Sommentier
Le grand «boom» du sapin

Agriculteur, Alexandre Castella s’est reconverti voici des années dans le commerce en gros de sapins de Noël. Chaque année à la même époque, de pleins semi-remorques du Danemark ou d’Irlande déchargent leurs cargaisons à Sommentier, d’où repartent des sapins prêts à être vendus dans les grandes surfaces. Ambiance, en plein «coup de feu».


Les sapins arrivent «emmaillotés» dans des filets. Il faut faire vite et bien: les grands magasins sont des clients exigeants (M. Angel)

Il est 19 h. La nuit est profonde, l’humidité forte, l’odeur de résine entêtante. Et le téléphone n’arrête pas de sonner. Alexandre Castella n’est pas prêt de retirer les grandes bottes avec lesquelles, toute la journée, il a pataugé dans la boue. Comme tous les matins en cette saison, il est debout depuis quatre heures… Au mieux, 22 ou 23 h auront sonné au clocher quand Alexandre Castella pourra tourner la clé de son bureau, à l’entrée de la sapinière qu’il exploite.
Agriculteur à Sommentier, Alexandre Castella a opéré un virage à 180 degrés il y a une dizaine d’années, en se reconvertissant dans le commerce en gros de sapins de Noël. Les sapins, en ce moment, c’est de la folie. «Le 23 décembre, c’est fini! Il y a beaucoup de travail sur une très courte période», explique ce patron de 41 ans qui ne regrette pas son choix, le prix de l’indépendance.

Des arbres du froid
Alexandre Castella s’est lancé dans le sapin de Noël «un peu par hasard», un client lui en ayant acheté quelques-uns, dans les années huitante. «Je me suis dit: “Ah! Il y a là un secteur à développer!” C’est comme ça que tout a démarré». Les propres plantations de sapins d’Alexandre Castella ne suffisent pas au commerce qu’il fait prospérer à la force du poignet. Ses sapins, des arbres de sept à quinze ans d’âge, proviennent de plantations du Danemark et d’Irlande, ainsi que d’Allemagne ou de Belgique. Du Danemark, Alexandre Castella reçoit ces jours des semi-remorques bourrées de sapins emmaillotés dans des filets, des «Nordmann» aux aiguilles résistantes qui aiment bien le climat rude des pays nordiques. A peine déchargés, les sapins sont façonnés. Il faut arrondir les pieds, en clouer sur des socles, tous les étiqueter, puis les livrer illico presto, par palettes si possible, pour simplifier le déchargement dans les grandes surfaces. Une quinzaine d’ouvriers temporaires font ce travail, supervisé de A à Z par Alexandre Castella.
La sapinière de Sommentier ne travaille qu’avec les grands centres commerciaux et les garden-centers. «Le sa-pin est une marchandise fraîche qui doit arriver dans les délais, au jour et à l’heure fixés, pour qu’il y ait sur place le personnel nécessaire au déchargement. La précision, l’exactitude sont pour moi la meilleure réclame auprès des grandes chaînes de magasins.»

En voyage
Pour Alexandre Castella, la saison commence en automne, avec les branches de couverture pour les cimetières. Dès novembre, arrivent les sapins en pot, puis les sapins coupés. En janvier, Alexandre Castella et son épouse Raymonde se concentrent sur le travail de bureau. Il y a aussi un parc de machines à entretenir, camions, élévateurs… Dans l’année, Alexandre se rend régulièrement dans les pays d’exportation des sapins pour passer ses commandes. «Ça me fait voyager. Et puis de cette façon, je m’assure de la qualité de la marchan-dise».
«On ne pourrait pas vivre toute l’année un stress aussi intense qu’en décembre», ajoute Raymonde Castella, mère de trois jeunes enfants et responsable d’une boutique de robes de mariée à Sommentier. «On se rattrape l’été. Et en février, on s’offre deux semaines de ski en famille!»

A chacun son sapin
Alexandre adore cette vie de contacts et de voyages dans un marché certes petit, mais concurrentiel: «Si j’arrêtais, je suis sûr que quelqu’un s’enfilerait dans ce créneau». Il affiche un calme souverain en répondant à deux téléphones en même temps. Le stress passe sur lui comme l’eau sur les plumes d’un canard.
«Après le temps des sapins, vient celui des robes de mariée», sourit-il. Raymonde est contente: elle va réaliser son rêve de Noël. Une «forêt» dans la maison, bien assez grande pour que chaque membre de la famille ait son sapin décoré»!

Marie-Paule Angel/ 5 décembre 2002