GRUYÈRE Retouches au projet H189

Bulle n’est pas d’accord

Revoyez votre copie de la route de contournement, Messieurs de Fribourg et de Berne! Tel est le cri du cœur lancé hier par la ville de Bulle, fâchée par la proposition du canton de transformer une tranchée couverte en tronçon à ciel ouvert, à la Pâla.


Pour les édiles du chef-lieu gruérien, les modifications proposées par le canton vont trop loin

On croyait qu’aucun obstacle ne se dressait plus sur la route de la H189, l’itinéraire de contournement de l’agglomération bulloise attendue par toute une région depuis des décennies. On se trompait. Le Conseil communal bullois vient d’adresser une lettre courroucée aux services de Claude Lässer, patron de l’aménagement et des constructions. Le syndic Jean-Paul Glasson y proteste contre la suppression de la tranchée couverte prévue à proximité du giratoire de la Pâla. Pour les édiles du chef-lieu gruérien, ces modifications proposées par le canton vont trop loin. Ils l’ont dit hier matin aux médias qu’ils avaient conviés dans l’urgence.
En lieu et place de la tranchée couverte, à la hauteur de la colline de Montcalia, non loin de la scierie Despond, le passage de la route pourrait se faire à ciel ouvert. «L’atteinte au paysage serait vraiment trop forte», réagit le syndic. Ima-ginez une telle trouée, haute de 16 mètres et large de 60 mètres à son maximum», lancent les trois autres élus bullois présents à ses côtés. Leur cri du cœur a d’autant plus de force qu’ils ont été informés de la chose il y a quinze jours à peine par le Service des ponts et chaussées.

Scénario catastrophe
Un tel changement nécessitera une nouvelle mise à l’enquête partielle. Or, pour le syndic Glasson, «les changements apportés sont de nature à susciter de vives et nombreuses oppositions, qui risquent d’occasionner des retards». Dans sa missive, la ville de Bulle rappelle que le tracé de la H189 et les détails du projet ont fait l’objet de nombreuses discussions et ont été mis à l’enquête. «Le faible nombre d’oppositions était d’ailleurs la preuve de la qualité du projet présenté. Remettre à l’enquête aujourd’hui des modifications allant à l’encontre des choix et décisions ayant été unanimement acceptés nous paraît insoutenable et voué à l’échec.» Un scénario catastrophe…
Car cette route, dont l’inauguration est prévue en 2008 ou 2009, est attendue avec impatience par les riverains, les habitants de la Jogne et de l’Intyamon, par les entreprises aussi. «Loin d’être de petits correctifs, ce sont des changements majeurs qui remettent en question des documents officiels, comme le plan directeur, le plan d’aménagement local ou celui des transports», complète le conseiller communal Raoul Girard. Les Bullois, soutenus par le syndic tourain Yves Menoud, veulent à tout prix éviter que le dossier ne s’enlise. Jean-Paul Glasson: «C’est justement parce que nous tenons à ce que cette route se réalise dans les meilleurs délais que nous essayons d’anticiper les problèmes prévisibles.» A noter qu’à La Tour-de-Trême, les travaux vont partir comme prévu, le 26 mars.

