitalier en prenant en compte de manière adéquate les organismes privés».
Surcapacités, doublons, personnel sous-employé, difficultés financières: les assureurs maladie regroupés au sein de Santésuisse ne sont pas les seuls à mettre les bâtons dans la fourmilière privée, eux qui ont déposé un recours au Conseil fédéral contre la liste des hôpitaux et des cliniques (La Gruyère du 3 février). L’une des raisons de l’actuelle remise à plat réside dans le fait qu’orthopédie et maternité figuraient en bonne place sur les trois sites, avant que Garcia renonce spontanément à sa maternité. De plus, ces trois cliniques atteignent, selon les sources, un taux d’occupation moyen de seulement 65%. Et près de 70% des cas soignés sont pris en charge par l’assurance obligatoire des soins (chambres communes).

Voilure déjà réduite
Faute de comptes d’exploitation publiés, difficile d’évaluer les chances de survie des uns et des autres. Daler paraît néanmoins mieux armé que Sainte-Anne et surtout Garcia. Ces établissements ont déjà été contraints par le canton à réduire leur voilure: de 169 lits autorisés jusqu’à l’an passé, ils sont passés à 137, pendant que les hôpitaux publics supprimaient 79 lits pour les soins aigus (de 661 à 582). «Fribourg n’a pas besoin de tous ces lits pour couvrir les besoins de la population au sens de la LAMal», insiste Sébastien Ruffieux, secrétaire général de Santésuisse-Fribourg.
Qu’en pensent les responsables des cliniques? Echaudé par des articles de presse à la suite de trois licenciements récents, le directeur de Sainte-Anne, Jean-Marc Zumwald, garde un silence poli. A Garcia, la clinique se remet sur les rails, après avoir frisé le code: nouvelle équipe au conseil et arrivée du directeur français François de Palmaert. On n’est pas loin de penser que des doublons pourraient être évités en répartissant mieux les rôles entre les acteurs. C’est du moins l’avis d’André Vienny, un des administrateurs de la clinique qui a perdu jusqu’à 100000 francs par mois. Une ardoise épongée avec de moins en moins d’entrain par la congrégation religieuse propriétaire de la maison.
Rudolf Knoblauch, directeur de Daler, va plus loin encore: «Il y a clairement surcapacité», déclare-t-il en pointant du doigt les journées d’hospitalisation perdues à hauteur de 30% par les privés fribourgeois ces dix dernières années, selon lui. Réduire progressivement le nombre de lits? «Cela ne diminue pas les frais d’infrastructure tout en posant le problème de la taille critique.» Et d’ajouter: «Il y a clairement une clinique de trop.» Le patron de Daler, dont les reins financiers sont les plus solides du trio, ne craint visiblement pas une concurrence accrue.
Sauf qu’il ne croit pas au centralisme étatique: les spécialités d’un hôpital dépendent en effet fortement des médecins qui y travaillent. Ruth Lüthi, elle, n’exclut pas de centraliser les prestations pour des questions d’économies d’échelle, à l’image de ce qui s’est fait dans les hôpitaux. Quoi qu’il en soit, les changements n’entreront pas en force avant une période de transition de quelques années.

Qui paie commande
Reste que les cliniques «couvrent des besoins que les hôpitaux publics ne pourraient assumer en l’état si on fermait une des trois cliniques», rappelle le spécialiste de la question, Patrick Andenmatten. Et comme pour compliquer les choses, tout devrait changer dès 2008 puisqu’on s’achemine vers une prise en charge partielle des coûts des cliniques par les cantons. Et comme dit l’adage: qui paie commande…

En résumé

SAINTE-ANNE (Pérolles)
Fondation: 1932. Lits/occupation: 53,70%. Personnel: 150 (100 EPT). Spécialités: médecine interne, chirurgie, gynécologie, obstétrique, radiologie, anesthésio-logie et réanimation. Statut: société anonyme aux mains du Genevois Marcel Morard (60% du capital-actions) et de médecins avec le directeur (40%).

GARCIA (Pérolles)
Fondation: 1905. Lits/occupation: 32 lits, non communiqué. Personnel: 120. Spécialités: médecine interne, chirurgie (surtout orthopédique), radiologie, anesthésio-logie et réanimation. Statut: société anonyme propriété des Sœurs de Saint-Thomas de Villeneuve (France).

HÔPITAL DALER (Bertigny)
Fondation: 1917. Lits/occupation: 52 lits, 90%. Personnel: 180 (130 EPT). Spécialités: médecine interne, chirurgie, gynécologie, obstétrique, ophtalmologie, etc. Statut: fondation de droit privé reconnue d’utilité publique, créée par le legs de la fortune de Jules Daler (commerçant et banquier, 1824-1889) à la paroisse réformée en vue de créer un hôpital. Sources fournies par les cliniques et la liste des hôpitaux du cantonz

 

Sébastien Julan
3 mars 2005

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