GRUYÈRE Auto bridée à 45 km/h

Disparition d'un passe-droit

Le privilège permettant de rouler avec une voiture bridée à 45 km/h, après un retrait de permis, pourrait bien disparaître. Le Conseil fédéral sera saisi d’ici l’été d’une proposition en ce sens. Pour certains cantons, la sécurité et la fluidité du trafic sont en jeu.


Les voitures bridées pourraient être interdites par le Conseil fédéral pour des raisons de sécurité et de fluidité du trafic

 

Depuis le 1er avril 2003, une personne qui voit son «bleu» s’envoler pour un excès de vitesse peut tout de même conserver le droit de conduire. La loi prévoit qu’il peut prendre le volant d’un véhicule bridé à 45 km/h (catégorie F). Et ce à partir de l’âge de 16 ans.
La parade a été découverte par Enzo Stretti, président des hôteliers lausannois. Il a trouvé la faille dans la législation, après un excès de vitesse qui lui a coûté un retrait de permis d’un mois. Sa première «Smart 45» a été louée par un de ses copains qui s’est vu retirer son permis de conduire pour avoir roulé trop vite. Depuis plus de trois ans, il est à la tête d’une société qui met à disposition plus de 150 véhicules bridés dans six points de Suisse romande: Lausanne, deux agences à Genève, Sion, Bulle et Le Sentier (VD).

De 700 à 800 fr. par mois
«Actuellement, le temps d’attente peut aller jusqu’à un mois et demi. Nous venons d’acheter une quinzaine de voitures à quatre places», explique un des responsables d’Enzolocation, la société d’Enzo Stretti. Les locations – 800 francs par mois pour une Smart – vont bon train à Lausanne et Genève, alors qu’«il y a actuellement deux ou trois voitures à Bulle et autant à Sion».
Fredy Sonbergger, responsable de l’atelier de la station Migrol, à Bulle, qui travaille avec Enzolocation: «Nous avons enregistré une baisse des locations depuis la mi-2006.» Pourquoi ce fléchissement? «Parce que les gens sont peut-être plus prudents, mais aussi à cause de la location, tout de même chère», avance-t-il.
Patron de la Carrosserie Berset SA, à La Tour-de-Trême, Didier Berset est à la tête d’un parking de quatorze véhicules plombés à 45 km/h. Moyenne de la location: 700 francs par mois. «Depuis le début de l’année, j’ai deux véhicules en permanence chez moi. C’est un tassement que je ne comprends pas. Avant, je devais refuser beaucoup de demandes par manque de voitures. Est-ce dû à la prudence des automobilistes ou la police qui est plus sympa?» interroge le garagiste. Cette situation ne fait pas son bonheur, car c’est maintenant qu’il pourrait commencer à gagner de l’argent: «Mes autos sont bientôt presque toutes amorties.»
Le canton de Fribourg ne voit pas ces engins d’un mauvais œil. «Ces voitures bridées peuvent être une solution pour les automobilistes qui veulent par exemple conserver leur travail», dit André Demierre, chef du service juridique de l’Office cantonal de la circulation et de la navigation.

Berne veut serrer la vis
L’Office fédéral des routes (OFROU) n’est pas de cet avis. «C’est une question de sécurité et de fluidité du trafic», souligne son porte-parole Thomas Rohrbach. A l’heure où l’OFROU développe son concept «Via secura» visant à réduire le nombre de morts sur les routes, cette exception fait tache. «Les gens ne comprennent pas qu’un automobiliste ayant fait un excès de vitesse puisse continuer à conduire une voiture», relève-t-il.
La consultation menée par l’OFROU au sujet des véhicules bridés à 45 km/h va dans le même sens. Il apparaît clairement que les cantons ne veulent plus de ce passe-droit. L’Office fédéral des routes va sans doute faire une proposition analogue: lors d’un retrait de permis pour excès de vitesse ou conduite en état d’ébriété, le contrevenant n’aura plus le droit de se mettre au volant d’un véhicule de la catégorie F. Il appartiendra au Conseil fédéral de serrer ou non la vis. «La décision du Gouvernement pourrait tomber avant cet été», annonce Thomas Rohrbach.
Cette possibilité ne démonte pas les locataires des véhicules plombés. «On est prêt à les débrider», dit avec un certain amusement un des responsables d’Enzolocation.


Christophe Schaller
3 février 2007

Une I Editorial I Gruyere I Veveyse/Glâne I Fribourg

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