FRIBOURG Erotica à Forum Fribourg
Un érotisme décomplexé

Le premier salon du plaisir organisé sur sol fribourgeois a connu un succès qui a convaincu les organisateurs de recommencer l’année prochaine. Ce week-end, on était loin des ambiances glauques des sex-shops d’antan.


Seule la gêne, tant sur scène que dans le public, n’était pas au rendez-vous

Vaud, Valais, Berne, Soleure, Neuchâtel et Fribourg bien sûr. Les plaques des véhicules présents vendredi soir à dix heures dans le parking de Forum Fribourg laissent voir qu’Erotica 2004 recrute large. Le public a répondu présent à l’appel de ce premier grand salon du plaisir organisé à Fribourg.
De vendredi soir à dimanche en fin de journée, quelque 6600 personnes sont venues pour cette première édition d’Erotica Fribourg. Inge Scheerer, l’une des organisatrices, annonce déjà un retour du salon du 21 au 23 janvier de l’année prochaine. Une 2e édition confirmée hier par Claude Membrez, directeur de Forum Fribourg.
A l’intérieur, on entre tout de suite dans le vif du sujet. De jeunes femmes dansent autour d’une barre fixée sur un podium. Elles ne vont pas trop loin, c’est-à-dire pas plus loin que dans un bar à strip-tease classique. On peut leur glisser un billet – entre la culotte et la peau – pour les encourager: le succès est mitigé.
Les appareils photo digitaux sont sortis, mais le public, très masculin à cet endroit, reste le plus souvent passif. On comprend vite la relative sagesse des unes et des autres, lorsque, au micro, l’«animateur» annonce: «Pour cinquante balles, show privé.» C’est donc derrière la cloison que certains hommes vivront le grand frisson.

M. et Mme Tout-le-monde
Un peu plus loin, entre les divers stands – une quarantaine – installés le long des allées, c’est une autre ambiance. On y rencontre de nombreux couples, le samedi et le dimanche plus encore que le vendredi, où les hommes s’étaient déplacés en nombre. Pour le week-end, les organisateurs estiment à 40% le nombre de femmes parmi les visiteurs. Le dimanche, les groupes d’amies sont présents dans les allées.
On rencontre aussi des groupes d’hommes, venus entre «copains», dont ces retraités goguenards qui, au sortir de Forum, rient, un sac de «matériel» dans la main, tout leur bonheur du moment passé dans le salon. La fréquentation d’Erotica, enfants mis à part bien sûr, ne se distingue pas beaucoup de celle de n’importe quelle autre foire. A ceci près que, parmi les visiteurs, certains sont manifestement des initiés.
Si la plupart portent tenue de ville, avec un zeste d’érotisme pour certains, mais pas beaucoup plus que dans une discothèque, les initiés ont manifestement l’habitude de fréquenter les lieux d’achats de sous-vêtements et vêtements non conventionnels et troublants. On voit, main dans la main, des couples de feu: elle, jupe de cuir rouge, bas résille et bustiers; lui T-shirt transparent qui laisse plus qu’imaginer son torse. Ils sont une petite proportion de non-conventionnels ou, pour certains, légèrement exhibitionnistes, telle cette quinquagénaire dont les boutons de chemisier tombent au fil des minutes – son mari n’y est pas pour rien. Ils aiment voir autant qu’être vus.

Au marché du plaisir
Ce qui frappe le plus, du côté du public, c’est l’absence complète de gêne des visiteurs. Pour eux, la sexualité a définitivement quitté les chambres à coucher sans lumière. On choisit en couple les objets du plaisir en toute simplicité. On déambule de dessous classiques en dessous de latex, d’un stand de DVD pornographiques – il y a pléthore – à un tatoueur ou un body perceur…
On palpe les objets avec la concentration de l’acheteur qui ne veut pas être déçu – au bout de l’achat, c’est le plaisir qui est en jeu, tout de même! – on compare, et, pour les habits, on essaie. Cris de joie d’une femme entre 20 et 30 ans qui vient de choisir une tenue qui convient aussi à son mari. Elle l’a choisie, il la lui offre. Elle lui saute dans les bras pour l’embrasser. Ils sont contents de leur dimanche et la semaine sera chaude.
Les rires gras sont beaucoup moins nombreux qu’on pouvait le craindre. Il est vrai que les organisateurs ont interdit l’entrée à quelques bandes d’amis trop avinés et que ceux qui auraient pu être mal à l’aise ne sont tout simplement pas venus. Parmi les mâles, certains sont pourtant déçus. Ils s’attendaient certainement à des shows plus hard. Deux hommes de la trentaine expliquent en partant qu’il n’y a rien «de très excitant». Un propos qu’il faut relativiser quand on sait qu’ils sont tout de même restés quatre heures dans le salon. A s’ennuyer ferme?
Ils s’attendaient certainement à voir sur le podium les mêmes scènes que celles des films proposés. Mais le spectacle principal, annoncé par les organisateurs comme devant plaire aux femmes aussi, est resté clairement dans le domaine de l’érotisme. Du nu, oui, des actes sexuels parfois mimés, mais aucun pratiqué sur scène. Au rayon des films, c’est en revanche clairement de pornographie qu’il s’agit, dans les limites autorisées par la loi suisse, c’est-à-dire à l’exclusion de la pornographie dure. «La police a fait ses contrôles pendant le salon, explique Claude Membrez. Il n’y avait, selon elle, rien à redire.»

Pour tous les goûts
Les exposants présents ont connu des fortunes diverses, liées aussi à leur compréhension de l’évolution du marché du sexe. Car il s’agit bien d’un marché, et florissant. Ces dernières années, il a beaucoup évolué, entre autres pour satisfaire et attirer une clientèle féminine qui fuyait l’ambiance glauque de certains sex-shops. Dans cet Erotica, les exposants avaient pour la plupart intégré cette évolution.
La palme revient certainement à cette commerçante de Rapperswil qui a compris depuis plusieurs années que, lorsqu’elles choisissaient leurs objets de plaisir, les femmes ne cherchaient pas forcément le plus gros et le plus laid. Elle propose une gamme de godemichés et autres vibreurs conçus pour les femmes et choisis par elles-mêmes avec attention sur le stand, dans une ambiance très décontractée. Le changement principal est peut-être là: l’époque où l’homme choisissait les objets de ses fantasmes pour sa femme semble achevée pour ces couples décomplexés.


Charly Veuthey
27 janvier 2004

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