Si, par le passé,
certains Fribourgeois sont partis aux Etats-Unis à la conquête
de nouveaux espaces, Benoît Morand est parti, lui, à la
recherche de nouvelles sensations. Le Tourain na utilisé
ni chevaux ni chariots, mais des véhicules bien plus rapides.
En effet, Benoît Morand est propriétaire dune écurie
de voitures de course. De son enfance à La Tour-de-Trême
au circuit dIndianapolis, son destin est plutôt surprenant.
Récit.
Benoît Morand est né le 9 novembre 1958 à la Tour-de-Trême.
Dès son plus jeune âge, le Gruérien a baigné
dans le monde du sport automobile. Son père, propriétaire
des ateliers mécaniques Morand, fabriquait des moteurs de chantier,
et des moteurs de formule 5000. Après ses écoles primaires
et secondaires en Gruyère, le jeune homme sest naturellement
lancé dans un apprentissage de mécanicien en mécanique
général.
Passionné de sport en général, il passe ses temps
libres sur les terrains de football de la région, avant dintégrer,
à 16 ans, le monde de la course automobile. Dès ses débuts,
le pilote se montre plutôt doué. Grâce à une
formule Italia que son père lui a achetée, Benoît
Morand remporte le championnat de Suisse débutant. Ensuite, le
Tourain se lance en formule 3, toujours dans le championnat helvétique.
En 1979, il participe au championnat dAngleterre de formule 3.
«Je me souviens que je courrais avec des gars comme Nigel Mansell
ou Alain Prost. Dans cette catégorie, jai eu plus ou moins
de succès. Ensuite, jai couru en formule Ford 1600, où
jai terminé 4e du championnat dEurope et champion
de Suisse.»
Par la suite, le pilote gruérien va découvrir dautres
championnats, comme la formule Ford 2000 ou encore la formule 3000.
Après plus de dix ans de courses automobiles professionnelles,
Benoît Morand décide de ne plus se consacrer uniquement
aux courses automobiles. Malgré une riche carrière, le
Gruérien émets pourtant quelques regrets. «Certaines
personnes étaient intéressées par mes performances
et je pense quavec un meilleur management, jaurai certainement
participé à des courses de Formule 1. Mais en même
temps, cela ma permis davoir une famille et deux enfants.
Je regrette quelques choix, mais je nen souffre pas.»
Une nouvelle
vie
En rangeant son casque et sa combinaision, Benoît Morand
na pas quitté le monde des courses automobiles. Après
avoir managé Philippe Siffert, le Tourain a lancé sa propre
écurie, Pole vision racing, en 2000. En compagnie de sa seconde
épouse Gladys, il a intégré le championnat V8 star
en Allemagne. «Durant deux ans, nous avons participé à
ce championnat avec des pilotes comme Roland Ash ou Toby Scheckter,
fils de lancien champion du monde de F1 Jody Scheckter.»
En terminant 2e du classement général en 2001 et 2002,
la société Pole vision racing a commencé à
se faire connaître. En 2002, Benoît Morand reprend son travail
de manager en soccupant de Joël Camathias. «Je me suis
chargé de son entrée en Champ Car, qui est
léquivalent de la Formule 1 aux Etats-Unis. Joël a
été le premier Suisse à marquer des points dans
ce championnat.»
Associés avec le team Dal Coyne, écurie établie
depuis de nombreuses années en «Champ Car», Benoît
et Gladys se sont donc intégrés dans le monde automobile
américain. Lannée suivante, ils ont lancé
leur société Pole vision racing dans le championnat BMW.
«La formule BMW est une très bonne formation pour les jeunes
pilotes. Comme exemple, je pourrais citer Ralf Schumacher, qui a gagné
ce championnat.» Cette compétition va tout de suite convenir
au Gruérien. «Cest parfait: je reste dans le milieu
automobile et je forme de jeunes pilotes. Ce rôle me plaît
vraiment, car je peux faire bénéficier de mon expérience
à mes athlètes.»
