Sud fribourgeois Vuisternens-en-Ogoz

Garder le plaisir du vinyle

DJ installé à Vuisternens-en-Ogoz, Philippe Ayer a créé une société peu banale: il grave des disques sur des plaques de PVC. Des pièces uniques, qui ont le son chaleureux des vinyles. Ils permettent aussi aux DJ de scratcher et de proposer leurs propres morceaux. Ou quand la musique d’aujourd’hui rencontre l’artisanat d’hier.


Philippe Ayer s’est lancé en octobre dernier dans le gravage de disques avec une machine artisanale fabriquée en Allemagne

 

A l’heure des MP3 et de la disparition du CD, certains amoureux de la musique chérissent toujours le vinyle. Philippe Ayer va même jusqu’à graver ses propres disques. Avec une drôle de machine que ce DJ a installée dans la ferme de Vuisternens-en-Ogoz où il vit depuis plusieurs années.
Il y a quelque temps déjà que cette idée lui trottait dans la tête, quand Philippe Ayer a découvert cette graveuse, à la Musikmesse de Francfort, le salon international de la musique. «Elle est fabriquée par un artisan. A ma connaissance, il y en a trois en Suisse», relève-t-il. Le gravage s’effectue sur des plaques de PVC et non pas de vinyle, qui serait plus cher, plus compliqué. «La différence, c’est qu’avec le PVC on peut graver un exemplaire à moindre coût. Avec le vinyle, il faut en presser des centaines.»
Parce que le but premier est bien de graver des disques uniques: les boucles et les rythmes qu’il crée sur ses machines, Philippe Ayer peut ainsi les transférer sur disque. Tout comme les autres membres du collectif qu’il vient de créer en compagnie de trois autres DJ, baptisé Unrealised Kollectiv. «L’objectif est de faire nos propres morceaux, de les graver et ensuite de faire des soirées avec de la musique inédite.» Une manière aussi de partager des expériences, alors que «dans la musique électronique, en Suisse, chacun a un peu tendance à rester de son côté». Si Philippe Ayer (alias DJ Phila) travaille plutôt dans la techno, le collectif est ouvert à tous les styles.

La chaleur du son
Concrètement, la plaque de PVC est d’abord chauffée entre 40 et 50°C, grâce à deux lampes. Deux hauts-parleurs, sur la tête de gravage, donnent ensuite l’oscillation au diamant qui grave les sillons. Reste ensuite à les vérifier à la loupe, à s’assurer par exemple qu’ils ne se touchent pas, ce qui risquerait de faire sauter l’aiguille. Les disques peuvent être gravés sur les deux faces, chacune contenant une dizaine de minutes, «pour un enregistrement puissant. On peut aller jusqu’à 30 minutes par face.»
Avantage de ces disques? Ils ont «le son vinyle, plus chaleureux, avec des graves profonds, des aigus moins cristallins. Mais c’est vraiment fait pour le club.» Par rapport aux «dubplates» (disque unique gravé sur de l’aluminium laqué), fréquemment utilisés dans les sound systems de reggae, ces disques en PVC se révèlent beaucoup plus résistants: ils supportent jusqu’à 10000 passages. Et les DJ ont la possibilité de scratcher, ce qui n’est pas envisageable avec les dubplates.
Pour Philippe Ayer, pas question en effet de se passer du plaisir des disques traditionnels. «Aujourd’hui, sur ordinateur, il existe des programmes spécialisés pour DJ, comme Traktor, Final scratch ou Serato… Mais je n’ai jamais appris à mixer avec un laptop. Et j’aime le contact avec le vinyle.»
Après avoir suivi une journée de formation chez le fabricant, qui fournit également les plaques de PVC vierges, Philippe Ayer s’est lancé dans le gravage de disques en octobre dernier. Récemment, il a même fondé sa propre société, Phila vinyle Cut. Des DJ de Suisse romande ont déjà fait part de leur intérêt. Ou de simples amateurs de musique: un Lausannois a ainsi souhaité que Philippe Ayer grave un disque à partir d’un CD, «juste pour le fun». Ce transfert, qui peut s’effectuer à partir de CD comme de MP3, est autorisé à des fins privées «mais il n’aurait pas le droit de le jouer en club». L’inverse est également possible, soit transférer des vinyles sur CD.
DJ depuis plus de dix ans, Philippe Ayer travaille aussi comme technicien du spectacle. La musique, les disques, «c’est ma passion depuis tout petit», explique-t-il. Et même si le marché paraît très spécialisé, les amoureux du son et du scratch pourraient se tourner de plus en plus vers le PVC: «Normalement, en 2009, l’industrie du vinyle est terminée, parce que la matière première ne sera plus fabriquée.» Vu ses nombreuses applications, le PVC, lui, ne semble pas près de disparaître.

Contact: Philippe Ayer, Phila vinyl Cut, BPM@tele2.ch, 076 323 63 49

 

Eric Bulliard
3 février 2007

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