SKI DE FOND Nicole Donzallaz

S’émanciper par le fond

Petite, Nicole Donzallaz détestait la glisse. Plus tard, l’adolescente renfermée et solitaire trouvera dans le ski de fond le moyen de chasser ses démons et de s’affirmer. A 24 ans, la fondeuse de Grattavache, figure incontournable de la Coupe fribourgeoise, estime avoir encore de belles choses à accomplir.


Nicole Donzallaz, «une bosseuse qui ne lâche pas le morceau facilement»

Quand elle parle ski de fond, Nicole Donzallaz évoque le mot besoin. «La saison passée, j’ai dû observer trois semaines d’arrêt. J’en devenais malade!» C’est que la fondeuse de 24 ans doit tant à son sport. Oubliés les moments pénibles de l’adolescence. «J’étais très renfermée et je n’avais pas beaucoup d’amis, se souvient-elle. Le ski de fond m’a permis de trouver ma voie et de m’affirmer.» Avec en bonus le succès, la skieuse de Grattavache affichant un palmarès des plus respectables pour une fille qui n’a accompli ses premières gammes qu’à 17 ans.
Et pourtant, au départ, l’enfant de Sâles détestait la glisse. «Avec mes parents, quand il y avait assez de neige, on partait depuis chez nous pour aller jusqu’aux Monts-de-Riaz. Après un moment, je me couchais par terre et je pleurais.» Pas même son grand oncle, un des fondateurs du SC Grattavache-Le Crêt, ne parviendra à mettre la petite Nicole sur la double trace. Qu’elle empruntera plus tard, par le fruit du hasard.
«Je pratiquais la course à pied au CS vallée du Flon. Comme les membres sont les mêmes qu’au Ski-club Grattavache-Le Crêt et que Laetitia Currat était la seule skieuse, on m’a demandé de venir.» Quelques poussées de bâtons sur la piste éclairée du Crêt, un plaisir immédiat et un moteur qui tourne rond dès ses premiers pas en Coupe fribourgeoise, voilà Nicole Donzallaz frappée par le virus nordique. «Mon grand regret est d’avoir commencé trop tard, glisse-t-elle. Quand je regarde mon parcours, je me dit que ma marge de progression serait plus importante aujourd’hui.»

«Le fossile»
L’habitante de Vuisternens-dt-Romont fait partie des cadres romands pour la cinquième saison consécutive. «Je suis un peu le fossile, sourit-elle. Derrière moi, la fondeuse la plus âgée a 22 ans.» Pas de quoi écorner sa motivation, et ce même si la perspective d’intégrer un jour l’équipe de Suisse n’est plus qu’une chimère. «Je sens que je n’ai pas encore atteint mon maximum. J’ai encore de belles choses à accomplir, surtout sur les longues distances. Et tant que mon entraîneur de la romande me dit que je peux améliorer certains points…»
Comme, cette année, son manque d’assurance dans les descentes. «Avant, j’avais tendance à faire du chasse-neige. En Coupe de Suisse, c’est vite une dizaine de rangs qui s’envolent.» Durant la phase de préparation, à force de travail sur des skis à roulettes, la quadruple lauréate de la Coupe fribourgeoise a trouvé son équilibre. «Désormais, je me sens plus sûre.»

Bosseuse fragile
La championne romande 2003 se définit comme «une bosseuse qui ne lâche pas le morceau facilement». Son entraîneur parle d’un gros potentiel physique, d’un bon moteur, mais d’une tête qui ne suit pas toujours. «Mon manque de confiance en moi me fait souvent perdre des courses, reconnaît-elle. Lors des tests, je suis souvent la meilleure. Mais en compétition, j’ai la boule au ventre.» Et aligner les victoires aisées en Coupe fribourgeoise ne l’aide pas. «Je gagne sans trop devoir me faire mal et je le reporte parfois en Coupe de Suisse.»

La barre haut
Pour guérir de ses maux, la jeune femme s’est tournée dernièrement vers le reiki. «Cette méthode m’aide à canaliser mon énergie et à bien ressentir mes émotions. Durant la semaine précédant une compétition, je fais énormément de visualisation. Avant une course, je me sens désormais plus détendue. Je ne vais plus dix fois aux toilettes, mais plus qu’une (rires)!»
Preuve de la plus grande confiance qui l’anime, Nicole Donzallaz n’hésite pas à placer la barre haut pour les championnats de Suisse de duathlon et de longues distances, au mois de mars à Goms, en Valais. «J’espère des places dans les cinq premières. Je sais que l’objectif est élevé, mais pour progresser, mieux vaut se donner des buts difficiles à atteindre.»

