L’Amérique a longtemps attendu le nom de son nouveau président. Ce n’est que vingt heures après le bouclage des urnes que George Bush a reçu officiellement l’onction d’un deuxième mandat. Une nouvelle fois, la démocratie américaine a cafouillé. Le recomptage des suffrages était programmé dans l’Ohio et l’Iowa, ridicule répétition de l’épisode floridien survenu en 2000… Avec son cortège de procédures judiciaires et d’arguties juridiques.
Quelle image pour une démocratie qui se prétend un modèle pour le monde! Voilà un système qui apporte la preuve de son incompétence et de son iniquité à chaque fois qu’il sollicite l’avis du souverain. Proposant l’image d’un désordre digne d’une république bananière avec ses machines à voter déficientes, ses décomptes sans fin, ses votes anticipés qui se mélangent aux bulletins «provisoires». Un amateurisme indigne d’une démocratie qui se veut le gendarme du monde.
Mais davantage que la forme chaotique de ces élections, ce sont les résultats qui déconcertent les Européens, persuadés qu’une victoire démocrate était possible. Car, la réélection de Bush était inscrite dans les étoiles de ce pays en état de guerre. Ce vote est celui d’un pays qui compense sa peur du terrorisme par un patriotisme et un nationalisme exacerbés. Et cette mentalité engendrée par les attentats du 11 septembre et la guerre en Irak suscite l’incompréhension des Européens.
Ce triomphe de l’Amérique conservatrice s’explique aussi par la montée en puissance des «valeurs». De ce côté-ci de l’Atlantique, l’embrigadement de Dieu dans la campagne a fait sourire. Cette dimension se tient pourtant au cœur du choix des électeurs. Dans ce temps de crise, la religion et les valeurs morales prennent la forme d’une compensation. Et la foi en Dieu s’est progres-sivement muée en une foi en Bush érigé en père de la nation. Plus que la personnalité, contestée, de George Bush, ce sont les valeurs qu’il incarne qui ont séduit les Américains. Des idées simples, un verbe volontaire, une image de certitude: cette façade rassurante résistera-t-elle au temps?

Patrice Borcard 4 novembre 2004

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