Le diktat de la sécurité
Comment en est-on arrivé là? Il faut se souvenir qu’à mi-janvier, la Direction de l’aménagement, de l’environnement et des constructions informait la presse que toutes les conditions de sécurité étaient enfin remplies (La Gruyère du 18 janvier). Le canton poussait un ouf de soulagement, puisque la Confédération avait subordonné sa participation financière (69% du crédit total) à des exigences en matière de sécurité plus sévères qu’à l’origine. Il s’agissait d’améliorer la régulation du trafic, histoire d’éviter des refoulements de véhicules dans les tunnels. Résultat: un surcoût de 2,1 millions, une somme qui n’est pas de nature à remettre en question l’enveloppe globale.
Ce qui n’était pas dit explicitement, c’est que les impératifs de sécurité risquent fort de dénaturer (c’est le cas de le dire) le projet. Rappelons que les Fribourgeois, à deux contre un, ont accepté le crédit de 215 millions. C’était en juin 2001.
Contacté à Fribourg, Jean-Bernard Tissot, chef de projet aux Ponts et chaussées, tombe des nues. «L’Office fédéral des routes nous a demandé de réétudier le secteur de la Pâla. Nous y travaillons et ce ne sont que des propositions que nous avons présentées à Bulle. Nous ne l’avons pas encore fait auprès de l’OFROU, avec qui nous avons juste évoqué la question de principe de la couverture ou non de ce tronçon.»
Jean-Bernard Tissot regrette que Bulle agisse de la sorte. «On est mal parti si la ville met ainsi de l’huile sur le feu.» Sur le fond, le chef du projet H189 indique que les exigences de sécurité imposées par la Confédération l’amènent à optimiser l’interface de la Pâla.» Une distance de sécurité de 150 mètres (pour la distance de freinage) doit être respectée entre le giratoire et l’entrée dans la tranchée couverte. Passée la crête de Montcalia, en raison de la pente, la route de contournement ne sera plus assez enfoncée dans le sol. «On ne va tout de même pas remblayer de la terre pour pourvoir obtenir une tranchée couverte», explique l’ingénieur. Ironie du sort, relevée par Yves Grandjean, en charge de l’aménagement communal: si la H189 est moins enfoncée dans le sol qu’auparavant, c’est grâce à Bulle, qui a fait une concession au sujet d’une voie de chemin de fer industrielle projetée dans le secteur (6,5 mio d’économie pour la H189)!

Restons discrets
Et pourquoi avoir passé cela sous silence? Jean-Bernard Tissot: «On a peu parlé de ces éléments parce qu’ils n’ont pas d’incidences financières, contrairement aux mesures complémentaires de signalisation pour la sécurité.» Le fonctionnaire insiste sur le fait que le peuple fribourgeois a voté le crédit, et non pas les détails du projet. Il confirme que les éventuels chan-gements seront mis à l’enquête publique, en septembre prochain en principe.

Un problème côté Riaz

Dans un souci d’apaisement, le Conseil communal de Bulle est prêt à discuter des options de la tranchée de la Pâla, et à faire des concessions afin que le projet soit acceptable pour tous, dans le respect des normes de sécurité. Mais l’Exécutif ne cache pas non plus que les nouvelles solutions envisagées à la jonction de Riaz (suppression de la route de désenclavement du Terraillet) mettent à mal les objectifs poursuivis par les mesures d’accompagnement prévues. La H189 serait alors moins attractive pour les quartiers est de la ville. On créerait aussi une sorte de semi-autoroute pénétrant jusqu’au premier giratoire actuel (vers la Halle aux chaussures). Ici toutefois, l’urgence est moindre.


COMMENTAIRE

Misérable partie de ping-pong
Et c’est reparti pour un tour. La H189 est en passe de devenir un serpent de mer, objet des sarcasmes populaires et de l’exaspération des citoyens. Car, enfin, de qui se moque-t-on? Quel est le sens de la misérable partie de ping-pong à laquelle se livrent depuis quelques mois les servi-ces fribourgeois et fédéraux chargés du dossier? Un jour, c’est l’OFROU qui revient sur ses promesses et subordonne sa contribution financière à de nouvelles exigences de sécurité; un autre, c’est le Service des ponts et chaussées qui annonce publiquement son impatience face au report des travaux, informant incomplètement ses interlocuteurs des concessions faites à l’office fédéral.
Que la communication ne soit pas la règle dans des administrations chargées justement de l’améliorer, ce n’est que le syndrome du cordonnier mal chaussé qui resurgit. Mais que ces offices se moquent d’un vote populaire, acquis de haute lutte, n’est pas admissible. Car, en juin 2001, les citoyens n’ont pas seulement accepté une enveloppe budgétaire de 215 millions, ils ont approuvé un projet au contour déjà très abouti. Devant une semblable dépense, le peuple fait confiance aux propositions des politiques et des ingénieurs qui ont planché plusieurs années sur un dossier complexe. Si le citoyen peut admettre de mineures mo-difications, il ne peut accepter qu’on se moque plus longtemps de lui.

Patrice Borcard


Sébastien Julan
20 février 2003

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