ÉDITORIAL

Contre-projet Avanti
Bricolage sans vision

Des trois objets soumis au peuple helvétique le 8 février prochain, le contre-projet Avanti est le plus passionnel. Les opposants font preuve d’une pugnacité qui vire parfois à l’agressivité. Les partisans, à l’image du conseiller fédéral Moritz Leuenberger, témoignent d’une prudence étonnante. Le sujet est pourtant capital, car il en va de notre politique des transports dans les trois prochaines décennies.
Le contre-projet Avanti est le pur produit de notre système politique. Réponse à une initiative populaire, il a été façonné, paqueté et ficelé pour séduire largement, au point d’en perdre sa clarté et sa cohérence. Rassemblés dans un triopack digne du supermarché, les objets de ce contre-projet – autoroutes, agglomération, tunnel du Gothard – tiennent d’un indigeste millefeuille législatif.
Laborieusement élaboré par les Chambres fédérales, il reprend partiellement une initiative des milieux routiers. Avec deux «bonus». La création d’un fonds indépendant qui permet aux partisans de l’initiative de soustraire une partie des ressources routières à la rigueur budgétaire, dont ils sont pourtant les chantres coutumiers. Autre ajout, appât pour l’électorat écologiste, une promesse de 7 milliards pour l’amélioration des transports publics et privés dans les zones urbaines. Considérée comme telle, cette manne apparaît comme inespérée. Mais le flou règne en maître, surtout pour les régions périphériques qui n’en verront pas la couleur…
Quant au percement d’un deuxième du tunnel du Gothard, il focalise toutes les oppositions. En flagrante contradiction avec l’article sur la protection des Alpes, il ne serait plus soumis aux restrictions constitutionnelles. C’est donner beaucoup de responsabilité aux Chambres pour un projet capital.
Sur le papier, l’affaire a donc les allures d’une vision globale, d’une nouvelle philosophie des transports helvétiques. Dans le détail – et on ne parle pas du financement contesté de 30 milliards – il s’agit d’une douteuse construction législative, qui ne répond pas aux exigences présentes. Elargir sans discernement le réseau routier tient de la fuite en avant. Avant de jeter les milliards dans le goudron et le béton, notre société doit repenser fondamentalement sa politique des transports. Il s’agit de remettre chacun des sujets sur le métier, en y conservant les avancées dignes d’une vision à long terme.

Patrice Borcard
27 janvier 2004

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