Elle
le sait: cest une première suisse. Début janvier,
Claudine Mauron, habitante de Villars-sur-Glâne, deviendra commandante
de larrondissement militaire du canton de Fribourg. Mais toute
son attitude indique quelle nen fait pas une montagne. Elle
constate simplement quelle ne sattendait pas à ce
que la presse parle delle: «Jai été
étonnée de toute cette affaire médiatique. Je nai
pas lhabitude. Mais cest un passage obligé et dans
une année plus personne nen parlera.» A voir!
Une
suite logique
Illiana Henninger, une Broyarde vivant dans la région de Payerne,
dirige pour sa part la brigade financière de la Police cantonale
depuis quelque quatre mois. A limage de Claudine Mauron, elle
nen fait pas un plat: «Jétais au bon endroit
au bon moment. Je travaillais à la brigade financière
depuis sept ans et jétais sous-chef depuis deux ans. Cétait
donc une suite assez logique.»
Leur point commun? Aucune des deux navait de plan de carrière.
Claudine Mauron le confirme: «Je nai jamais pensé
à ce poste jusquà ce que mon prédécesseur
donne sa démission. Mon chef de service me la alors proposé.
Ce nétait pas un monstrueux défi. Je suis dans le
coup depuis si longtemps!» Elle reconnaît pourtant quelle
a mis en garde son supérieur: «Je lui ai dit: Attention,
tu fais une première suisse avec une femme, peut-être que
ça va poser des problèmes au niveau de la direction.»
Or, cela nen fera aucun.
Ouvrir
la voie
Toutefois, leurs postes avaient toujours été occupés
par des hommes. Elles inaugurent donc une nouvelle ère. Mais
là encore, elles ne veulent pas quon en exagère
la portée. Elles concèdent pourtant, dans un même
élan, quelles sont conscientes de la nouveauté du
fait et de son importance, même si elles la décrivent par
la négative: «Mon but est de ne pas décevoir pour
que dautres femmes puissent suivre, cest certain. Jespère
quil y en aura plein dautres», remarque Illiana Henninger.
Les mots de Claudine Mauron ne sont pas très différents:
«Sil y a eu une première et si on ne déçoit
pas trop, ce sera peut-être une porte ouverte pour dautres.»
Oseront-elles donc apporter une touche féminine à leur
fonction? «Je suis dans le coup depuis tellement longtemps que
je ne vois plus la différence entre hommes et femmes dans le
travail», remarque Claudine Mauron dans un sourire. Elle travaille
aux affaires militaires depuis 1977 et dirige une compagnie de soldats
dhôpital dhommes évidemment depuis
sept ans: «Je nai jamais eu de problèmes pour commander.
Dailleurs, lécoute est peut-être meilleure
avec une femme, car il y a une attitude différente.»
Illiana Henninger pense aussi quil existe «une différence
de sensibilité» qui se manifeste par une différence
dans la manière de commander. Et, poursuit-elle, «je pense
que nous sommes femmes et que nous devons garder nos caractéristiques.»
Des
défis
Illiana Henninger gère les enquêtes de la brigade financière
de la Police cantonale fribourgeoise. Et elle continue parallèlement
à mener ses propres enquêtes. Elle est très attentive
à créer une ambiance propice au travail: «Il y a
déjà une bonne ambiance, mais jaimerais vraiment
avoir une équipe très soudée.» Pour pouvoir
faire face au travail malgré le manque de moyens: «Nous
souffrons dun manque chronique deffectif partout dans la
Police cantonale. Les gens doivent donc sinvestir très
fortement dans leurs tâches.»
Dans le domaine de la criminalité en col blanc qui la concerne
directement, elle remarque une augmentation des délits. Et si
elle veut uvrer à lefficacité de sa brigade,
cest parce que, «derrière une banqueroute frauduleuse,
il y a beaucoup de gens qui ont été escroqués:
des créanciers, des chefs dentreprise, lEtat... Ce
sont toutes ces conséquences, qui ne peuvent pas être chiffrées,
qui me paraissent importantes. Nous payons tous pour ces crimes économiques.»
Et Fribourg est une ville favorable à un type de criminalité
économique: «Les sociétés boîte aux
lettres sont bien présentes grâce à un système
fiscal qui les favorise.»
Que
du neuf
Claudine Mauron, elle, entrera en fonction dans une armée en
transformation. Elle sen réjouit: «Je suis contente
de partir dans quelque chose de complètement neuf. Tout sera
nouveau pour moi. Mon prédécesseur part avec larmée
95. Je commence mes fonctions avec armée XXI. Cest une
autre armée.»
Une armée toujours utile? «Il faut peut-être mettre
les choses à plat: si nous navions pas notre armée,
nous aurions celle des autres chez nous. Je pense que cest assez
clair. Les missions de larmée restent les mêmes.
Sil y a un conflit, nous défendrons le territoire. Mais
dautres aspects sont devenus importants désormais, comme
laide à létranger ou lintervention en
cas de catastrophes naturelles.»
Le recrutement est désormais laffaire de la Confédération.
Mais Claudine Mauron soccupera spécifiquement des «nouvelles
journées dinformations pour les jeunes de dix-huit ans,
un joli challenge, parce que cest complètement nouveau.
Le 7 janvier nous sauterons à leau. Nous planifierons avec
les jeunes le moment où ils désirent faire leur école
de recrues. Ils seront ensuite convoqués pour le recrutement
en temps voulu.»
Charly
Veuthey /
31 décembre 2002