FRIBOURG Caisse de pension de Fribourg

De Buman contre-attaque

Réfutation en règle des accusations du rapport d’enquête sur la Caisse de pension de la ville de Fribourg! L’ex-syndic s’est exprimé hier pour la première fois publiquement. Il dénonce une «mascarade» et un «complot».


Selon Dominique de Buman, «le rapport est truffé d’erreurs,
de contre-vérités et de silences significatifs»

 

L’air serein malgré des traits tirés, Dominique de Buman donne bien le change. Sauf à l’énoncé des questions qui se font insistantes et qui l’irritent visiblement. L’ancien syndic de Fribourg, même s’il s’est réfugié plus d’une fois derrière un paravent d’explications denses, est enfin sorti hier matin du silence assourdissant respecté depuis l’été 2004 et l’éclatement de l’affaire de la Caisse de pension des employés de Fribourg. Il l’a présidée dans les années nonante et jusqu’en 2004.
Mis en cause, avec d’autres, dans le rapport de la commission d’enquête rendu public mercredi (notre édition de jeudi), Dominique de Buman refuse de porter le chapeau. Sa ligne de défense? L’attaque! Celui qui est aussi vice-président du PDC suisse dénonce un «complot politique», un «procès d’intention», une «mascarade» procédurale et une commission d’enquête «totalement illégale». Voici les points principaux de son argumentaire développé pendant deux heures et demie au Café du Gothard, à Fribourg, en présence d’une vingtaine de journalistes.

1. Commission sans base légale?
Dominique de Buman dit n’avoir eu d’autre choix que de prendre un avocat, Me Pierre Perritaz. Désireux, au départ, de contribuer à faire toute la lumière dans le cadre des institutions, il a collaboré «volontairement» avant de douter du respect de la procédure et d’opter in extremis pour la rupture. «Au vu du déroulement, des vices de procédure, des manquements, des oublis et de l’impossibilité d’intégrer mes remarques au rapport final, j’ai dû me résoudre à contester son bien-fondé.» Appliquée au niveau communal par analogie des règles du Grand Conseil, la procédure aurait dû laisser ouverte une voie de recours. Ce n’est pas le cas, déplore l’intéressé.

2. Une action trop tardive?
«Si j’avais contesté au départ le fondement de la commission d’enquête, là je me serai exposé au reproche de me ranger derrière la procédure par peur de ce qu’on allait trouver», assène l’ancien syndic à ceux qui s’étonnent de la stratégie suivie. Juriste de formation, le démocrate-chrétien précise que cet argument n’est
pas essentiel. «Mais quand tout va de travers, il faut tout faire sauter», image-t-il, feignant d’ignorer que son baroud d’honneur a largement contribué à surmédiatiser l’affaire, éventuellement à son détriment. Le conseiller national avance d’autre part que la commission financière, chargée de l’enquête, a des responsabilités à l’égard de la caisse de prévoyance. D’où, selon lui, conflit d’intérêt et absence de neutralité.

3. S’agit-il d’un trou financier?
C’est la question qui fâche: «Il n’y a eu dans cette affaire ni débâcle ni gouffre abyssal.» Le taux de couverture (manco de 109 mio) est purement théorique pour une caisse au bénéfice de la garantie d’une collectivité publique. Pour sa propre caisse de pension, l’Etat de Fribourg est engagé pour 350 mio, glisse-t-il. Reste qu’en ville, le degré d’équilibre, ou couverture des rentes en cours, n’atteint pas 100%, objectif visé «à moyen terme». «La caisse est mal née. Son manque de financement au départ l’a contraint à l’anémie», justifient l’avocat et son client. A les entendre, l’injection de 30 mio était inévitable un jour ou l’autre. «Arrêtons d’insinuer que M. de Buman a fait perdre ces millions aux contribuables de la ville de Fribourg. C’est tout simplement faux.»

4. Mauvaise gestion de la Caisse?
L’ancien homme fort de la capitale s’est escrimé hier à défendre son bilan à la tête du comité de la Caisse de pension. Depuis le début, il s’est préoccupé du redressement de l’institution par plusieurs expertises et deux trains de mesures en 2001 et juillet 2004, avec notamment l’augmentation du taux de cotisation. «Notez que les dernières mesures ont été prises avant l’éclatement en août de l’affaire dans la presse. Mais le rapport d’enquête n’en dit pas un mot», relève Dominique de Buman, qui a quitté la syndicature le 17 août 2004. Bref, le comité a suivi toutes les propositions de l’expert, aujourd’hui décédé et dont «la stratégie actuarielle a échoué».

