FRIBOURG Chiens dangereux

Fribourg veut serrer la vis

Les pitbulls et autres chiens dangereux devraient bientôt être interdits dans le canton de Fribourg. Le Conseil d’Etat veut une loi qui durcit les conditions de détention d’un chien afin de protéger au mieux la population. Le Gouvernement a transmis un projet au Grand Conseil, qui pourrait en discuter dès la session de septembre.

Sociabiliser le chien dès son plus jeune âge, donner des cours à son maître. L’éducation est un des objectifs de la loi

 

«Cave canem. En Suisse, l’actualité de ces derniers mois donne raison à l’adage latin: il y a eu tout d’abord le drame d’Oberglatt en décembre 2005, où un bambin a été dévoré par des pitbulls. D’autres accidents sont encore survenus, moins graves, mais ils ont incité le Gouvernement fribourgeois à durcir son projet de loi, a expliqué hier lors d’une conférence de presse le conseiller d’Etat Pascal Corminboeuf.
Le canton de Fribourg, qui compte quelque 16000 chiens, a en fait décidé de combler le vide de la législation fédérale. Le Conseil d’Etat veut interdire et bannir les chiens «dangereux par nature». Dans sa ligne de mire, il y a les pitbulls et tout chien qui y est apparenté. Les bâtards issus de races «présumées dangereuses» devraient connaître le même sort.

Projet plus strict
La détention de chiens «susceptibles de présenter un danger» sera soumise à autorisation. Pour l’obtenir, le futur règlement d’application prévoira de fixer l’âge du propriétaire à au moins 20 ans. Celui-ci devra aussi se procurer un certificat de bonne réputation auprès de sa commune de résidence. Le propriétaire devra également prouver ses connaissances cynologiques, précise Alexis Overney, conseiller juridique extérieur pour le Département des institutions. Par ailleurs vice-syndic de Granges-Paccot, cet avocat souligne qu’actuellement les autorités communales ne peuvent absolument rien faire contre les récalcitrants, «souvent bien connus», faute de base juridique.
Une liste «évolutive» des chiens «présumés dangereux» sera dressée par le Conseil d’Etat. Il pourra ainsi à tout moment la modifier. Elle est en fait identique à celle proposée par le conseiller fédéral Joseph Deiss. Treize races y sont recensées, dont des terriers, des dogues, des mâtins, les dobermans et les rottweilers. Dans l’avant-projet fribourgeois mis en consultation l’automne dernier, il n’y avait pas cette liste. «Le projet de loi va plus loin que l’avant-projet», admet Pascal Corminboeuf. Cette nouvelle ligne plus stricte est voulue notamment par les autorités communales.
Autre innovation: les chiens qui ont eu un comportement dangereux devront être signalés. Selon la gravité des faits, le Service vétérinaire cantonal pourra interdire à une personne de détenir un chien. Dans les cas graves, l’animal pourra être euthanasié. Le projet de loi vise encore à identifier et enregistrer les chiens ainsi qu’à signaler les chiens perdus ou errants.

Priorité à la prévention
Le vétérinaire cantonal Fabien Loup a surtout insisté sur les mesures de prévention à prendre pour éviter des morsures: «Tout propriétaire doit faire en sorte que son animal soit sociabilisé, qu’il soit en contact régulier avec des humains et d’autres chiens.» Il s’agit par ailleurs d’apprendre aux enfants le comportement adéquat à adopter face à un chien agressif.
Devant la presse, le vétérinaire cantonal n’a pas caché son «désaccord» vis-à-vis de la décision du Gouvernement d’avoir une liste de races de chiens soumises à autorisation. Fabien Loup rejoint la prise de position que les vétérinaires suisses avaient transmise en janvier dernier à Joseph Deiss (lire ci-dessous).

 

Chiens de combat discriminés

Danielle Gonin Jmaa est membre du comité de la Société des vétérinaires fribourgeois. Comme ses confrères, elle estime que le projet de loi du Conseil d’Etat fait fausse route: plutôt qu’une liste de races de chiens réputés dangereux, il faut recenser les animaux agressifs.

– Le Conseil d’Etat veut imposer des mesures plus strictes à certaines races de chiens «présumés dangereux ». Le Gouvernement reprend la liste proposée par Berne en janvier 2006. Est-ce une bonne chose?
Nous, les vétérinaires, nous regrettons cela. Dans l’avant-projet d’octobre 2005, la définition des chiens dangereux concernait ceux qui avaient blessé une personne par morsure ou un chien qui avait fait l’objet d’un signalement en raison d’une suspicion d’agressivité. Cette définition est plus logique: la socialisation, l’éducation et la grandeur du chien font sa dangerosité potentielle et non pas sa race. En plus, le critère de la race et de ses croisements est inapplicable en pratique. Il est impossible de prouver, avec une analyse génétique par exemple, qu’un chien appartient à une race ou à une autre. Les vétérinaires sont les premiers à déterminer la race du chien. Désormais, chaque chiot doit porter une puce électronique pour être dans la banque de données. Pour remplir le formulaire ad hoc, nous allons nous baser sur les déclarations du propriétaire qui aura intérêt à déclarer que son animal est un croisé boxer et pas pitbull. Que pouvons-nous faire dans un tel cas? Car nous ne pouvons rien prouver!

– Quels sont les chiens dangereux?
Tout chien mal socialisé et mal éduqué qui pèse plus de 15 kilos peut être dangereux. Il est prouvé statistiquement que les morsures ne proviennent pas de chiens de races de combat. Les auteurs sont d’abord les bouviers (bernois, appenzellois et suisses), les bergers (allemands et belges) et les retrievers (labrador et golden). Ces chiens sont les plus fortement représentés dans les accidents. La sécurité de la population n’est donc pas améliorée, en discriminant les chiens de combat. Ces listes de races existent depuis plusieurs années en France et en Allemagne, mais les cas de morsures n’ont pas diminué pour autant.

– A vous entendre, cette loi ne sert à rien…
Non, cette loi est une bonne chose. Elle est un outil qui permet au Service vétérinaire cantonal de vraiment entreprendre quelque chose contre les chiens agressifs.

Monsieur Chien


Depuis le 1er juillet, le canton de Fribourg a son «Monsieur Chien». Après avoir été pendant vingt-quatre ans éducateur spécialisé auprès des toxicomanes du Tremplin, à Fribourg, Daniel Fontana va s’occuper des problèmes liés aux chiens dans le canton. Au bénéfice d’une large formation en cynologie, il a aussi suivi des cours en thérapie comportementale. Cet habitant de Treyvaux est «un des meilleurs comportementalistes du canton», a expliqué le conseiller d’Etat Pascal Corminboeuf.


Christophe Schaller
8 juillet 2006

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