COURSE À PIED Colette Borcard

La montagne, ça la gagne

Le plat, les descentes et le bitume, très peu pour elle. Colette Borcard préfère les courses de montagne et les interminables becquets. Et ce n’est pas une petite blessure à l’aine qui va empêcher cette bête de compétition de courir pour la dixième fois dans son jardin, dimanche entre Neirivue et Le Moléson.


Colette Borcard (ici lors du dernier Neirivue - Le Moléson): «Il ne me viendrait pas à l’idée de m’entraîner à Bouleyres. Il faut que ça grimpe!»

 

Depuis plus de dix ans qu’elle sévit dans la région et ailleurs, le milieu de la course à pied l’a compris depuis belle lurette: Colette Borcard est une bête de compétition. Car derrière ce mètre cinquante-six de timidité et de sensibilité se cache un tempérament de feu. «En course, je deviens une autre personne, déterminée.» Voire carrément irrésistible dès que se profile la montagne, son terrain de jeu préféré. Avant son dixième Neirivue - Le Moléson, dimanche – qu’elle a tenu à disputer malgré un pépin à l’aine – la Gruérienne dévoile quelques facettes de son personnage.
Neirivue - Le Moléson. «J’ai disputé pas mal de courses de montagne, mais Neirivue - Le Moléson reste l’une des plus belles à mes yeux.» Et pas seulement parce que Colette Borcard évolue dans son jardin et que le départ est donné à deux pas de la maison familiale. La triple lauréate se nourrit de becquets. Avec l’épreuve gruérienne, elle est servie. «Mis à part le passage du sentier botanique, il n’y a que des montées.» La Gruérienne de poche avoue aussi une attirance pour les épreuves valaisannes. Sierre - Zinal en tête, où elle avait terminé 3e en 1999.
La montagne, son jardin. Colette Borcard aime: les courses de montagne, les montées sur les sentiers et les pâturages. Elle n’aime pas: le bitume, le plat et les descentes. «C’est comme ça, je ne l’explique pas. Peut-être est-ce dû au fait que je suis née entourée de montagnes. Il ne me viendrait pas à l’idée de m’entraîner à Bouleyres. Il faut que ça grimpe!» Tout juste l’athlète du Club sportif Neirivue consent-elle à quelques sacrifices – entendez l’une ou l’autre participation à des courses en plaine – histoire d’acquérir un rythme qui lui est profitable en montagne. «La plupart des gens trouvent les courses de montagne difficiles. Moi, sur le plat, je souffre! Je dois davantage me faire violence.»
A l’entraînement, la Gruérienne est vite rattrapée par ses vieilles amours. «Au bout d’un quart d’heure de plat, je lève la tête et je m’embarque dans une montée.» Le plaisir n’atteindra son paroxysme que quand elle aura pu tourner là-haut, dans «ses» pâturages. Et les balades en montagne tranquilles, en famille? «Tranquilles? J’ai de la peine, mon mari pourra le confirmer (rires).» Quand elle s’était remise à la course à pied, qu’elle avait abandonnée à l’adolescence, Colette Borcard avait entraîné ses trois filles et son conjoint dans son sillage. «Mon mari court toujours, c’est peut-être moi qui le pousse un peu.»
La plus grande satisfaction. «Le Tour du Mont-Blanc. Encore maintenant, il ne se passe pas un jour sans que j’y repense.» Trois pays, 155 km, 8500 m de dénivelé positif, le tout en une seule étape: voilà le petit «cadeau» que s’était offert l’athlète de Neirivue pour marquer le passage de la quarantaine, il y a deux ans. «C’était tellement fort… Là, j’ai souffert et j’ai été chercher loin.» Avec, au bout du pensum, une première place chez les dames en 26 h 08’54 et surtout un 14e rang toutes catégories confondues.
Pour l’heure, cette expérience incroyable est restée sans lendemain. «Je ne crois pas que je pourrais la refaire. Si ce n’était que la course en elle-même, je dirais oui. Mais il y a l’avant et l’après.» «L’avant», des heures et des heures d’entraînement, parfois huit de rang. Une préparation pénible désormais plus compatible avec son emploi du temps, deux postes de travail pour un taux d’occupation de 80%. «L’après», des nuits cauchemardesques, pendant une bonne semaine. «Musculairement, j’avais plutôt bien récupéré. Mais dans la tête, c’était dur. Je dormais mal, j’avais l’impression d’avoir toujours mon sac dans le dos et les chaussures aux pieds.»
La plus belle performance. «L’an passé, à Neirivue - Le Moléson. Je n’en reviens encore pas maintenant. Jamais je n’avais imaginé être capable de descendre sous les
1 h 15’. Il y a quelques années, je regardais peut-être trop sur les autres concurrentes. Maintenant, je fais ma course et je ne me prends pas trop la tête.» Ce jour-là, l’athlète de Neirivue a quand même commis une erreur. «Je me suis fait une entorse sur le sentier botanique. Au sommet, à chaud, je me sentais bien. Mais j’aurais dû descendre en télécabine. Je commets parfois des bêtises dans le genre.» Comme il y a quatre ans, quand elle s’était ouvert le genou, toujours dans l’épreuve gruérienne. «J’avais fini la course en sang, et l’infection m’avait valu une semaine d’hôpital.» En plus de dix ans de compétition, Colette Borcard n’a connu que trois blessures, la dernière en date il y a trois semaines en Italie (voir ci-dessous).
Un regret. La Gruérienne assure n’en avoir aucun. «Je prends les courses comme elles viennent. Un jour, je reçois un prospectus sur une épreuve. Si elle m’intéresse et que la forme est là, j’y vais. Je ne fais pas trop de projets.»
L’entraînement. Le dosage peut varier à l’approche d’un grand rendez-vous. En temps normal, le programme hebdomadaire de Colette Borcard, c’est quatre sorties de course à pied d’une heure et demie au minimum – dont deux avec les copains du CS Neirivue – et un entraînement à la piscine de Charmey, avec au menu natation et aquafit. «Et chaque fois que j’ai un moment, je prends mes bâtons et je vais marcher. A la maison, quand j’ai fini le ménage, il n’y a pas de temps morts.» Et un petit 800 m de dénivelé pour la route, mené bien sûr au pas de charge!
A l’entraînement comme en compétition, la Gruérienne n’utilise ni montre ni pulsomètre. «J’y vais aux sensations. Au tout début, je portais un chrono. Mais comme je ne le regardais jamais, j’ai vite arrêté.»
La motivation. L’aspect compétition et la soif de résultats, voilà peut-être ce qui motive Colette Borcard. Une certitude, hormis dans les dix derniers kilomètres du Tour du Mont-Blanc, cette bête de course s’est rarement retrouvée dans le dur. «Quand je cours, ça ne me traverse jamais l’esprit d’en avoir marre, je prends toujours le côté positif. Quand survient une difficulté, je me dis “tu as voulu prendre le départ, maintenant, tu y vas”.» Une «tronche» qui lui joue parfois des tours. «Quand je suis mal ou blessée, je ne m’écoute peut-être pas assez. Des fois, je me demande si je ne suis pas un peu maso.»

