Depuis
la ferme de ses grands-parents, où il passa une partie de son
enfance, Marcel Imsand devait souvent observer Gruyères. A travers
le cadre de sa fenêtre le cadre de son appareil photo?
il devait voir se découper le château devant les
brumes de lIntyamon. Depuis Pringy, Marcel Imsand devait lever
les yeux au ciel pour voir Gruyères.
Puis il se lança dans la photographie, installa son atelier à
Lausanne et immortalisa Barbara, Paul et Clémence ou les deux
frères, LEst et LOuest, dans leur ferme de Vaulruz.
Revenant sur les traces de son enfance, Marcel Imsand na toutefois
jamais cessé de photographier les paysages de sa jeunesse. Des
images aujourdhui réunies dans un petit livre, Gruyères
en hiver, publié aux Editions La Sarine.
Au fil des 23 images de ce recueil, lil de Marcel Imsand
sentête. Comme autant de figures imposées, il sobstine
à capturer Gruyères souvent dun même point
de vue, du côté du Carmel ou de Montbarry. Dans son rectangle,
le bourg pose entre les contreforts de la Dent-de-Broc et la lisière
darbres qui longe lAlbeuve. De son poste de guet, Marcel
Imsand regarde enfin Gruyères les yeux dans les yeux.
En porte-à-faux avec les clichés pittoresques de la cité
médiévale, ces images révèlent le bourg
dans toute sa nudité. Un manteau de neige a suffi à repousser
hors les murs la horde de touristes de lété. Dans
la Grand-Rue désertée, seuls quelques bambins sinitient
aux plaisirs de la luge Davos.
Souvenirs
denfance?
Rendue à la virginité, Gruyères renvoie limage
utopique dun éden intemporel. Nulles traces de voitures,
de marchands du temple ni de sculptures de Giger. Un peu comme si ces
images récentes dImsand avaient ressurgi inconsciemment
de ses souvenirs denfant.
La réponse est sans doute à chercher dans le traitement
alchimique de ses photographies. Maître artisan du tirage, Imsand
a utilisé une technique ancienne, tombée en désuétude
depuis lapparition de limage numérique. Dans la chambre
noire, il plonge son papier dans un dernier bain colorant un
virage aux sels dor afin de rehausser limage de tons
jade ou sanguine. Un procédé ancestral, abandonné
depuis longtemps, qui renforce son esthétique empreinte de nostalgie.
Au reste, on reconnaîtra du premier coup dil la griffe
du photographe. Surtout grâce à ce grain «immodéré»,
comme une trame typographique proche de lesprit pointilliste,
qui signe invariablement ses uvres depuis un demi-siècle.
On se régalera également à la lecture de la préface
de Pierre Savary, écrivain et journaliste à La Gruyère.
Une prose poétique «Un saule qui fut pleureur balaie
le ciel. Les saules ne pleurent-ils quen été?»
qui offre un magnifique contrepoint aux images dImsand.
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