Laetitia Currat
nest pas dévorée par lambition. Les places
sur le podium ne lobsèdent pas spécialement. Et
pourtant, la Veveysanne sentraîne huit à dix heures
par semaine, parfois quinze, à monter et descendre les pentes
neigeuses. Vice-championne du monde junior de ski-alpinisme en 2002,
membre du Swiss Team B, elle semble douée pour son sport. Presque
malgré elle. «Jai le goût de leffort
depuis toujours et jaime lhygiène de vie que cela
procure. Mais si certains misent tout sur la compétition, moi,
je me dis que dautres choses, comme le fait que ma famille se
porte bien, sont plus importantes. Par contre, je suis assez dure avec
moi-même. Alors, quand je me fixe un objectif, jaime bien
latteindre.»
Et, cette saison, lathlète du SC Grattavache-Le Crêt
vise notamment un podium espoir lors des prochains championnats dEurope,
le 4 mars dans la Principauté dAndorre. En attente dun
nouvel essai pour lexamen dentrée à lécole
de physiothérapie de Lausanne, la jeune femme, 21 ans, passe
son hiver à Nendaz, comme monitrice de ski. Entre deux entraînements,
elle se pose un instant pour évoquer son sport, sa vie, et la
nouvelle saison qui sannonce.
Laetitia
Currat, comment êtes-vous arrivée dans le ski-alpinisme?
Depuis toute petite, jai toujours fait du sport. Je viens dune
famille sportive et mon père, notamment, en pratiquait beaucoup.
Jai commencé par la course à pied, jusquà
lâge de 13-14 ans, puis le ski de fond. Fin 2000, jai
participé par hasard à une course de peaux de phoque.
En fait, avec un groupe de copains, on accompagnait Didier Moret pour
rigoler. Au bout du compte, jai obtenu un bon résultat,
jai été contactée par le recruteur du Swiss
Team et dautres courses ont suivi.
Quest-ce
qui vous a plu?
Contrairement au ski de fond, il ny a pas laspect technique
qui demande de passer des heures et des heures sur les skis pour être
concurrentiel. Les montées, les descentes, jadore ça.
Et puis, je préfère être à la montagne. Je
la pratiquais un peu avec la course à pied, mais je la découvre
surtout depuis quatre ans que je mentraîne pour le ski-alpinisme.
Vous semblez
plutôt adepte de leffort solitaire
Cest vrai que jai toujours baigné là-dedans.
Ce nest pas que je naime pas le sport collectif, mais japprécie
de mentraîner seule. Surtout, jaime bien le côté
endurant des longues compétitions. En ski-alpinisme, nous ne
sommes pas obligés de passer deux jours à préparer
nos skis pour 20 minutes de course seulement.
Nest-ce
pas un sport dangereux?
Non, les compétitions sont hypersécurisées et les
parcours très bien préparés. Même les couloirs
sont quasiment des escaliers. Cest bien plus dangereux daller
seule en montagne. Par contre, je ne suis pas fan du vide et il marrive
davoir le vertige. A la Pierre-Menta, par exemple, des arêtes
et des couloirs peuvent être très raides. Mais je nai
jamais eu peur en course. A ce moment-là, je me concentre sur
autre chose.
Ce côté
autoroute de montagne agace certains puristes
Les skieurs-alpinistes sont un peu des «montagnards citadins».
Il y a des guides et des montagnards que cela énerve. Surtout
que faute de neige il est impossible de pratiquer en dehors des pistes
damées. Mais cela pose problèmes puisquil y a de
plus en plus de monde. A Nendaz, pendant les vacances, on a compté
entre 300 à 400 personnes par jour qui montaient le long des
pistes.
Comment
vous entraînez-vous?
En général, je mentraîne seule. Je pars le
matin vers 7 h 30 et je fais une heure de peaux de phoque, puis mes
cours débutent à 10 h. A Nendaz, je pensais pouvoir mentraîner
plus, mais après une journée de ski, je suis complètement
«effacée». Heureusement, le gros boum de Noël
est passé et jespère avoir plus de temps maintenant.
Sans entraîneur
à vos côtés, comment être sûre que vous
vous entraînez juste?
