Course à la Préfecture

Bisbilles autour d’un tract

Un tract distribué à tous les ménages de La Tour-de-Trême a fait monter, ce week-end, la pression autour de la campagne à la préfecture de la Gruyère. Alors que le préfet Placide Meyer s’insurge contre le contenu de ce papillon, les états-majors des deux candidats s’envoient des piques.


Au-delà des affiches, ce sont les tracts qui mettent en ébullition les états-majors des deux candidats à la préfecture (C. Haymoz)

Tempête dans un verre d’eau? La campagne à la préfecture de la Gruyère a subitement pris de la température ce week-end. La cause? Un tract distribué vendredi et hier lundi à tous les ménages tourains par le «Comité de soutien Maurice Ropraz», notamment signé par le président des radicaux tourains, le conseiller général Jean-Charles Vuichard. Pour la défense de Maurice Ropraz, les radicaux suggèrent aux citoyens tourains de conserver leur syndic Yves Menoud, qui défendra mieux leurs intérêts en demeurant dans sa fonction qu’en étant élu préfet. De bonne guerre!
Mais ce qui a mis le feu aux poudres, c’est un argument concernant les frais des avis juridiques réclamés par les préfets qui ne disposent pas d’une formation juridique: «La fonction préfectorale exige régulièrement des décisions concernant le droit. Les préfets non juristes consultent souvent les services de l’Etat pour leur demander des avis de droit. Le coût de ces informations est de près de 100000 francs à charge du contribuable.»
A la lecture de ce tract, et des bruits qui l’accompagnaient, accusant la préfecture gruérienne d’utiliser annuellement une petite moitié de cette somme, le sang du préfet Placide Meyer n’a fait qu’un tour. «Ces chiffres sont faux: ce sont des mensonges. C’est franchement dégueulasse!» Fâché, le magistrat envisageait même, dimanche soir de déposer une plainte pénale pour diffamation (La Liberté du 26 novembre).
D’autant plus que le tract comportait une inexactitude dans la mesure où ces frais ne concernent pas «les services de l’Etat», mais bien des études d’avocat de la place. Placide Meyer dément les «accusations» radicales en présentant les chiffres de la rubrique «Traitement du personnel auxiliaire», inscrite aux comptes de l’Etat. Les sommes utilisées pour payer des juristes extérieurs à l’administration cantonale sont de 11000 francs en 1998, 36600 francs en 1999, 61000 francs en 2000 et de 53600 francs jusqu’à la fin du mois d’octobre 2001. Mais, ajoute le préfet Meyer, ces sommes incluent l’engagement de juristes pour toutes les préfectures fribourgeoises – trois ont eu recours à ces aides – , ainsi que pour les services traitant du droit foncier rural et des rapports Eglise-Etat. «C’est mensonger d’avancer de pareils chiffres pour la préfecture de la Gruyère. En vingt ans, je n’ai dépensé que 14459 francs pour ces appuis juridiques, soit 700 francs par an! Je trouve ce dérapage regrettable et je ne vais pas le laisser passer.»
Comme la meilleure défense demeure l’attaque, Placide Meyer considère que l’argumentation radicale ne tient pas la route. «Des collaborateurs dotés d’une formation juridique sont dans des classes supérieures qui coûtent à l’Etat quelque 10000 francs de plus par an. Ces salaires supplémentaires n’apparaissent pas dans les budgets. Il est donc légitime que les préfectures, qui n’occupent pas de ce personnel qualifié, disposent d’une compensation.»
Lundi après-midi, Placide Meyer, qui exigeait des radicaux un rectificatif, a rencontré Jean-Charles Vuichard et Jean-Jacques Glasson. Ils se sont mis d’accord sur le principe qu’«il est faux de prétendre que le fait de ne pas disposer d’un juriste à la préfecture représente une charge supplémentaire pour la collectivité». Le préfet Meyer, qui ne désire pas «être un perturbateur», ne donnera donc pas de suite pénale à cet incident.

P. Meyer partisan?
Les radicaux, justement, s’étonnent de la réaction «disproportionnée» du préfet en place, pour reprendre le mot de Maurice Ropraz: «Je trouve étrange que le préfet de tous les Gruériens monte pareillement au créneau au sujet d’informations purement politiques, diffusées par une section locale.» Même avis du côté du président de son comité de soutien, le député Jean-Jacques Glasson: «Ce n’était ni une attaque contre Yves Menoud ni contre Placide Meyer, qui d’ailleurs est très présent dans cette campagne. Pour notre part, nous poursuivons dans la ligne décidée dès le départ: souligner les qualités de notre propre candidat et ne pas tomber dans les attaques personnelles.»
A la remarque sur sa participation active dans cette campagne électorale, Placide Meyer répond qu’il n’a jamais caché son étiquette politique et qu’il n’est pas indifférent de savoir qui va lui succéder. Il estime avoir eu la retenue nécessaire et qu’il a «toujours été le préfet de tous les Gruériens». A ceux qui lui reprochent son caractère partisan, il indique la composition du tribunal actuel, où ne siège aucun membre démocrate-chrétien. «Je travaille pour le bien de la Gruyère des prochaines années. Je suis un citoyen libre qui vit dans un Etat démocratique.»
Quant au candidat PDC, il regrette pour sa part ce «dérapage», interprété comme un «effet de campagne». Yves Menoud affirme avoir toujours défendu l’idée d’une campagne d’idées et n’envisage pas que celle-ci, dans la dernière ligne droite, tourne à l’aigre. «C’est l’adversaire qui a fait le premier pas avec ce tous-ménages orienté contre moi.» Réponse du berger à la bergère, le «Billet d’humeur», qui paraît dans cette édition. Signé par le comité de soutien à Yves Menoud, il a été conçu, selon le candidat démocrate-chrétien, «pour empêcher que la campagne ne dérape. Les radicaux doivent faire attention, car nous avons aussi des cartouches!»

Patrice Borcard / 27 novembre 2001