«Cest
lhorreur! Je narrive pas à y croire. Je lai
vu quatre fois la semaine passée. Vendredi, on a encore bu un
verre ensemble et plaisanté»: le Glânois François
Raemy, ancien président des musiciens fribourgeois, est anéanti
par la nouvelle du décès de son ami Eric Conus, qui sest
donné la mort hier matin vers 10 h, à son domicile de
Lussy. Puis linspecteur scolaire reprend de lassurance pour
se rappeler «le gars exceptionnel qui a tant apporté aux
musiciens dici et de toute la Suisse».
«Je lai vu grandir. Dans sa famille, on nétait
pas vraiment porté sur la musique et je lai encouragé
à en faire. Comme il était très doué, il
a très vite réussi. Il a tout fait, sauf de la composition,
mais il arrangeait à merveille. Je me rappelle encore de cette
anecdote. A Montana, je dirigeais une messe. Il était là,
et sans avoir répété, il a joué divinement.
Il avait 17 ans. Une dame la félicité: Vous
irez très loin dans la vie, jeune homme. Vous avez un réel
talent. Cette dame enseignait au Conservatoire de Rome. Vous vous
rendez compte: il navait que 17 ans. Eric était un garçon
brillant», raconte, très ému, François Raemy.
Après son Ecole normale, Eric Conus suit le Conservatoire pour
décrocher un brevet denseignement de la musique dans les
cycles dorientation et gymnases. A 20 ans, ses diplômes
en poche, il obtient le poste de professeur de musique au CO de Romont.
Il y enseigne pendant quinze ans, avant dêtre nommé
professeur de musique à lEcole normale, devenue la Haute
Ecole pédagogique, et au Collège St-Michel, à Fribourg.
En plus de diriger la fanfare de St-Michel, il y eut le chur mixte
de Sommentier.
La Concordia,
«un déclic»
A 25 ans, La Concordia de Fribourg lengage comme chef. Pendant
onze ans, il sillonne la Suisse avec cet ensemble, participe aux divers
concours cantonaux et nationaux, se forge une solide réputation
outre-Sarine. Il lavouait lui-même lors dun entretien
à La Gruyère en mars dernier: «Mon passage à
la tête de La Concordia a réellement été
un déclic pour ma carrière de chef. Les Suisses allemands
ont appris à me connaître.» Le trompettiste diplômé
et professeur de musique est ainsi nommé en 1993 à la
tête de la prestigieuse Stadtharmonie de Zurich/Oerlikon-Seebach,
lune des meilleures harmonies de Suisse.
Le Glânois reste pendant plus de dix ans à la tête
de cet ensemble. «Pour un Welche, cest rare. Car les contacts
avec les musiciens alémaniques peuvent être tendus»,
explique un chef fribourgeois. Eric Conus le confiait lui-même:
«Etre chef, cest impitoyable. On ne peut jamais être
malade. On doit toujours être présent et au top.»
Sa préoccupation, cétait aussi la formation des
jeunes. Il fit partie de la Commission cantonale déducation
musicale pour les classes enfantines et primaires, ainsi que de la Commission
pour les classes du cycle dorientation. «Comme spécialiste
de léducation musicale, il a beaucoup apporté. Il
a aussi travaillé pour la Méthodologie romande de musicologie»,
relève Jean-Pierre Chollet. Lenseignant et chef de chur
est sous le choc: «Je ne mexplique pas cette mort. Cétait
un gars très optimiste.»
«Un titan»
La jeune génération est aussi choquée par
cette mort: «Il était dun abord simple. Chaleureux,
il expliquait aux jeunes ce quil fallait faire pour saméliorer.»
Des quali-tés remarquées à léchelon
suisse, puisque le chef fribourgeois fut mandaté par lAssociation
des musiques pour faire partie de la Commission fédérale
de musique. Membre dès 1997, il en assuma la présidence
dès mai 2002.
«Cétait un titan, un homme à lénergie
incroyable», souligne le Bullois Bernard Maillard, effondré
par ce départ brutal. Les deux musiciens ont fait ensemble leur
Ecole normale, avant de jouer côte à côte dans la
fanfare militaire à lécole de recrues et pendant
les cours de répétition. «Pourquoi lui? demande
Bernard Maillard. Il avait un parcours hors norme. Mais il ne vivait
pas que pour la musique. On se voyait pour manger, jouer aux cartes.
Cétait un type absolument épatant!»
Latin de tempérament
Pierre-Georges Roubaty, son collègue à la Haute Ecole
péda-gogique, abonde: «Eric avait un contact facile. Je
lui disais souvent quil avait un tempérament méditerranéen.
Avec son énergie, il soulevait des montagnes. Sa vie, cétait
la musique. Il sy adonnait corps et âme. Son souci, cétait
que chacun ait du plaisir à faire de la musique.» Pierre-Georges
Roubaty ne sexplique pas ce départ: «Aucun signe
ne montrait une lassitude. Vendredi, quand il est parti en week-end,
il ma dit être fatigué. Mais cest la fin de
lannée, cest normal. Ici, à la HEP, étudiants
et enseignants, nous sommes tous sous le choc.»
Né le 10 novembre 1958 à Siviriez, Eric Conus était
marié et père de deux enfants. Un dernier hommage lui
sera rendu en léglise de Siviriez jeudi après-midi.