Balades en noir et blanc Dans le Vully fribourgeois

Sur les sentiers du vin

Durant cet été, «La Gruyère» invite ses lecteurs à des balades dans les quatre districts fribourgeois qui n’appartiennent pas à sa zone de diffusion. En Singine, en Sarine, dans la Broye ou le Lac, ce sont des invitations à partir à la découverte de lieux méconnus, de promenades plus intimes. Premier épisode d’une série de huit: sur les pentes du Vully, le seul vignoble fribourgeois.

Depuis quelques années, le Vully a fait de son vin un moteur de son activité touristique

 

Le Vully est un pays façonné par la vigne. Les pentes du Mont-Vully semblent avoir été dessinées pour y accueillir des plants de vigne. Depuis des siècles, le travail viticole s’est créé un décor à sa dimension: des routes fendent le vignoble dans toute sa longueur, des maisons en pierre de taille sur les façades desquelles se lit la richesse du pays, des villages cossus tiraillés entre l’eau et la terre.
Le Vully, le Bordelais du canton? Depuis quelques années, le vignoble fribourgeois a non seulement fait grimper son vin sur l’échelle Oechslé de la qualité, mais il est devenu un efficace argument touristique. Pourquoi ne pas profiter d’une telle image? Et d’un tel paysage? Les vignerons eux-mêmes l’ont bien compris. Réunis en Association des vignerons du Vully, ils viennent de donner une structure et un visage à ce mariage du tourisme et du vin. En créant un bureau de promotion des vins du Vully à la tête duquel a été placée depuis le mois de mars une ingénieur agronome, Muriel Pinard. Un patronyme digne du meilleur marketing, d’autant plus que cette jeune femme s’occupe également de l’Office du tourisme du Vully.
Président de l’Association des vignerons du Vully, Bernard Derron est persuadé des effets bénéfiques du mariage du tourisme et du vin. Et c’est bien le Sentier viticole du Vully qui le symbolise le plus concrètement. «Ce sentier est né de l’initiative des vignerons, qui se sont appuyés sur des exemples repérés ailleurs.» Inauguré en l’an 2000, le sentier, dont le coût est proche des 180000 francs, a subi une cure de rajeunissement l’an passé déjà. «Le vin est un argument touristique pas assez exploité. Il doit être le moteur d’un tourisme doux.»

Argument touristique
Ce sentier viticole est formé de deux tronçons. Le premier court sur territoire fribourgeois entre Sugiez et Môtier, le deuxième traverse le vignoble vaudois, entre Vallamand et Cotterd. Le parcours fribourgeois serpente à flanc de coteau, empruntant les chemins des vignerons. Entre les forêts qui couronnent le Mont Vully et les eaux du lac de Morat sur lequel les bateaux tracent des lignes droites, la balade est pédagogique. A espace régulier, des panneaux d’information renseignent le visiteur sur le vignoble vulliérain, les cépages, la vinification… Ainsi le promeneur apprend-il que sur les 102 hectares du vignoble fribourgeois sont cultivés 21 cépages. Et que le chasselas occupe encore 60 hectares contre 24 pour le pinot noir. D’autres cépages sont en pleine progression: le pinot blanc, le sauvignon blanc, le diolinoir, le garamet, le garanoir, le pinot gris…

Inventive œnothèque
Même les enfants ont droit à des explications qui leur sont propres. Les termes du vin – foulage, pressurage, déburbage – perdent soudain de leur mystère, alors que la couleur du raisin est expliquée dans le détail. Mais le sentier s’ouvre aussi à d’autres mondes. Car la terre du Vully est ancienne, et les reliques de sa riche histoire sont exposées au regard des visiteurs. L’église de Môtier (lire ci-contre) mérite un détour, comme le Fort de la Lomberte ou le Plan Châtel, une fortification préhistorique située au-dessus du village. Les enfants peuvent faire une partie de cache-cache dans les grottes du Vully, une ancienne fortification militaire creusée dans la molasse durant la Première Guerre mondiale. Plus loin, surplombant le village de Nant, c’est la tour des Sarrasins – du XIIIe siècle – qui rappelle ce glorieux passé.
A force de sillonner ce sentier viticole arrive l’envie d’en déguster le fruit. Si les seize vignerons vinificateurs possèdent tous leur caveau, il est une adresse qui s’impose à l’issue du parcours. L’œnothèque du Vully, joliment baptisée Rouge&Blanc, est une invitation à la dégustation. Ouvert à l’automne 2002, l’établissement est porté par la passion d’Etienne et Monique Perrin, qui sont convaincus que tourisme, terroir et vins sont les ingrédients des meilleures recettes. A leur carte, non seulement des dégustations autour de la table de l’œnothèque, mais aussi dans les vignes alentour. D’avril à octobre, ils organisent même des dégustations sur le sentier viticole durant les nuits de pleine lune! A l’enseigne de la Table des vignerons, ils proposent un menu du terroir local arrosé d’autant de vins qu’il y a de plats…

Derron, de père en fils

Est-ce le vélo qu’il avoue pratiquer avec plaisir ou le vin qu’il cultive avec passion ? Bernard Derron approche la soixantaine, mais ne la fait pas…
Depuis trente ans, il est à la tête de la cave du Vieux Moulin, à Môtier. Sous l’enseigne de A. Derron et Fils SA, c’est en réalité deux frères qui se partagent les responsabilités de cette cave connue dans la région depuis 1876. Eric s’occupe de faire les vins et Bernard de les vendre. A la tête d’un domaine de 4,5 hectares, les frères Derron vinifient quelque 6,5 hectares supplémentaires. Et dans la maison règne le respect de la tradition. Une tradition que respire la belle maison de 1720, plantée en plein centre du village. Une demeure aux origines patriciennes, dont les pierres de taille qui encadrent portes et fenêtres sont couvertes de vigne sauvage.
Depuis cinq ans, Bernard Derron préside l’Association des vignerons du Vully. Il en salue «le bon esprit» et le souci de la qualité qui motive les troupes. «Il faut sans cesse répondre à la demande des clients, car les modes de consommation ont changé.» Sa fonction exige un sens aigu de la diplomatie et un entregent indispensable à la mission de promoteur qui est le sien. Alors que la descendance va progressivement reprendre la cave, Bernard Derron est confiant pour ce vignoble et ce pays qu’il aime: «Il faut se battre, mais le Vully a encore beaucoup de potentiel.»


Patrice Borcard
8 juillet 2006

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