Bienvenue
au domaine du Daley. Terrasses en coteaux, venelles ondoyantes et murets
de pierre grise. Plants bas au feuillage doré dans une terre
sablonneuse. Chasselas, cabernet, syrah et des générations
de savoir-faire, de travail et damour de la terre. Jusquici
rien danormal. Cest le portrait dun domaine viticole
de la riviera vaudoise comme il y en a des centaines. Mais derrière
le domaine du Daley, à Lutry, sest jouée une histoire
de vie passionnante. Une histoire dentrepreneur, une histoire
de famille, lhistoire dun terroir.
Le domaine est la plus vieille inscription au Registre foncier suisse.
Longtemps propriété du chapitre Saint-Nicolas de Fribourg
(voir ci-dessous), ces dix hectares de terre sont aujourdhui exploités
par Cyril Séverin. Il présentait la semaine dernière
à la presse une nouvelle gamme de vins. Des vins nobles, produits
à partir de cépages traditionnels de la région.
Sur les nouvelles étiquettes, un petit bugle a fait son apparition.
«Cétait linstrument de mon grand-père.
Il jouait dans la fanfare de Grandvaux et était connu loin à
la ronde pour sa bonne humeur», sourit Cyril Séverin, qui
a voulu par là rendre hommage à son ancêtre, Julien
Séverin.
Mais cet hommage na rien danodin. Car le grand-père
au bugle et à la bonne humeur est le premier des Séverin
à sêtre installé sur le domaine du Daley.
Cétait en 1934. Pendant un quart de siècle, il a
travail-lé comme vigneron-tâcheron pour le compte de la
famille Bujard, propriétaire du domaine. Lâme de
lendroit cest donc lui. Le vieux Julien Séverin,
travailleur et forte tête. Car, en 1958, il se brouille avec le
propriétaire. Pour avoir participé à la fondation
dune association de vignerons-tâcherons, Julien Séverin
choisit de sexiler à Lausanne. Agé de 14 ans, son
fils Marcel a le cur lourd. Suivre les pas de son père
sur les coteaux ensoleillés du vignoble devient, ce jour-là,
un rêve inaccessible. En
tout cas pour linstant.
Le
rêve se réalise
Car Marcel Séverin a dautres plans. Après une formation
de pharmacien, il se lance dans les affaires. Et le jeune homme se révèle
un redoutable entrepreneur
Il est aujourdhui le propriétaire
de la chaîne de pharmacies Sun Store, dont le chiffre daffaires
est estimé à plus de 330 millions de francs. Du coup,
son rêve denfance est à portée de main. Reste
plus quà sapproprier les terres qui lont vu
naître.
Laffaire se conclut en 2003. «Avant dacheter, mon
père ma demandé si je voulais exploiter le domaine»,
raconte Cyril Séverin. Sans trop hésiter, il accepte et
vend lagence de voyages dont il était le patron. Des regrets?
«Non, je remercie mon père tous les jours pour le défi
quil ma offert. Au contraire de lunivers du business,
travailler la vigne ma permis de découvrir un monde où
les valeurs sont sûres.» Après une formation de viticulteur,
il se spécialise dans la dégustation, la vinification
et le contrôle de la cave à lécole dingénieur
de Changins. Et sa première formation dans le marketing lui a
permis délaborer lui-même les nouvelles étiquettes.
Souliers délacés, jeans et lunettes de soleil, Cyril Séverin
est du genre décontracté. A part la grosse Mercedes noire
garée devant la maison, aucune trace du luxe habituellement associé
aux familles fortunées. «Nous sommes des gens terre à
terre, pas des spéculateurs», assure-t-il, le regard franc.
Durant lentretien, il décroche son téléphone
portable et négocie fermement lescompte quun client
lui demande. Et comment se passe la collaboration avec son père?
«Il me met pas mal de pression. Mais je crois quil est satisfait
avec le développement du domaine», sourit ce passionné
de course à pied, de golf et de sports nautiques.
Stratégie
gastronomie
Sur lexploitation, Cyril Séverin est secondé
par le vigneron Vito Ferilli et lnologue François
Meylan. Ensemble, ils misent sur des cépages traditionnels
chasselas, chardonnay et pinot noir pour redonner de lélan
aux vins de la région. Et le succès est déjà
au rendez-vous. Le célèbre guide Hachette 2005 a décerné
93 points sur 100 pour leur assemblage en barriques Clos du Chatelet
2002. Le domaine décroche également une médaille
dor à lExpo Vina Zurich 2005, pour le chasselas Domaine
la Mouniaz. Depuis quelques années, ils cultivent également
de nouvelles vignes sous lappellation Lutry, avec des cépages
rouges comme le merlot, le cabernet et le plant Robert.
Avec sa nouvelle sélection de vins aux étiquettes raffinées,
Cyril Séverin veut se profiler sur le marché du haut de
gamme. «Notre stratégie est dassocier nos vins à
la gastronomie. Car, pour réussir en supermarché, soit
vous tentez de casser les prix ou alors il faut une renommée
bien établie», analyse Cyril Séverin. Aujourdhui,
la moitié de la production annuelle du domaine (environ 115000
bouteilles) est vendue aux restaurants gastronomiques de la région.
Parmi ses clients, on retrouve Philippe Rochat, du restaurant de lHôtel
de Ville à Crissier, le Beau-Rivage Palace à Lausanne
et lHôtel des Trois-Couronnes à Vevey.
Digne fils dentrepreneur, Cyril Séverin bouillonne de projets.
Son prochain défi sera de conquérir les marchés
internationaux. «Jai déjà un réseau
de clientèle en France, en Belgique et en Allemagne. Et quelques
contacts avec lAngleterre, les Etats-Unis et le Japon»,
dévoile-t-il. Son dernier projet sadresse dailleurs
au marché nippon. «Jai choisi de mettre en valeur
notre chasselas, un vin qui sallie très bien aux poissons.»
Avec une étiquette en forme de croix suisse, ce célibataire
de 31 ans a baptisé son nouveau bébé le Swiss Sushi
Wine.
Journées
portes ouvertes, samedi 5 et dimanche 6 novembre, de 11 h à 17
h 30. Voir www.daley.ch
En
lien avec Fribourg
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Le domaine
viticole du Daley, à Lutry, a appartenu pendant cinq
siècles au chapitre de Saint- Nicolas de Fribourg. Achetés
en 1937 par Charles Bujard, les bâtiments conservent encore
quelques traces de leur propriétaire fribourgeois. Une
fresque restaurée et datée de 1392 mentionne lacte
de donation au chapitre dune vigne située au Daley
par un certain Gérard Mistralis.
Aujourdhui propriété de lentrepreneur
Marcel Séverin, le domaine du Daley conserve des liens
commerciaux avec le canton de Fribourg. «Je suis membre
de la Confrérie du Gruyère. Ils assurent la promotion
de mes vins et, de mon côté, jai toujours
une meule de Gruyère à la cave», explique
Cyril Séverin, fils du propriétaire et responsable
de lexploitation. Le chef Philippe Rochat a dailleurs
été intronisé dans la Confrérie
du Gruyère au domaine du Daley.
En plus de ces liens commerciaux, Cyril Séverin livre
son vin dans plusieurs buvettes dalpage de la Gruyère.
«Je mise sur les produits du terroir, car nos vins sallient
à merveille avec la restauration rustique de la montagne.»
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