SUD FRIBOURGEOIS Décès d’Eric Conus
«Il nous a tant apporté!»

La nouvelle de la mort d’Eric Conus plonge dans la consternation le monde de la musique et tous les gens qui ont connu ce pédagogue et chef d’orchestre hors norme. Agé de 46 ans, le Glânois a mis fin à ces jours hier matin.

Le décès d’Eric Conus jette la consternation dans le monde musical fribourgeois

 

«C’est l’horreur! Je n’arrive pas à y croire. Je l’ai vu quatre fois la semaine passée. Vendredi, on a encore bu un verre ensemble et plaisanté»: le Glânois François Raemy, ancien président des musiciens fribourgeois, est anéanti par la nouvelle du décès de son ami Eric Conus, qui s’est donné la mort hier matin vers 10 h, à son domicile de Lussy. Puis l’inspecteur scolaire reprend de l’assurance pour se rappeler «le gars exceptionnel qui a tant apporté aux musiciens d’ici et de toute la Suisse».
«Je l’ai vu grandir. Dans sa famille, on n’était pas vraiment porté sur la musique et je l’ai encouragé à en faire. Comme il était très doué, il a très vite réussi. Il a tout fait, sauf de la composition, mais il arrangeait à merveille. Je me rappelle encore de cette anecdote. A Montana, je dirigeais une messe. Il était là, et sans avoir répété, il a joué divinement. Il avait 17 ans. Une dame l’a félicité: “Vous irez très loin dans la vie, jeune homme. Vous avez un réel talent”. Cette dame enseignait au Conservatoire de Rome. Vous vous rendez compte: il n’avait que 17 ans. Eric était un garçon brillant», raconte, très ému, François Raemy.
Après son Ecole normale, Eric Conus suit le Conservatoire pour décrocher un brevet d’enseignement de la musique dans les cycles d’orientation et gymnases. A 20 ans, ses diplômes en poche, il obtient le poste de professeur de musique au CO de Romont. Il y enseigne pendant quinze ans, avant d’être nommé professeur de musique à l’Ecole normale, devenue la Haute Ecole pédagogique, et au Collège St-Michel, à Fribourg. En plus de diriger la fanfare de St-Michel, il y eut le chœur mixte de Sommentier.

La Concordia, «un déclic»
A 25 ans, La Concordia de Fribourg l’engage comme chef. Pendant onze ans, il sillonne la Suisse avec cet ensemble, participe aux divers concours cantonaux et nationaux, se forge une solide réputation outre-Sarine. Il l’avouait lui-même lors d’un entretien à La Gruyère en mars dernier: «Mon passage à la tête de La Concordia a réellement été un déclic pour ma carrière de chef. Les Suisses allemands ont appris à me connaître.» Le trompettiste diplômé et professeur de musique est ainsi nommé en 1993 à la tête de la prestigieuse Stadtharmonie de Zurich/Oerlikon-Seebach, l’une des meilleures harmonies de Suisse.
Le Glânois reste pendant plus de dix ans à la tête de cet ensemble. «Pour un Welche, c’est rare. Car les contacts avec les musiciens alémaniques peuvent être tendus», explique un chef fribourgeois. Eric Conus le confiait lui-même: «Etre chef, c’est impitoyable. On ne peut jamais être malade. On doit toujours être présent et au top.»
Sa préoccupation, c’était aussi la formation des jeunes. Il fit partie de la Commission cantonale d’éducation musicale pour les classes enfantines et primaires, ainsi que de la Commission pour les classes du cycle d’orientation. «Comme spécialiste de l’éducation musicale, il a beaucoup apporté. Il a aussi travaillé pour la Méthodologie romande de musicologie», relève Jean-Pierre Chollet. L’enseignant et chef de chœur est sous le choc: «Je ne m’explique pas cette mort. C’était un gars très optimiste.»

«Un titan»
La jeune génération est aussi choquée par cette mort: «Il était d’un abord simple. Chaleureux, il expliquait aux jeunes ce qu’il fallait faire pour s’améliorer.» Des quali-tés remarquées à l’échelon suisse, puisque le chef fribourgeois fut mandaté par l’Association des musiques pour faire partie de la Commission fédérale de musique. Membre dès 1997, il en assuma la présidence dès mai 2002.
«C’était un titan, un homme à l’énergie incroyable», souligne le Bullois Bernard Maillard, effondré par ce départ brutal. Les deux musiciens ont fait ensemble leur Ecole normale, avant de jouer côte à côte dans la fanfare militaire à l’école de recrues et pendant les cours de répétition. «Pourquoi lui? demande Bernard Maillard. Il avait un parcours hors norme. Mais il ne vivait pas que pour la musique. On se voyait pour manger, jouer aux cartes. C’était un type absolument épatant!»

Latin de tempérament
Pierre-Georges Roubaty, son collègue à la Haute Ecole péda-gogique, abonde: «Eric avait un contact facile. Je lui disais souvent qu’il avait un tempérament méditerranéen. Avec son énergie, il soulevait des montagnes. Sa vie, c’était la musique. Il s’y adonnait corps et âme. Son souci, c’était que chacun ait du plaisir à faire de la musique.» Pierre-Georges Roubaty ne s’explique pas ce départ: «Aucun signe ne montrait une lassitude. Vendredi, quand il est parti en week-end, il m’a dit être fatigué. Mais c’est la fin de l’année, c’est normal. Ici, à la HEP, étudiants et enseignants, nous sommes tous sous le choc.»
Né le 10 novembre 1958 à Siviriez, Eric Conus était marié et père de deux enfants. Un dernier hommage lui sera rendu en l’église de Siviriez jeudi après-midi
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Christophe Schaller
29 juin 2004

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