Une autre mentalité
Depuis maintenant trois saisons, le couple soccupe donc à
temps plein de son écurie. De lautre côté
de lAtlantique, Benoît Morand a découvert une autre
manière de vivre. «Cela a été très
difficile au début. Les Américains nont pas du tout
la même mentalité que nous. Il a fallu sadapter et
comprendre le système avant de nous imposer. Les Américains
sont de grands enfants. Ils disent toujours oui à une proposition,
avant de se rétracter au dernier moment. Nous nous sommes fait
avoir au début, mais maintenant, nous avons compris leur manière
de fonctionner.»
Pourtant, le Gruérien ne regrette pas davoir tenté
sa chance aux Etats-Unis. «Lambiance des courses est extraordinaire.
Il ny a pas de barrières et les Américains sont
beaucoup plus ouverts quen Europe. Les courses sont plus agréables
pour les fans, car les pilotes sont plus proches et accessibles.»
En regardant dans le rétroviseur, Benoît Morand se montre
plutôt satisfait de son parcours. «Quand on vit notre situation
tous les jours, on ne sen rend pas compte, mais des amis suisses
viennent parfois nous rendre visite et sont assez surpris de voir la
vie que lon mène. En y repensant, je suis assez fier de
ce que jai réalisé jusquà présent.
Peu de gens croyaient en notre entreprise et je suis heureux de constater
que nous sommes maintenant bien installé dans ce monde.»
Le spectacle avant tout
Résident
dIndianapolis, Benoît Morand est bien placé pour
observer la mentalité des habitants de son pays dadoption.
Pour lui, les Européens sont différents de ses nouveaux
compatriotes sur le plan sportif. «LEuropéen a davantage
de culture. Il veut comprendre comment fonctionne la voiture quil
voit sur la piste. Il sintéresse à la mécanique
et veut connaître les détails. LAméricain,
lui, souhaite juste avoir son show et voir son pilote favori gagner.
Il na pas besoin de comprendre comment ça marche. Il ne
pose pas de questions tant que le spectacle lui convient.»
Pour le Gruérien, cest pour cette raison que la formule
1 connaît moins de succès aux Etats-Unis. «Cest
clair que le dernier Grand Prix dIndianapolis (n.d.l.r.: seules
six voitures ont pris le départ) na pas arrangé
les choses. Jy étais et sur le moment, les réactions
ont été très négatives. Heureusement que
les dirigeants ont bien gérer la situation, car en fin de compte,
la formule 1 sest fait davantage de publicité que les années
précédentes. Maintenant, les spectateurs préfèrent
nettement le nascar par exemple. Ce type de course se déroule
sur un ovale et les fans peuvent suivre toute la course. Il y a de laction,
des accidents
Cela suffit aux Américains pour sidentifier
à un pilote, à un sponsor ou à un numéro
de voiture, quils gardent toute leur vie.»
«Mes
racines sont en Gruyère»
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Installés
aux Etats-Unis depuis maintenant trois ans, Benoît Morand
et son épouse Gladys nont pas pour autant oublié
leur pays dorigine. Benoît Morand y garde même
encore de très nombreuses attaches.
«Mes deux enfants vivent en Suisse et mes amis aussi. Je
reste profondément gruérien. Je vais dailleurs
souvent visiter le site de votre journal. Pour cela, internet
est extraordinaire. Cela me permet de garder contact avec mes
racines et de me tenir au courant des nouvelles régionales.»
Ayant beaucoup voyagé durant la majeure partie de sa vie,
Benoît Morand savoure chaque instant quil passe en
Suisse. «Je ne reviens pas souvent, mais je trouve que cest
le plus beau pays du monde. Les gens qui y vivent ne sen
rendent peut-être pas compte. Aux Etats-Unis, nous sommes
loin de notre famille, de nos amis. Quand nous avons un problème,
il ny a personne pour nous aider. Parfois, cest assez
dur, car nous navons pas de chez nous, de lieu où
se ressourcer. Tandis quen Suisse, chacun a ses repères.»
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