De belles années
Cette philosophie lui joue parfois des tours. «Hormis le plaisir d’évoluer en pleine nature, de pouvoir voyager et de faire des rencontres, le ski de fond n’autorise pas les excès. J’apprécie cette hygiène de vie à tenir. Mais parfois, j’ai tendance à ne pas m’accorder suffisamment de libertés. Je suis trop sévère avec moi-même, je me fixe des objectifs trop élevés et, quand je ne les atteints pas, mon moral est cassé. C’est un cercle vicieux. Reste que j’ai deux jambes et deux bras. Il y a des gens bien plus malheureux que moi dans le monde.»
Nicole Donzallaz a le ski de fond chevillé au corps et ne compte pas raccrocher ses spatules de sitôt. Et tant pis si, à côté de son travail d’employée de commerce à mi-temps, la fondeuse de Grattavache doit le plus souvent composer avec des entraînements en solitaire, aux Monts-de-Riaz, au col du Jaun, aux Pléiades ou aux Rasses. «Si, dans quelques années, je constate que je ne progresse plus, je lèverai le pied. Mais quand je vois comment le Jurassien Christophe Frésard tourne à 35 ans, je me dit que j’ai encore de belles années devant moi.»

 

«J’ai à cœur de gagner»

En l’absence des sœurs Pichard des Diablerets, Nicole Donzallaz sera une sérieuse prétendante au titre de championne romande, ce matin aux Monts-de-Riaz. Médaillée d’or en 2003, puis 3e et 2e les années suivantes, la fondeuse de Grattavache ne se met cependant pas trop de pression. «Vu les résultats obtenus jusqu’à présent, je ne me considère pas comme la grande favorite, mais plutôt comme un outsider. Depuis le début de la saison, je n’ai pas encore battu toutes les filles présentes aux Monts ce week-end.» Mais la distance de l’épreuve – 10 km en style classique – n’est pas pour lui déplaire. «Sur 5 km, je n’arrive pas à partir très vite. Là, il peut se passer beaucoup de choses. Je sais que j’ai le temps de revenir. Et comme ces championnats se déroulent dans la région, j’ai à cœur de gagner.»
Et si les événements devaient mal tourner, la jeune femme pourra trouver le réconfort auprès du fondeur romontois Frédéric Grandjean, son compagnon depuis trois ans. «Il est toujours là, dans les bons comme dans les mauvais moments. Il est patient et sait trouver les mots pour me réconforter. Je sais que je peux compter sur lui.» Comme lors de la saison 2003-2004, un calvaire pour Nicole Donzallaz. «Il n’y a pas eu une course où j’étais contente de moi. J’ai été au chômage pendant une année. Je me suis beaucoup trop entraînée durant l’été et, une fois arrivée la première épreuve, j’étais “nase”. C’était atroce, il ne fallait plus me parler de ski.»
Le ski de fond, un choix de vie plus jamais remis en question depuis.

 

Interview express

Nom: Donzallaz.
Prénom: Nicole.
Date de naissance: 22 février 1981.
Domicile: Vuisternens-devant-Romont.
Etat civil: célibataire.
Profession: employée de commerce.
Club: SC Grattavache-Le Crêt.
Palmarès: lauréate de la Coupe fribourgeoise à quatre reprises; championne romande en 2003; 6e du championnat de Suisse de duathlon (double poursuite) en 2005; 6e du championnat de Suisse des longues distances (30 km en style classique) en 2005; 20e du Marathon de l’Engadine en 2005; participations à des Coupes d’Europe.
Une qualité: persévérante.
Un défaut: capricieuse.
Un(e) sportif (ive): Laurence Rochat.
Musique préférée: KT Tunstall.
Lecture: la presse.
Un film: Les Bronzés font du ski.
Un lieu de vacances: la Norvège.
Une devise: arrête de penser et va de l’avant.

 

Alain Sansonnens
7 janvier 2006

Une I Editorial I Gruyere I Veveyse/Glâne I Fribourg

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