En
septembre 1971, Jean Tinguely, Niki de Saint Phalle et Bernhard Luginbühl
créent une grande carte truffée de textes, dimages,
de dessins et de symboles. Elle est destinée à Jo Siffert
pour sa victoire sur le circuit de Zeltweg. Jo Siffert ne lira jamais
le message de ses amis artistes. La vitesse a eu raison de lui le 24
octobre 1971 à Brands Hatch.
A la mort du pilote, Jo Siffert et Jean Tinguely se connaissent depuis
plusieurs années. Ils ont été présentés
par le coureur automobile Joachim Bonnier. Jo Siffert a permis à
Jean Tinguely dacquérir lancienne auberge de lAigle
Noir de Neyruz en 1968, lorsque lartiste sinstalle dans
le canton, après avoir vécu à Bâle et à
Paris.
Siffert
en photos
Jean Tinguely devient un spectateur passionné des courses automobiles,
un amateur de vitesse qui aime aussi les voitures de sport: «Jaime
la Formule 1 parce quelle est la rencontre la plus concentrée
entre Homme et Machine, entre lhomme et la folie qui ne mène
nulle part.» On peut lire ces mots de lartiste sur le mur
de lexposition de lEspace Jean Tinguely - Niki de Saint
Phalle.
Le premier étage de lexposition est consacré à
Jo Siffert. Symboliquement placée entre la tenue de course du
pilote et la tenue de travail de Tinguely, deux «costumes»
de scène entrés eux aussi dans la légende visuelle
fribourgeoise, une série de photographies de Jean-Claude Fontana,
lui-même ami de Siffert, fait revivre quelques épisodes
de la carrière de Jo Siffert. On le voit au volant de sa voiture,
avec une couronne de laurier pour fêter une victoire
On
peut aussi découvrir quelques-uns des trophées acquis
sur les circuits, les modèles réduits de ses voitures
et la carte de félicitations déjà mentionnée
ici.
Mais la raison même de lexposition se situe au rez-de-chaussée.
On fête cette année le vingtième anniversaire de
la création de la fontaine des Grand-Places, hommage de Tinguely
à Siffert. «Après la mort de Jo Siffert, Jean Tinguely
veut tout de suite lui rendre hommage avec une statue dédiée
à la vitesse», explique Yvonne Lehnherr, la directrice
du Musée dart et dhistoire et de lEspace Jean
Tinguely - Niki de Saint Phalle. Lartiste veut implanter son uvre
au centre-ville. Les premiers lieux quon lui propose ne lintéressent
pas. «Il obtient finalement le feu vert du Conseil communal en
1982», poursuit la directrice.
Après avoir envisagé dinstaller sa fontaine devant
les bâtiments de lUniversité, à la place de
lactuelle sculpture qui domine le parc des Bourgeois, Jean Tinguely
opte pour les Grand-Places et pour lemplacement où la fontaine
est encore installée aujourdhui. Devant lUniversité,
elle aurait été trop exposée aux vents et les jeux
subtils de leau en auraient été affectés.
uvre
de continuité
Cest que, dans les fontaines de Tinguely, leau joue un rôle
aussi important pour la forme que la structure métallique qui
fait le corps de luvre, explique Caroline Schuster Cordone,
collaboratrice du Musée dart et dhistoire. Celle
des Grand-Places ne fait pas exception. Les volutes deau provoquées
par le mouvement de la machine sont essentielles, elles font luvre
autant que sa structure.
La création de la fontaine pour Jo Siffert sinscrit dans
une continuité pour Jean Tinguely. Il avait réalisé
quelques années plus tôt la merveilleuse fontaine du Carnaval
à Bâle, installée, elle aussi, au cur de la
cité rhénane. Une année avant linauguration
de la fontaine Siffert, Tinguely inaugurait encore en collaboration
avec Niki de Saint Phalle, à Paris cette fois, la fontaine Igor
Stravinski.
Avant la mise en service de la fontaine fribourgeoise devant un public
nombreux, le 30 juin 1984, de nombreux dessins préparatoires
ont été réalisés par Jean Tinguely. Ce sont
eux qui sont au cur du rez-de-chaussée de lexposition.