5. Manque de transparence?
L’ex-syndic réfute aussi l’accusation de manque de transparence: employés et organes concernés ont été informés, selon lui. Quant à l’inscription de la garantie communale au pied du bilan, elle a été tardive, mais réelle depuis 2000. Mais enfin: on ne peut reprocher au comité de la caisse «ni opération de placements à risque, ni incompétence, ni malversation». Donc il n’y a rien de pénal dans le dossier, ce que le rapport d’enquête établi d’ailleurs. S’il n’exclut pas, suivant la tournure des événements, de porter l’affaire au Conseil d’Etat, l’élu PDC se dit «serein» par rapport aux suites civiles voulues par la section UDC.

6. Carrière politique mise à mal?
Le parlementaire fédéral estime n’avoir aucune raison de s’inquiéter pour son avenir même s’il aurait préféré pouvoir s’expliquer dans le cadre des institutions et non devant la presse. «J’ai la conscience tranquille.» Hier en début d’après-midi, il s’est du reste expliqué devant les instances de son parti, à Berne. L’avenir dira si son image, aujourd’hui écornée, lui vaut des déconvenues au sein du PDC ou dans les urnes.
Sébastien Julan

Le combat d’un solitaire

Jusqu’où va la responsabilité d’un homme politique? C’est bien la question qui courait à travers la défense, hier matin, de l’ancien syndic de Fribourg dans l’affaire de la Caisse de pension de la ville. Une question d’autant plus pertinente qu’elle concerne un dossier aussi complexe que la prévoyance, univers où n’excellent que quelques spécialistes. La principale critique adressée à Dominique de Buman – et accessoirement à Pierre-Alain Clément – est de ne pas avoir élargi plus tôt la responsabilité politique de ce dossier à tous les membres de l’Exécutif et du Législatif.
Fidèle à sa ligne et à son caractère, Dominique de Buman répond à tous les reproches, rejette chacun des griefs. Les éléments avancés, inscrits dans une longue durée plus éclairante, sont souvent pertinents. Comme celui qui consiste à lire cette histoire, qui court sur deux décennies, en ne chaussant que des lunettes version 2005.
On peut suivre l’ancien syndic lorsqu’il se bat sur des règles de procédure – à l’image de son ancien collègue Masset – sur les contradictions ou les «lacunes» du rapport. Plus ambiguë, par contre, est la contestation de la commission d’enquête, présentée comme un «organisme totalement illégal», «partial» et motivé par de médiocres ambitions électoralistes. Un haut responsable de parti national est-il dans son rôle lorsqu’il refuse sa légitimité à une commission d’élus du peuple? Pourquoi avoir attendu si longtemps pour en dénoncer la compétence? En juin 2005, l’ancien syndic écrivait son espoir que «l’enquête menée par la commission financière» puisse faire revenir le dossier dans le «domaine de la raison».
On peine à saisir la logique «politique» de cette défense. Dominique de Buman actionne les grandes orgues du complot. Il serait la cible de toutes les «manœuvres», le «bouc émissaire» d’une commission – pourtant pluraliste – qui serait motivée que par des «fins politiques».
La stratégie suivie par l’ancien syndic est dangereuse, car elle assoit l’idée d’une responsabilité particulière et personnelle de l’ancien maire, alors que le rapport déverse ses reproches de manière plus diffuse. La posture du «martyr» est à double tranchant. Le magistrat fribourgeois a toujours été un solitaire, qui a construit sa carrière à la force d’une habileté virtuose, parfois contre son propre parti. Ce surdoué de la politique se trouve aujourd’hui bien seul, alors que souffle la tempête. Ils sont nombreux à prétendre que DdB ne reçoit, en réalité, que la monnaie de sa pièce. Et s’il met tant d’énergie à laver son honneur, c’est parce que le vice-président du PDC suisse a compris, tardivement peut-être, que cette «affaire» n’était pas aussi anodine qu’elle y paraissait.
Patrice Borcard


Vous avez raté le début

Août 2004: la sous-couverture de la Caisse de pension de la ville de Fribourg apparaît au grand jour. Le taux de couver-ture de l’ensemble des rentes (en cours et à venir) stagne à 31,4%, l’un des plus bas du pays. Il manque 109 millions pour atteindre le capital global. Le degré d’équilibre (couverture des rentes en cours) se situe à 62,3%. Or, les statuts exigent 100% «à moyen terme».
Mars 2005: le Conseil général de la capitale, unanime, confie à sa commission financière le soin de mener une enquête sur les responsabilités.
Octobre 2005: le Législatif communal donne son feu vert à diverses mesures pour le renflouage de la caisse de prévoyance, dont une recapitalisation de 30 millions.
Février 2006: l’ex-syndic Dominique de Buman (PDC) et le conseiller communal Claude Masset (PLR) tentent vainement de différer la parution du rapport de la commission d’enquête. Rapport qui, après des fuites dans la presse, a été rendu public cette semaine. Mardi, le Conseil communal s’expri-mera à son tour.

 

Sébastien Julan
11 février 2006

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