UN CLUB, UN SPORT FC Vuisternens/Mézières

Les deux sexes du ballon rond

Au FC Vuisternens/Mézières, le football se conjugue aussi au féminin. Nées il y a cinq ans, au plus fort de l’engouement qu’ont suscité la Coupe du monde 1998 et ses stars surmédiatisées, les deux équipes de filles ont su parfaitement s’intégrer dans un milieu réputé masculin. Au point de charmer ces messieurs.


L’équipe féminine du FC Vuisternens/Mézières espère devenir championne cantonale
pour la deuxième année consécutive
(N. Repond)

«Notre section féminine amène une touche nouvelle et originale que tous les clubs n’ont pas.» A la tête du FC Vuisternens/Mézières pour la troisième saison, Benoît Sallin se félicite encore de l’option prise il y a deux ans. Créées en 1998 dans le cadre du groupement junior entre Romont, Siviriez, Ursy, Billens, Promasens/Chapelle et Vuisternens/Mézières, les deux équipes féminines de la Glâne ont failli passer à la trappe. «Pour une question financière, le groupement ne souhaitait plus prendre à sa charge les filles, explique Benoît Sallin. On a alors décidé de les intégrer chez nous, pour redynamiser le club et essayer d’amener une nouvelle motivation. Pour l’instant, on n’a pas eu à le regretter, quand bien même certaines mauvaises langues pensaient que l’attrait pour le football féminin n’allait pas durer.»
L’équipe de 2e ligue et celle des juniors A/B portent haut les couleurs du FC Vuisternens/Mézières sur les pelouses fribourgeoises. La première, composée de joueuses de 15 à 22 ans, est championne cantonale en titre et occupe actuellement la tête du classement. La seconde domine également son championnat. Bibiane Bugnon ne fait pas un mystère du football pratiqué par ces dames. «On est beaucoup plus lentes que les hommes, expose la capitaine de la “une”. On mise davantage sur la technique que sur le physique.»

Méthode similaire
Sous la férule de René Deschenaux, lors des deux entraînements hebdomadaires, elles n’en gardent pas pour autant sous la semelle. «La séance du mercredi est assez poussée, assure-t-il. Mais je ne fais que répondre à une demande. Les filles qui pratiquent le football sont des “mordues”. Avec elles, il faut agir de la même manière qu’avec une équipe masculine. Si l’on privilégie l’amusement, on n’obtient rien. Or, je suis un entraîneur qui aime obtenir des résultats, comme mes joueuses. Celles qui ne crochent pas suffisamment se retrouvent sur le banc, car certaines juniors A/B ont les qualités pour évoluer en 2e ligue.» Seule différence: René Deschenaux avoue parler davantage qu’avec des hommes. «Mais je n’ai pas peur de crier autant qu’avec une équipe d’actifs.»
L’intégration réussie de la gent féminine au sein du club n’est pas seulement due aux performances sportives. «Le football féminin est devenu plus courant, explique Bibiane Bugnon. Le regard des gens a évolué, même si certains persistent à penser qu’une femme n’a rien à faire sur un terrain de foot. Au sein du club, on est totalement intégrées. On entretient d’excellents rapports avec les garçons, surtout avec les juniors A et B. Ces derniers viennent régulièrement assister à nos rencontres, et vice versa.»

Stoppeur sans moustache
En dehors des pelouses, ces dames manifestent un enthousiasme bienvenu pour un club en perpétuelle recherche de financement. «Lors des manifestations extrasportives, elles sont très assidues», relève Benoît Sallin. «Quand une fête est organisée, leur présence est appréciable, ajoute Nicolas Bussard. Il est préférable d’avoir de jolies filles derrière un bar plutôt qu’un gros stoppeur à moustache (rires).»

Fini l’ascenseur!
Ces dernières saisons, la formation de Nicolas Bussard a joué les ascenseurs. Actuellement en tête de son groupe, Vuisternens/Mézières – exclusivement composé de joueurs habitant dans un rayon de moins de dix kilomètres de Vuisternens-devant-Romont – espère rejoindre la 3e ligue et s’y établir. «Le club serait à sa juste place dans cette catégorie de jeu, estime Benoît Sallin. Avoir une équipe à cet échelon devient même nécessaire, car plusieurs bons éléments issus du mouvement junior frappent à la porte des actifs.»
Du côté de la «deux», les objectifs sportifs passent au second plan. «La 3e mi-temps est parfois pas triste, assure Marc Girard. En 5e ligue, le but est de se faire plaisir entre amis et de se défouler sur un terrain. La plupart exerce une autre activité en dehors du football.» Comme cinq joueurs de l’équipe, membres du groupe Attack Vertical, bien connu dans la région pour sa musique trash. «Mais ils s’arrangent toujours pour être présents lors des matches», relève Marc Girard.
A tous les échelons, le FC Vuisternens/Mézières est une grande famille dont on ne se sépare pas facilement.

Le foot féminin vu par ces messieurs

Benoît Sallin, président du FC Vuisternens/Mézières: «Certains considèrent que la place d’une femme n’est pas sur un terrain de football. Le foot pratiqué est certes moins attractif. Mais il ne faut pas voir une rencontre entre filles avec le même regard qu’un match entre hommes. Les contacts sont peu nombreux. Cette différence fait tout le charme du football féminin. Chez les messieurs, il y a d’ailleurs souvent beaucoup trop de contacts.»
Nicolas Bussard, entraîneur de la 1re équipe (4e ligue): «Le football n’est pas un sport à bannir du monde féminin. Lorsque j’observe les joueuses du club à l’entraînement, je suis impressionné par leur sérieux. Elles sont en excellente condition physique. Ce sont des sportives à part entière.»
Marc Girard, entraîneur de la 2e équipe (5e ligue): «Depuis la Coupe du monde 1998, les filles ont commencé à s’intéresser au football et se sont inscrites dans des clubs. Les deux équipes que compte Vuisternens/Mézières prouvent que l’intérêt pour le ballon rond est encore bien présent. Et avoir une section féminine, c’est aussi positif pour l’image du club.»
René Deschenaux, entraîneur de l’équipe de 2e ligue féminine: «Les filles qui intègrent le club sont des vraies mordues de football et ont envie de jouer. En cinq ans, seules trois ou quatre joueuses ont décidé d’arrêter, pour raison d’études ou alors parce qu’elles se sentaient un peu inférieures aux autres. Au niveau du jeu, les filles mettent plus de temps pour comprendre et réaliser un principe tactique souhaité. Les contacts sont moins fréquents que chez les hommes. Mais certaines de mes joueuses n’ont pas peur de se faire mal. Les adversaires n’ont pas trop intérêt à se frotter à elles.»

 

Alain Sansonnens
19 avril 2003

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