COMMENTAIRE

Europe
Tout est possible

A part se faire le moins d’ennemis possible, on se demande ce que veut le Conseil fédéral en adoptant un Rapport Europe 2006 à la fois si ouvert et si paralysant. Fini le temps où la bataille politique porte sur la question de savoir s’il faut conserver ou non l’adhésion à l’UE comme une option ou non. Comme l’a relevé Micheline Calmy-Rey, «on quitte la vision institutionnelle pour un positionnement ouvert et pragmatique». Avec une certaine habileté, le Conseil fédéral dévie le débat en centrant toutes les énergies sur le principe de «la défense optimale des intérêts de la Suisse».
A défaut d’être heureux, une telle formule offre au moins l’avantage de permettre à pratiquement toutes les tendances de s’y engouffrer. Elle fait particulièrement le lit des partisans d’un bilatéralisme qui a fait ses preuves. En veille d’année électorale, elle permet aussi à chacun de s’en sortir avec sa propre interprétation. Les plus frustrés sont bien sûr les plus Européens. Pour les partisans de l’adhésion à l’UE, il est clair que le Conseil fédéral piétine. Mais les moins Européens sont aussi profondément lésés car, loin de fermer des portes, ce rapport permet tout, à la seule condition que cela soit propice à nos intérêts. On est loin d’un bilatéralisme strictement balisé par l’UDC et l’ASIN, lesquelles voient l’UE comme un plat où la Suisse pourrait se servir sans jamais devoir passer à la caisse et en préservant toutes ses spécificités. En l’occurrence, il faut noter que la marge d’interprétation est immense. Le Conseil fédéral convient que les intérêts de la Suisse sont aussi bien d’ordre matériel (sauvegarde de l’indépendance et de la sécurité du pays, encouragement de sa prospérité) que d’ordre idéal (renforcement du droit international, des droits humains et de la coexistence pacifique entre les peuples, etc.).
Pour l’heure, les intérêts de la Suisse restent au bilatéralisme. Il s’agit de profiter des accords existants, de les adapter sans cesse aux impératifs nouveaux et de poursuivre nos politiques autonomes. Mais, comme l’a précisé la cheffe de notre diplomatie, si aujourd’hui cette voie paraît optimale, elle pourrait aussi très vite ne plus l’être. D’où une certaine insécurité même dans les travées radicales et démocrates-chrétiennes. Ce rapport ouvre le débat sous un angle neuf. Peut-être en résultera-t-il un éclairage propice à rassembler le peuple sur une voie plus claire. On peut toujours rêver.

Raymond Gremaud
29 juin 2006

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