COMMENTAIRE

Un hôtel aux Paccots
Trois étoiles à la charrue!

Qui, il y a un an, aurait parié un kopeck sur l’Ermitage, vaste hôtel en train de décrépir au milieu des Paccots? Cet héritage de la masse en faillite du promoteur genevois Jean-Pierre Magnin a connu son heure de gloire entre 1967 et 1980, quand la station vivait encore sur les acquis de son essor datant de 1938. C’était le temps où, de Genève, de Lausanne et de la Riviera, les touristes affluaient, lattes aux pieds. Un phénomène si original que les gazettes d’alors avaient inventé les mots «paccoteries» ou «paccotages» pour qualifier cette frénétique transhumance des gens de la plaine…
De faillites en rêve fumeux (à la fin des années 1980, on rêva même d’en faire une sorte de centre de thalassothérapie), l’Ermitage a fini par mourir dans l’indifférence générale. Des hivers successivement verts donnèrent le coup de grâce, tandis que les touristes, attirés par des horizons plus éternellement blancs et des stations plus combatives sur le front de la promotion, prirent de nouvelles directions.
Depuis peu, les Paccots se réveillent. L’Office du tourisme s’est professionnalisé. On a pris conscience d’un potentiel à exploiter différemment. En jouant, par exemple, la carte du tourisme vert, très en vogue. Si la parahôtellerie se porte à merveille, l’hôtellerie y bat de l’aile, faute d’hôtels dignes de ce nom, faute d’une redynamisation de l’existant. Car on a beau multiplier les animations et bêler «tourisme» à tout vent: sans hôtel étoilé dûment équipé, on n’attirera jamais qu’un tourisme d’un jour et des colonies de vacances. Et on risquera d’avoir une station à volets clos…
C’est ici que la volonté de résurrection de l’Ermitage prend toute sa valeur. Le préfet de la Veveyse, Michel Chevalley, a réussi à fédérer autour de lui – et de la caution morale qu’il représente, car son statut de magistrat de l’Etat lui interdit une autre fonction – des entrepreneurs croyant dur comme fer à leur région. La rentabilité? «Qui va piano, va sano»! On mise, pour commencer, sur un taux d’occupation de 30%.
Il a fallu de l’audace à ces gens-là pour se lancer dans cette aventure à trois millions! Surtout qu’ils ont dû appliquer l’adage «Aide-toi, le Ciel t’aidera», à cause de la frilosité des grandes banques de la place, Banque cantonale itou, pourtant fortes, dans leurs publicités, pour les slogans qui vantent leur proximité avec l’économie régionale… Une solution a été trouvée avec une banque régionale. Pour obtenir des crédits auprès des autres, il aurait fallu 50 à 60% de fonds propres. La voie de l’actionnariat est donc grande ouverte.
A la région de manifester sa solidarité, de montrer qu’elle a la volonté, elle aussi, d’accrocher sa charrue à trois étoiles.

Marie-Paule Angel / 24 novembre 2001

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