Te Pula, «Chez les poules»: cest le nom que Xhafer
Kalimashi a donné avec humour à son restaurant installé
depuis septembre 2001 dans la grande salle de La Poularde, à
Romont. Une véritable petite enclave albanaise et kosovare, qui
fonde toute son attractivité sur une seule recette: les concerts,
la musique du pays interprétée par des artistes du pays.
Comme ces huit musiciens du Bilbilat e Prizrenit (Les Rossignols de
Prizren), repartis hier de Romont après quelques semaines passées
sur les lieux, et qui reviendront jouer à Noël et Nouvel-An.
Et la recette fonctionne. Chaque samedi, entre 30 et 40 personnes
moins en semaine et en période de ramadan convergent vers
Romont pour assister au spectacle en mangeant. On vient de la région,
de Lausanne, de Genève parfois même de Zurich lorsque laffiche
le mérite. «Un chanteur de lenvergure de Shkelzen
Jetishin remplit facilement la salle, soit 220 places! Il faut refouler
les gens», illustre Xhafer Kalimashi. A en croire la pérennité
de son activité, ce Kosovar domicilié depuis 1979 en Gruyère
semble avoir du flair: il organise des concerts depuis 1994. A lépoque,
sa salle se trouvait dans les locaux de lErmitage, aux Paccots.
«Jétais mécanicien, mais je voulais changer.
Comme mon métier mobligeait à faire la navette entre
lAlbanie, le Kosovo et la Suisse, je connaissais pas mal de monde
des deux côtés: cétait facile dorganiser
des concerts. Aujourdhui, je fais venir six à huit groupes
par année, pour deux mois environ. Pendant cette période,
ils vivent ici, dans les studios extérieurs de La Poularde.»
Cultures en dialogue
Caractéristique de la programmation proposée à
Romont : «Je ne choisis que des groupes de musique folklorique
ou populaire. Ils amènent un public de 35 à 60 ans, celui
que jaime bien.» Comme le patron de létablissement,
le chanteur et clarinettiste des Rossignols Zeqir Kryeziu connaît
bien les attentes de ce type de spectateurs, des nostalgiques: «On
vient pour les compatriotes, pour leur donner des nouvelles du pays,
pour les faire chanter sur de vieilles chansons, des paroles tristes
et des airs patriotiques.» De quoi raviver toute une tradition
devenue partiellement clandestine en raison de la déculturation
forcée, explique Xhafer Kalimashi.
De politique et de religion, il nest pas souvent question autour
des tables du Te Pula. Ici, on parle du quotidien. Même si Hasan
Elezi, fournisseur et client fidèle venu de Crissier, ne peut
sempêcher de réagir aux dernières votations:
«Vu les conditions dasile, limpossibilité de
travailler et le manque dargent, chaque vague de requérants,
de quelque origine que ce soit, passera pour malfaisante. Et ce qui
est encore plus malheureux, cest que ça retombera sur tous
leurs compatriotes, même les immigrés qui vivent en Suisse
depuis plus de vingt ans.»
Le Kurde Mecit Kaplan, lui aussi habitué des lieux, comme des
Por-tugais, des Italiens et des Suisses dailleurs, se veut cependant
optimiste: «Le monde se globalise, les cultures se mêlent
inévitablement. Cest ce dialogue que je viens chercher
ici», confie-t-il. Dici quelque temps, ce Bullois naura
peut-être plus à se déplacer pour retrouver cet
esprit. Xhafer Kalimashi rêve en effet de créer une association
albanaise dans le chef-lieu gruérien et douvrir un centre
du même type. «Si je trouve une deuxième salle
»
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