VEVEYSE Silentsoft

Une machine au bout du fil

Le Veveysan Jean-Luc Mossier et son associé Fabio Cesa ont récemment obtenu l’un des titres d’entrepreneurs de l’année, lors d’un concours organisé par le cabinet Ernst & Young. Motif: leur start-up ouvre de nouvelles voies, en permettant aux machines de télécommuniquer.


Jean-Luc Mossier: «On trouve toujours la technologie; ce qu’il faut d’abord, c’est la connaissance du marché»

 

«Entrepreneurs de l’année 2005»: le Veveysan Jean-Luc Mossier et son associé Fabio Cesa viennent de décrocher le prix prestigieux financé par le cabinet Ernst & Young. Une forme de reconnaissance pour ces deux pionniers. SilentSoft, leur start-up fondée il y a cinq ans au Parc scientifique de l’EPFL, a non seulement survécu au flop de la bulle internet, elle ouvre aussi, a estimé le jury, un marché au potentiel gigantesque, celui des machines communicantes.
Le concept développé par SilentSoft est simple: équiper des machines avec un «mouchard», capable de prendre des mesures et de les transmettre par sms à un serveur, pour publication sur internet. De quoi gérer à distance et presque en temps réel un vaste parc d’objets. Un exemple? SilentOil, petite sœur de SilentSoft, permet aujourd’hui à des régies immobilières de surveiller le niveau de plus de 10000 citernes à mazout, en Suisse et dans onze pays d’Europe. Et chaque mois, 300 nouvelles chaudières sont équipées par la filiale, qui affiche sans détour ses ambitions: faire communiquer 100000 chaudières dans les trois ans. Du coup, le chiffre d’affaires des sociétés sœurs atteint environ 3 millions de francs, et devrait croître de 25 à 30% par an.
Le concept est souple. SilentSoft se tourne déjà vers les tanks de l’industrie chimique et des gaziers, les stocks de lubrifiants des garages ou simplement les conteneurs de déchets ménagers. La société, qui emploie dix-huit personnes, vient ainsi de décrocher un contrat avec Total France, soit 1,6 million de points de mesure en perspective. Et il y aurait bien plus à faire. Compteurs d’eau, d’électricité, distributeurs de boissons: «En 2010, plus de machines que de personnes communiqueront sur les réseaux de téléphonie mobile!» prédit Jean-Luc Mosssier.

Produit formaté
L’entrepreneur domicilié à Remaufens le concède volontiers: le défi relevé était moins technologique que stratégique. «Il y a cinq ans, la télémétrie industrielle n’était pas nouvelle, mais elle était chère», retrace le lauréat. Le travail consistait à créer des capteurs bon marché, comportant un minimum de technologie embarquée, de façon à relier à meilleur prix de grosses quantités d’objets. Et surtout, il fallait cerner avec précision les besoins des entreprises, qui craignent par-dessus tout les affres de la technologie. La start-up s’est donc d’emblée profilée comme un fournisseur de services. Le client ne se préoccupe ni de circuits électroniques, ni de logiciels, mais consulte sur la toile des pages de mesures, d’analyse, de statistiques ou d’archives.
Investissements nécessaires à ce développement: près de 6 millions de francs, indique Jean-Luc Mossier, qui n’a pas toujours eu le sourire aux lèvres. «Nous pensions qu’il fallait un an et demi pour trouver un équilibre financier: il en a fallu trois! Au début, nous avions une dizaine de développeurs et nous perdions 100000 francs par mois… Difficile, mais on apprend à gérer une entreprise d’échéance en échéance.» Et à trouver des investisseurs: des privés, des financiers genevois et finalement Venture Incubator (financé notamment par Nestlé et la Suva) sont peu à peu entrés dans le capital-risque de SilentSoft.
«Pour l’instant, on a surtout creusé un trou de 6 millions de francs. Ça rend modeste», confie l’entrepreneur, qui a perdu sa part majoritaire dans la société: «C’est presque inévitable: pour grandir, il faut des fonds de roulement importants, mais les banques se montrent frileuses. L’ouverture du capital est incontournable, si on veut prendre le marché lorsqu’il est là. Et aujourd’hui, toute notre marge est réinvestie. Fabio et moi ne sommes toujours pas des gens riches, mais nous savons que nous avions raison: ça a marché, on a survécu au jeu de massacre!»

 

Une affaire d’équipe

«Complémentarité»: un maître mot pour Jean-Luc Mossier. Ingénieur chimiste de formation et docteur en biotechnologie, le Veveysan a d’abord consacré une dizaine d’années à la chimie bâloise, puis à la société d’ingénierie de la Lyonnaise des eaux, avant de rencontrer Fabio Cesa, en 1997. Tous deux accomplissaient leur Master of business administration, à Lausanne. Leur projet commun a germé en 1999, alors que Jean-Luc Mossier assumait depuis peu la direction du Parc scientifique de l’EPFL. «Fabio est ingénieur en génie nucléaire, mais il s’occupait à l’époque de questions commerciales liées à l’énergie, et au mazout en particulier. C’est lui qui a eu l’idée des citernes, lorsqu’il a appris que 30% des problèmes de chauffage étaient en fait des pannes sèches.»
En novembre 2000, SilentSoft était née: «Fabio apporte sa vista commerciale et ses idées débordantes, que j’essaie de structurer, confie Jean-Luc Mossier. Seul un team peut mener à bien un tel projet. Et plus ses membres sont différents, mieux c’est: chacun apporte sa manière d’aborder les problèmes et élargit le champ des compétences.»
Ancien conseiller général de Châtel-St-Denis, installé à Remaufens depuis 1995, Jean-Luc Mossier a longtemps songé à installer son entreprise à Châtel-St-Denis. «Nous avons d’autres priorités, mais cela reste une possibilité, même si cette décision ne m’appartient plus.»

Contrinex aussi primée

Si Jean-Luc Mossier et Fabio Cesa se sont imposés dans la catégorie des start-up, trois entrepreneurs ont aussi reçu le titre d’Ernst & Young. Willy Michel, président du conseil d’administration de la société Ypsomed Holding, à Berthoud, est désigné master entrepreneur. Robin Cornelius, patron de Switcher World, l’emporte dans la catégorie commerces et services. Enfin, Peter Heimlicher, directeur de Contrinex, à Givisiez, domine la catégorie industrie/high-tech, soufflant le prix au constructeur métallique bullois Bernard Sottas. Quelque 56 entreprises suisses étaient sur les rangs, après sélection par un jury indépendant.


Stéphane Sanchez
5 novembre 2005

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