Armée et police fribourgeoise
Entre les mains de femmes

Claudine Mauron deviendra commandante d’arrondissement le 1er janvier, Illiana
Henninger est à la tête de la brigade financière de la police cantonale depuis septembre 2002. Rencontre avec deux femmes qui ont fait leur place dans des univers d’hommes.


Illiana Henninger et Claudine Mauron: deux femmes qui ont su faire leur place dans des univers d’hommese (C. Haymoz)

Elle le sait: c’est une première suisse. Début janvier, Claudine Mauron, habitante de Villars-sur-Glâne, deviendra commandante de l’arrondissement militaire du canton de Fribourg. Mais toute son attitude indique qu’elle n’en fait pas une montagne. Elle constate simplement qu’elle ne s’attendait pas à ce que la presse parle d’elle: «J’ai été étonnée de toute cette affaire médiatique. Je n’ai pas l’habitude. Mais c’est un passage obligé et dans une année plus personne n’en parlera.» A voir!

Une suite logique
Illiana Henninger, une Broyarde vivant dans la région de Payerne, dirige pour sa part la brigade financière de la Police cantonale depuis quelque quatre mois. A l’image de Claudine Mauron, elle n’en fait pas un plat: «J’étais au bon endroit au bon moment. Je travaillais à la brigade financière depuis sept ans et j’étais sous-chef depuis deux ans. C’était donc une suite assez logique.»
Leur point commun? Aucune des deux n’avait de plan de carrière. Claudine Mauron le confirme: «Je n’ai jamais pensé à ce poste jusqu’à ce que mon prédécesseur donne sa démission. Mon chef de service me l’a alors proposé. Ce n’était pas un monstrueux défi. Je suis dans le coup depuis si longtemps!» Elle reconnaît pourtant qu’elle a mis en garde son supérieur: «Je lui ai dit: “Attention, tu fais une première suisse avec une femme, peut-être que ça va poser des problèmes au niveau de la direction.”» Or, cela n’en fera aucun.

Ouvrir la voie
Toutefois, leurs postes avaient toujours été occupés par des hommes. Elles inaugurent donc une nouvelle ère. Mais là encore, elles ne veulent pas qu’on en exagère la portée. Elles concèdent pourtant, dans un même élan, qu’elles sont conscientes de la nouveauté du fait et de son importance, même si elles la décrivent par la négative: «Mon but est de ne pas décevoir pour que d’autres femmes puissent suivre, c’est certain. J’espère qu’il y en aura plein d’autres», remarque Illiana Henninger. Les mots de Claudine Mauron ne sont pas très différents: «S’il y a eu une première et si on ne déçoit pas trop, ce sera peut-être une porte ouverte pour d’autres.»
Oseront-elles donc apporter une touche féminine à leur fonction? «Je suis dans le coup depuis tellement longtemps que je ne vois plus la différence entre hommes et femmes dans le travail», remarque Claudine Mauron dans un sourire. Elle travaille aux affaires militaires depuis 1977 et dirige une compagnie de soldats d’hôpital – d’hommes évidemment – depuis sept ans: «Je n’ai jamais eu de problèmes pour commander. D’ailleurs, l’écoute est peut-être meilleure avec une femme, car il y a une attitude différente.»
Illiana Henninger pense aussi qu’il existe «une différence de sensibilité» qui se manifeste par une différence dans la manière de commander. Et, poursuit-elle, «je pense que nous sommes femmes et que nous devons garder nos caractéristiques.»

Des défis
Illiana Henninger gère les enquêtes de la brigade financière de la Police cantonale fribourgeoise. Et elle continue parallèlement à mener ses propres enquêtes. Elle est très attentive à créer une ambiance propice au travail: «Il y a déjà une bonne ambiance, mais j’aimerais vraiment avoir une équipe très soudée.» Pour pouvoir faire face au travail malgré le manque de moyens: «Nous souffrons d’un manque chronique d’effectif partout dans la Police cantonale. Les gens doivent donc s’investir très fortement dans leurs tâches.»
Dans le domaine de la criminalité en col blanc qui la concerne directement, elle remarque une augmentation des délits. Et si elle veut œuvrer à l’efficacité de sa brigade, c’est parce que, «derrière une banqueroute frauduleuse, il y a beaucoup de gens qui ont été escroqués: des créanciers, des chefs d’entreprise, l’Etat... Ce sont toutes ces conséquences, qui ne peuvent pas être chiffrées, qui me paraissent importantes. Nous payons tous pour ces crimes économiques.» Et Fribourg est une ville favorable à un type de criminalité économique: «Les sociétés boîte aux lettres sont bien présentes grâce à un système fiscal qui les favorise.»

Que du neuf
Claudine Mauron, elle, entrera en fonction dans une armée en transformation. Elle s’en réjouit: «Je suis contente de partir dans quelque chose de complètement neuf. Tout sera nouveau pour moi. Mon prédécesseur part avec l’armée 95. Je commence mes fonctions avec armée XXI. C’est une autre armée.»
Une armée toujours utile? «Il faut peut-être mettre les choses à plat: si nous n’avions pas notre armée, nous aurions celle des autres chez nous. Je pense que c’est assez clair. Les missions de l’armée restent les mêmes. S’il y a un conflit, nous défendrons le territoire. Mais d’autres aspects sont devenus importants désormais, comme l’aide à l’étranger ou l’intervention en cas de catastrophes naturelles.»
Le recrutement est désormais l’affaire de la Confédération. Mais Claudine Mauron s’occupera spécifiquement des «nouvelles journées d’informations pour les jeunes de dix-huit ans, un joli challenge, parce que c’est complètement nouveau. Le 7 janvier nous sauterons à l’eau. Nous planifierons avec les jeunes le moment où ils désirent faire leur école de recrues. Ils seront ensuite convoqués pour le recrutement en temps voulu.»

Charly Veuthey / 31 décembre 2002