Valérie
Maillard se dit elle-même «dans la marge de la marge».
Parce quelle a choisi, envers et contre tout, de vivre du théâtre.
Parce quelle a choisi la voie de la création, la voie du
«théâtre de chorégraphie», comme elle
le dit, tant le corps et la voix, la danse et le texte, sont imbriqués
dans son travail. A 29 ans, après presque dix ans de formation,
de tâtonnements et de tournées, la Semsaloise établie
depuis plus de trois ans à Rome présentera son premier
spectacle en solitaire, ce vendredi et ce samedi, à Vevey (lire
ci-dessous).
Valérie Maillard sest frottée pour la première
fois à la scène à 19 ans, lors dun séjour
à New York. Partie pour compléter sa formation commerciale
par des cours danglais cest ce que croient ses parents
elle sinscrit dans une école et vit de petits boulots:
«Je voulais une confrontation à vif, une manière
de découvrir ma voie sans être influencée»,
explique la jeune femme qui savoue volontiers «fière»,
frondeuse et dotée dun caractère bien trempé.
«Je sentais que javais en moi une boule de feu que je narrivais
pas à gérer. Jouer était une manière de
canaliser cette énergie, de me discipliner. Cela dit, je ne regrette
pas que mes parents maient dabord poussée vers une
carrière plus classique: mon apprentissage dans une banque me
donne aujourdhui encore un certain équilibre et le sens
des réalités.»
Lexpérience new-yorkaise est une révélation:
«Ce qui ma plu, cest ce que lon peut transmettre
par ce quon est, à travers la voix, le corps. La scène
est le seul moment où je me sens à la maison, où
je peux émettre comme je lai décidé, où
tout est prémédité. Cest une expérience
très intense, dune extrême sensibilité, où
je peux sentir la manière dont les gens écoutent.»
Besoin
de créer
Autant dire que de retour en Suisse, en 1996, Valérie Maillard
rêve de théâtre. Pendant une année, elle accumule
les jobs et officie comme comptable chez Tetra Pak, à Pully,
pour se payer des cours au Conservatoire dart dramatique de Lausanne.
Elle y entre en 1997. Et échoue après une année.
«Mais je me suis accrochée et, pendant un an, jai
fait le tour des écoles pour voir ce dont javais envie.
Jai compris que javais besoin de liberté, de création
et du doute qui y est lié.» La Semsaloise opte pour lEcole
Teatro Dimitri, à Verscio (TI). «Il y avait place pour
le corps, pour la danse, le mime, la personnalité.» Lapprentie
comédienne y passe trois ans, en vivant sur ses réserves,
grâce à un mécène et à sa mère.
Elle entre ensuite dans la compagnie de lun de ses professeurs,
«Obviam est», quelle quitte après deux productions.
«Je métais installée à Rome pour vivre
avec mon ami, explique-t-elle. Jétais tout le temps en
vadrouille entre la Suisse et lItalie. Javais aussi envie
dapprofondir, de prendre le temps de créer.» La jeune
femme fonde donc la compagnie Les Dormeurs Téméraires,
avec un autre diplômé de lécole Dimitri, Jacques
Morard. Après un spectacle et une année de tournée,
la Veveysanne décide de poursuivre seule laventure entre
lItalie et la Suisse.
Le
piège romain
«Cest Rome qui ma poussée au solo, confie-t-elle.
Cest une ville fascinante, une invitation continuelle à
penser théâtre, à créer. Je consacre beaucoup
de temps à comprendre le fonctionnement de ses théâtres,
lévolution de lart contemporain et la perception
que les Italiens ont de la danse.» Mais la créatrice ne
cache pas que laventure est rude. LEtat italien soutient
de moins en moins la culture. «Difficile de se lancer sans relations,
dans un milieu très hiérarchisé», explique
la jeune femme, qui naime pas trop «se vendre» (elle
recourt depuis peu au service de lagent gruérien Manu Colliard).
«Dire que je suis géniale, que je suis la révélation
de lannée, ce nest pas pour moi. Je suis la dernière
personne à pouvoir parler de ce que je fais. Je suis bien trop
impliquée.»
Lavenir? «Pour moi, le théâtre est une forte
nécessité et jai fait beaucoup de compromis pour
continuer. Fonder sa propre compagnie, affiner son langage, créer,
ce nest pas la voie la plus rentable. Mais cest celle qui
me donne le plus de satisfaction, et qui me permet de rester en accord
avec moi-même, sans être une machine à jouer ou à
produire. Et ça pourrait marcher, à long terme
»
Le
doute dans les valises
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Quelque
part: cest le titre de la création que Valérie
Maillard propose vendredi et samedi soir à Vevey, à
lEspace Guinguette. Un spectacle dune quarantaine
de minutes, qui mêle texte, danse et mouvements, et sinspire
de lesprit de Nicolas Bouvier en reprenant des extraits
de Lusage du monde et du Poisson-Scorpion. Mûri
pendant plus dune année, ce théâtre
chorégraphique a un parfum de valises, mais aussi de
solitude, de doute, et sarticule autour de «la prise
de conscience dun certain vide quil faut savoir
gérer avec ironie», explique la comédienne.
«Il ny a pas de trame. Le fil conducteur est avant
tout lémotion. Cest une forme de témoignage,
une manière daller à lessentiel, sans
artifice et sans verbiage.» Le tout, dans une atmosphère
«à la Benigni», reste «léger
et frais, un peu fantastique ou onirique».
Débuts obligent, la comédienne devra compter sur
un pourcentage des entrées pour financer sa création
et la tournée. «Sans me payer, je devrais pouvoir
men sortir», sourit la comédienne. Quelque
part devrait vivre pendant deux ou trois ans encore, en Italie
et en Suisse.
Vevey,
Espace Guinguette, vendredi 25 et samedi 26 novembre, 21 h.
Réservations sur www.guinguette.ch ou au 076 409 27 20.
Sion, Théâtre Studio Interface, jeudi 23 et vendredi
24 mars 2006 à 20 h 15.
Bulle, Ebullition, samedi 25 mars 2006, 21 h.
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