L’appel du Moléson

Neirivue - Le Moléson? Une épreuve qui titille trop Colette Borcard pour songer à y renoncer à la première tuile venue. Et tant pis si elle se ressent encore d’une blessure à l’aine, contractée il y a trois semaines lors d’une course de montagne internationale, à cheval entre l’Italie et la Suisse. «La semaine précédente, j’avais déjà ressenti une petite douleur. Peut-être cette course était-elle de trop.»
Dans les vingt premiers kilomètres, tous en montée, la Gruérienne avait pu constater qu’elle tenait la grande forme. Au sommet de l’épreuve, elle pointait au 2e rang, derrière la championne du monde de la montagne en personne. «Et j’avais de la marge sur mes poursuivantes, des filles plus jeunes qui s’alignent sur la plupart des courses internationales.» Avant de vivre un calvaire dans les dix derniers kilomètres, vers Poschiavo. «C’était l’horreur! J’ai fini en catastrophe, comme je pouvais. Déjà que je n’aime pas trop les longues descentes… J’ai tout perdu et j’ai terminé 6e. Reste que j’admire la façon de descendre de toutes ces filles.»
Depuis, l’athlète de Neirivue a levé le pied – et est passée par le physio – pour mettre toutes les chances de son côté en prévision de Neirivue - Le Moléson. «La semaine passée, j’ai tenté de courir et j’ai à nouveau ressenti une douleur. Mais ma décision est prise, je serai au départ.»


Alain Sansonnens
29 juin 2006

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