GRUYÈRE
Il
y a 100 ans
Une
Idylle qui fit grand bruit
Ce fut une entreprise
audacieuse. En juin 1906, les sociétés brocoises présentaient
l«Idylle gruérienne», un Festspiel réunissant
250 figurants et un orchestre symphonique de Lausanne. Cent ans plus tard,
les descendants de Jules Corboz, âme de ce spectacle, vont se réunir.
Particulièrement
applaudie: la scène de la Choupâye, avec en soliste Cyprien
Ruffieux, dit Tobi-di-jèlyudzo (© Musée gruérien
- Fonds Morel)
|
Pour
cette Idylle, la fédération des sociétés de
Broc ny était pas allée avec le dos de la cuillère
(à crème). Sur la plaine des Marches, près du chalet
des Poyets, des estra-des avaient été dressées face
à un podium. Les participants arrivaient en cortège et quittaient
la scène de même, après le Ranz des vaches et le Cantique
suisse.
Le spectacle lui-même compre-nait une bonne quinzaine de tableaux.
Qui évoquaient les heures glorieuses du pays de Gruyère.
Comme larrivée de Gruérius, premier dynaste. Le comte
Rodolphe luttant avec les armaillis. Le départ des Croisés.
Et tout un peuple de semeurs, faucheurs, moissonneurs et glaneuses. Avec
en point dorgue, justifiant le nom bien dépoque de
cette Idylle, les amours de la charmante Sylvie. Point fort encore: la
Poya, avec le défilé du troupeau et du train de chalet.
Conflits
de presse
Dans La Gruyère du 13 juin 1906, le chroniqueur replantait le décor
du spectacle: voisinage des Marches comme un amphithéâtre
naturel et chalet des Poyets transformé en cantine confortable.
Sur le spectacle, il relevait quil nétait pas foncièrement
original. Lidée de base empruntait aux Coraules de la Gruyère,
pimentées de quelques scènes évoquant la Fête
des vignerons... «Assemblage pas en tous points très heureux»,
précise le critique, qui va tout de même dun coup dencensoir:
les scènes de la Choupâye et de la Poya, le Chant du semeur
et le Ranz des vaches ont été très applaudis. Quant
au public, estimé à 2000 spectateurs, il venait de la contrée...
«et même de Fribourg!» Petite tape paternaliste: «Les
sociétés de Broc méritaient cette marque de sympathie
du public comme récompense des louables efforts quelles ont
dû dépenser pour la réussite de cette fête.»
Et petite chiquenaude du journaliste, qui regrette de navoir pas
reçu assez tôt le programme de cette fête pour en informer
les lecteurs...
Bulle
près Broc...
De son côté, le chroniqueur du Fribourgeois explique quil
était sollicité à relater une autre manifestation
en Gruyère et quil na pas le don dubiquité...
Cependant, quelques jours plus tard, il tresse des couronnes aux organisateurs:
«Ce fut à Broc et à son génie particulier daller
droit au but... Mais ce dont on a partout besoin, cest de verdeur,
desprit dinitiative et de dévouement personnel, qualités
dont Broc a donné lexemple.» Le titre de larticle
était à double tranchant: «Gloria chocolat!»
Que sétait-il passé? Les organisateurs avaient-ils
décidé de faire cavalier seul en boudant la presse?
En fait, lidée dune fête mêlant histoire
et traditions, sorte de Fête des vignerons au pays du fromage, «couvait»
depuis plusieurs années. On est à cheval entre le XIXe et
le XXe siècles. Deux cités se proposent de relever le gant:
Bulle le chef-lieu et Gruyères, la cité comtale. Mais les
discussions séternisent. Et tandis que les concurrentes se
regardent en chiens de faïence, cest le village de Broc qui,
à leur grand dam, décroche la timbale. Le préfet
de la Gruyère Louis Ody avait lancé cette boutade: «Bulle
près Broc»!
Une
cousinade en automne
Parmi les ténors de ce spectacle, Jules Corboz, instituteur et
directeur de chant, sentendait comme larron avec Cyprien Ruffieux,
le patoisant. Ils étaient beaux-frères, la sur de
Jules Corboz, Marie-Lydie, ayant épousé Tobi-di-jèlyudzo.
Les organisateurs avaient vu grand. Il nétait tout de même
pas courant, entre au-tres forces rameutées, de faire venir à
Broc un orchestre symphonique de Lausanne, La Castillane!
Aujourdhui, lancien inspecteur scolaire Jean-Pierre Corboz,
petit- fils de Jules, joue à son tour les rassembleurs. Il relève
que la lignée de Jules Corboz comprend une kyrielle denseignants
il y a toujours eu un poste tenu par un Corboz à Broc. Ainsi
que de nombreux musiciens, le plus célèbre étant
Michel Corboz, le chef denvergure internationale. Pour ce siècle
de lIdylle, Jean- Pierre Corboz compte réunir une centaine
de personnes, cet automne. A lheure dinternet, cela se nomme
une cousinade.
|