Eh bien
Je nen sais rien. En fait, il faut savoir écouter
son corps et connaître ses limites. Je me suis déjà
trompée quelquefois. Lannée dernière, jai
souffert de carence en fer. Je navançais plus, alors je
mentraînais toujours davantage. Cela a évidemment
eu leffet contraire. Dans lencadrement du Swiss Team, tout
le monde est bénévole. Il faut donc aussi apprendre par
soi-même. Jessaie de lire des magazines, je discute avec
des athlètes plus expérimentés. Mais tout le monde
ne supporte pas les mêmes charges dentraînement et
cela dépend beaucoup du temps à disposition.
Quelles
techniques devez-vous particulièrement travailler?
Jai surtout progressé au niveau des changements de matériel
et pour les conversions (n.d.l.r.: portions de montée que les
skieurs passent en zigzag). Par contre, les montées ne sont pas
très techniques, cest le physique qui fait la différence.
Quant aux descentes, il faut surtout ne pas avoir peur et être
le plus vite possible en bas. Nous navons pas le joli style dun
carveur. Dans une neige souvent carton, on descend à toute vitesse,
les bras et les bâtons en lair. Cest un sacré
spectacle!
En pratiquant
certains sports, les jeunes peuvent rêver de grande carrière
professionnelle. Ce nest pas le cas dans le ski-alpinisme, un
sport éprouvant. Quelle est donc votre motivation?
Pour un podium aux championnats du monde, on gagne un thermos
Ma motivation se fait année après année. Je me
fixe un objectif et jaime bien latteindre. Je ne vise rien
à plus long terme. Dailleurs, lannée prochaine,
si je peux entrer à lécole de physiothérapeutes,
je pense arrêter mon activité à Swiss Team. Je ne
me verrais pas recevoir du matériel alors que je nai plus
le temps de mentraîner. Quitte à recommencer plus
tard. Par contre, je sais que certains espèrent que le ski-alpinisme
devienne une discipline olympique, peut-être aux Jeux de 2010,
à Vancouver. Le niveau évoluant chaque année, ce
sport mériterait vraiment cette reconnaissance.
«De
plus en plus individuel»
Cest donc
par hasard que Laetitia Currat a débuté dans le ski-alpinisme.
Naturellement douée pour les sports endurants, elle sy
est lancée il y a quatre ans. «Au début, jai
hésité à acheter le matériel pour les courses.
Linvestissement de départ est assez important (n.d.l.r.:
comptez environ 700 francs les skis et 600 francs les souliers). Mais
jai tenté le coup. La première course reste un horrible
souvenir. La neige était carton et je tombais à chaque
virage. Je pleurais presque et je me suis dit que ce sport nétait
pas pour moi. Mais jai continué et je ne le regrette pas
aujourdhui.»
Si la première course de ski-alpinisme, ce week-end dans les
Grisons, a été annulée faute de neige, les adeptes
se retrouveront dimanche à Stoos (SZ) pour les championnats de
Suisse individuels. «Cest assez marrant que la première
course de lannée soit déjà les championnats
nationaux, souligne Laetitia Currat. Je pense quon va avoir mal
aux jambes
»
Surtout, ces championnats seront individuels pour la première
fois. «Cest lévolution du ski-alpinisme! Bientôt,
seules les courses mythiques comme la Pierra-Menta ou la Patrouille
des Glaciers se courront encore en équipe. Je trouve que cest
une bonne chose. Car si cest sympa de pouvoir sentraider
en équipe, il est aussi plus difficile de faire un bon résultat.
Car les deux ou les trois partenaires doivent être en forme le
jour J.»
Le 13 février, le Trophée des Gastlosen fera office de
manche de Coupe du monde par équipes. Un autre rendez-vous que
Laetitia Currat ne veut pas manquer. A lorée dune
saison qui ne dure que trois mois, dans quelle forme se trouve-t-elle?
«Je suis mieux que lannée dernière, cest
déjà pas si mal. Lors des deux nocturnes à Morgins
et à Nendaz, jai vu quil me manquait encore un peu
pour concurrencer les six meilleures dames. Mais je prends mon temps.
Physiquement, je pense quon est au top entre 27 et 35 ans.»
Un
rêve: lAmérique du Sud, à VTT
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Laetitia
Currat, goûts et envies en express.
Un rêve: réussir au niveau professionnel
et familial
Une montagne: si jétais Gruérienne,
je dirais le Moléson
Un pays à visiter: lAmérique du Sud,
à VTT
Une fierté: rien de particulier
Ce quelle déteste: être de mauvaise
humeur
Une personne quelle admire: Jef Cuennet (rires)
Une peur en course: certains couloirs raides à
faire à pied, je suis plus à laise avec
les skis
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