Mouvement
spécifique
On peut voir des dessins davant luvre, certains très
précis, dautres qui ne sont que des idées jetées
sur la page, des dessins réalisés pendant la construction
et des dessins postérieurs à la construction de la fontaine.
Quelle que soit lépoque des dessins, on perçoit
dans chacun dentre eux ce mouvement qui fait la spécificité
de la fontaine.
Il faut retourner sur les Grand-Places et passer un peu de temps avec
elle pour se souvenir de limportance du mouvement dans lart
de Tinguely. Il joue sans cesse avec lui et le spectateur, devant la
fontaine du Carnaval de Bâle ou devant celle de Fribourg, se laisse
assez longuement fasciné. Le mouvement, évidemment, rattache
Jean Tinguely à Jo Siffert. Mouvement, vitesse, machine, une
trilogie partagée.
Fribourg, Espace
Jean Tinguely - Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely & Jo Siffert:
témoignages dune amitié, jusquau 10 octobre.
Ouvert du mercredi au dimanche entre 11 h et 18 h, le jeudi jusquà
20 h
Un
nouveau regard sur Siffert
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Un long
métrage documentaire consacré à Jo Siffert,
à voir cet automne sur les écrans, est en cours
de montage. «Nous voulions apprendre une histoire que
nous ne connaissons pas. Nous sommes nés trop tard pour
avoir été marqués par la carrière
de Jo Siffert.» Christian Davi, producteur du film Remember
Jo Siffert, qui sortira en octobre si tout va bien, explique
les raisons pour lesquelles la jeune société Hugofilm,
à Zurich, a décidé daccepter la proposition
du réalisateur Men Lareida et de se lancer dans la production
dun film consacré au grand pilote. «Lintérêt
du film est double: cest dun côté le
récit dune vie extraordinaire et de lautre
le portrait dune époque.»
Lamitié entre Jo Siffert et Jean Tinguely na
bien sûr pas échappé aux réalisateurs,
et plus largement la proximité des artistes avec le pilote
de course. Mais lapproche est plus vaste. Le film couvrira
toute la vie de Siffert. Léquipe de tournage a
rencontré la famille du pilote, ceux qui ont vécu
près de lui sur les courses automobiles, des coureurs,
«une multitude de gens qui lont connu à des
époques différentes de sa vie».
Cest le producteur Christian Davi qui a mené les
entretiens en français. Il a découvert de nombreux
témoins qui, dit-il, «ont encore une vraie fascination
pour Jo Siffert». «Cest étonnant, il
est vraiment resté dans les mémoires. Ce que lon
a découvert de plus marquant, cest limportance
qua conservée Jo Siffert pour tous les interlocuteurs
que nous avons rencontrés.»
Près de la fontaine des Grand-Places, en Basse-Ville,
chez des particuliers, léquipe de tournage a fait
le tour de Fribourg. Elle a découvert avec stupéfaction
que ceux qui ont connu Siffert ont conservé une large
iconographie de leur idole: «Il y a des trésors
de souvenirs chez certains des personnages que nous avons rencontrés.»
Le contact avec les témoins a été excellent,
poursuit Christian Davi: «Tout le monde a été
très ouvert. Le seul problème que nous avons rencontré,
cest que certains ne se jugeaient pas assez importants
pour parler de Siffert. Ils nous disaient que dautres
étaient plus proches de lui. Mais quand nous leur avons
dit que ces autres étaient aussi dans le film, ils ont
accepté.»
Hugofilm, qui produit le documentaire, est une jeune société
zurichoise active depuis une année dans la production:
elle nest pas complètement inconnue à Fribourg
puisque lun de ses films, Ma famille africaine, qui a
reçu une mention spéciale du jury au Festival
de films de Fribourg cette année. Remember Jo Siffert
bénéficie de laide de la commune et du canton
de Fribourg, de la TSR et de la DRS, du canton de Zurich enfin.
Remember
Jo Siffert, documentaire de Men Lareida, 90 min., sortie cet
automne
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Une
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