ÉDITORIAL
Bonne année
2003
Le
matin, notre revanche
sur le temps
Cest
un rituel obligé, un passage forcé. A chaque «bout
de lan» correspond une effervescence nostalgique, une volonté
détablir linventaire des douze mois écoulés.
Mais comment, avant que lannée ne sestompe, mettre
de lordre pour éviter quelle ne soit, dun coup,
avalée par lavenir?
Chantier impossible que ce tri dans le fatras du monde! Car le flux de
lactualité ne répond à aucune logique. Pendant
douze mois, il a charrié ses graviers et ses pépites, déposé
ses alluvions au hasard des courants. A lheure des comptes, quelques
visages surgissent, quelques noms se détachent, quelques dates
se proposent. La Gruyère a tenté de faire un premier tri
dans le sable de 2002. Chaque mois est raconté à travers
le tamis dune personnalité, dun événement
et dun objet.
Le passage dune année à lautre rend plus palpable
le rythme du temps. Laspiration à l«an neuf»
écarte brusquement les souvenirs de lan vieux. Vieux de ses
espoirs déçus, vieux de ses joies habitées. Mais,
maintenant que cette année sapprête à passer
à la trappe, quel regard lucide lui lancer? Elle ne fut ni meilleure
ni pire quune autre, avec sa part dhorreurs et ses pans de
lumières, ses petitesses et ses grandeurs. En fait, nous avons
glissé sur elle, ni plus ni moins que sur la précédente,
et il est sûr que la suivante recèlera la même proportion
de bonheurs et de tristesses. Tout simplement, parce que, dannée
en année, cest la même humanité qui transite
sur le chemin quon appellera, une fois la meute passée, des
souvenirs.
Lautre soir, dans une maison du village, une vieille femme fermait
les volets de sa fenêtre. Jetant un regard circulaire sur la journée
qui séteignait. Un coup dil en forme de fleur
déposée sur le pas de la journée. Pas de bilan ni
dinventaire, juste un soupir, un frôlement dâme,
une nostalgie indéfiniment répétée. Un jour
de moins, un soir de plus. Dans les yeux de cette femme, il y avait toute
la marche du temps, la régularité de sa coulée, le
prévisible de sa répétition, la vanité du
décompte.
Mais qui ferme les volets, le soir, sait que le lendemain, il pourra les
rouvrir sur laube riche de projets. Notre revanche sur le temps,
cest le matin.
A vous toutes et tous, chères lectrices et chers lecteurs de La
Gruyère, la rédaction vous souhaite une belle année
2003. Comme un matin, 365 fois répété.
Patrice
Borcard / 31 décembre 2002
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