GRUYÈRE Zoé aux Francomanias

Tornade drôle et touchante

Et si la révélation des Francomanias venait de Belgique? Alors qu’elle n’a pas encore d’album dans les bacs, Zoé s’est déjà taillé une solide réputation d’artiste de scène, dans les salles comme dans les festivals. Cette jeune femme volcanique a un univers bien à elle, un humour ravageur et une façon de toucher juste, en passant du rire à l’émotion. Avec Zoé se clôt la série d’interviews consacrée aux artistes présents à la 9e édition des Francomanias de Bulle, qui se tiendra la semaine prochaine.

Maniant volontiers l’autodérision, Zoé est aussi à l’aise dans l’humour que dans l’émotion

 

Vous êtes depuis plusieurs années sur scène, mais votre premier album, d’abord prévu pour mai, ne sortira que le 9 octobre: est-ce une volonté artistique ou un hasard?
Zoé. L’album a pris un peu de retard et du coup c’était un peu juste pour le sortir maintenant. Mais faire des concerts avant un disque, c’est une vraie volonté: pour moi, ce métier-là se fait d’abord sur scène. Je trouve que c’est plus intéressant de travailler des chansons sur scène, de voir comment le public réagit, quitte à changer des choses, à peaufiner des textes, pour ensuite mettre sur un album des chansons abouties, digérées, accomplies. De plus, j’ai mis aussi beaucoup de temps à trouver un réalisateur pour faire le disque dont je rêvais.

– Sur scène, vous ne vous contentez pas d’un simple tour de chant…
C’est vrai qu’il y a une part très théâtrale. Je commence dans le public avec une chanson qui s’appelle Dire du mal, je prends quelqu’un sur scène, il y a une interaction avec le guitariste et pas mal d’autodérision pendant le spectacle. Donc ça bouge assez, oui. J’aime bien aussi passer de la franche rigolade à des côtés beaucoup plus dramatiques, par exemple avec une reprise de Ces gens-là, de Brel.

– Vous parlez d’autodérision: est-ce que cela signifie que les thèmes que vous abordez, qui sont souvent des thèmes du quotidien, des histoires de couple, par exemple, sentent le vécu?
Pour la plupart, oui… D’ailleurs, mon mari était ravi quand il a écouté l’album! C’est toujours exagéré: si j’avais fait tout ça, je serais un monstre! Mais il y a pas mal de vécu, oui. Je trouve bien de se servir du quotidien, parce qu’on se rend compte que ça parle à pas mal de gens. Aux femmes, surtout. La jalousie, par exemple, c’est un thème bien connu… Mais il y a aussi plein d’hommes qui, après, viennent me confier leurs histoires de couple en me disant: «Si tu savais ce que j’ai pu vivre!»

– Il y a aussi des sujets assez graves, comme l’alcool et les ravages qu’il fait dans l’entourage…
Oui, c’est aussi un sujet qui m’a été proche et qui me tenait à cœur. Je pense qu’une fois qu’on arrive à coucher sur papier des thèmes comme ceux-là, c’est un peu plus facile après. Je reste persuadée que c’est génial de faire des choses rigolotes sur scène, mais je trouve quand même que ce sont les chansons dramatiques qu’on retient d’abord. En tout cas, Je porte un toast est une de mes chansons préférées, avec Associations, que je n’ai pas écrite malheureusement, mais que j’aime beaucoup: je trouve qu’elle a une simplicité et une originalité assez redoutables. Elle ne peut que toucher tout le monde.

– En plus de Margarete Jennes qui a écrit «Associations», vous avez bénéficié d’autres collaborations, dont celle de l’auteur-compositeur-interprète Xavier Lacouture…
C’est une belle rencontre, quelqu’un avec qui je partage pas mal de sujets et qui, en particulier dans le domaine un peu plus dramatique, arrive souvent à finaliser les chansons. Je pense à des titres comme Je porte un toast et Maman: on les commence ensemble et il les finalise, parce que j’ai encore du mal dans l’émotion, j’ai encore trop de pudeur. Il parvient vraiment à mettre les mots exacts, ceux que j’avais envie de dire.

– Sur le futur album, vos chansons prennent des directions très diverses, avec des boucles electro ou du trip hop…
Oui, il y a un côté plus anglophone que sur les albums français que l’on peut écouter d’habitude. Un côté un peu années 1970 d’une part, un peu electro de l’autre, mais aussi des aspects plus acoustiques. Sur scène, c’est une toute petite formule de l’album, mais on le retrouve d’une certaine manière, surtout depuis que je travaille avec un guitariste, alors qu’auparavant j’étais avec un pianiste.

– Vous riez volontiers du fait d’être blonde et belge: est-ce important de revendiquer votre nationalité?
Pas spécialement, mais, sur scène, c’est vrai qu’il m’est arrivé d’expliquer: «Je ne suis pas que blonde, je suis aussi Belge et ce n’est pas toujours évident…» Au départ, c’est une boutade et pas mal de journalistes l’ont reprise. Alors que je ne le revendique pas plus que ça. Mais c’est vrai que je suis très fan de Brel ou Arno. De plus, je passe rapidement de l’humour au côté dramatique et beaucoup de gens me disent que c’est assez typique des Belges d’osciller ainsi d’un univers à l’autre. Il faut croire qu’il y a là une forme d’identité que je n’avais pas décelée chez moi. Il y a aussi mon accent qui revient de temps en temps…

– Sur internet, une des premières références que l’on trouve pour Zoé, chanteuse, c’est Girouette le caméléon, sur le site Bide et musique: est-ce bien vous qui, enfant, avez sorti ce 45 tours?
Oui, c’est bien moi! C’était rigolo… Ce titre avait pas mal marché en Belgique. Mais j’en ai finalement souffert, parce que tous mes camarades de classe se fichaient un peu de moi. J’ai changé d’école, j’ai coupé mes cheveux… Mais, au départ, c’était marrant de faire des télés, de rencontrer des artistes un peu connus. Le rêve total! C’était un petit avant-goût du métier, vraiment chouette.

En concert aux Francomanias de Bulle, salle CO2, mercredi 24 mai
www.francomanias.ch

«Comme à la maison»

— C’est quoi une bonne chanson?
C’est une chanson qui lie la simplicité et l’originalité. C’est difficile de faire une chanson simple mais intelligente et je pense que quand on y arrive c’est une grande chanson. J’espère le faire un jour. Ce n’est pas par hasard, par exemple, que je reprends Ces gens-là, de Brel: c’est une chanson furieusement simple, mais d’une poésie qui touche tout le monde. Je trouve qu’Associations, que je chante, mais que je n’ai pas écrite, peut faire partie de cette catégorie-là. Ou Avec le temps.

— Quelle image avez-vous avec la Suisse?
Je trouve qu’elle a beaucoup de points communs avec la Belgique. Dans l’humour, la simplicité, la générosité… On est à chaque fois très bien accueillis en Suisse. Je me sens comme à la maison, comme en Belgique!

— Y a-t-il un artiste ou un groupe qui vous a donné envie de faire ce métier?
Il y a deux penchants: du côté chanson française, c’est Juliette, Jean Guidoni, pour tout son côté théâtral et Brigitte Fontaine. Que des personnalités très effacées! Mais il y a aussi tout mon côté fasciné par les années 1970, parce que j’ai baigné dedans, j’ai récupéré les 33 tours de mes parents. A savoir des groupes comme Genesis, par exemple. Et puis, il y a toutes les chanteuses comme Kate Bush, Tori Amos, Björk, c’est tout ce que j’adore écouter.

 

Propos recueillis par
Eric Bulliard
18 mai 2006

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