FRIBOURG Personnel de la Police cantonale

Gestion en pleine mutation

Après l’affaire des deux inspectrices de la Brigade des mineurs qui ont dénoncé une ambiance de travail délétère, d’aucuns s’interrogent. Les structures de la Police cantonale seraient-elles devenues obsolètes pour un corps de 550 membres? L’avis d’André Pautre, chef des ressources humaines de la police fribourgeoise.


Chef des ressources humaines de la Police cantonale depuis 2002, André Pautre en appelle au retour de la sérénité

 

André Pautre, responsable des ressources humaines (RH) de la Police cantonale, souhaite que le fin mot consécutif aux accusations de deux inspectrices de la Sûreté (lire encadré) soit connu assez rapidement. «Il faut absolument réinstaurer un climat de sérénité parmi nos employés, explique l’élégant quinquagénaire. Ce type d’événement est d’ordre avant tout émotionnel et il est ressenti assez fortement à l’interne. En l’occurrence, mon rôle est de prendre la chose avec une certaine distance, seule capable de permettre une analyse sereine de la situation.»
Et le Staviacois d’origine d’ajouter: «Il ne faut pas oublier que l’immense majorité de nos collaborateurs sont très contents de leurs conditions de travail. Depuis quelques années, le recrutement, la formation et l’évaluation des policiers ont été modernisés. Et nous ne sommes pas encore arrivés au bout des réformes prévues…»

– Comment une telle crise a-t-elle pu se développer?
Je déplore personnellement que les deux inspectrices aient contacté une personne externe (n.d.l.r.: le député Louis Duc) plutôt que de s’adresser d’abord à un médiateur interne.

– A qui pensez-vous en particulier?
Nous avons un collaborateur qui a été spécialement formé à la relation d’aide et au suivi-conseil du personnel en difficulté. Il connaît extrêmement bien les conditions de travail à la police puisqu’il est lui-même un ancien agent. Mais il n’est pas le seul interlocuteur potentiel d’un policier en difficulté. La porte de mon bureau ou celle du commandant de la police Pierre Nidegger est toujours ouverte. Enfin, le conseiller d’Etat Claude Grandjean, responsable de la Justice, aurait été l’échelon hiérarchique le plus élevé auquel les deux inspectrices pouvaient adresser leurs doléances.

– Certains collègues des deux jeunes femmes n’ont pas hésité à dire qu’elles n’étaient pas forcément à leur place au sein de la Sûreté. Peut-on en déduire que le recrutement des agents n’est pas assez pointu?
Je ne crois pas. Chaque année, nous formons une bonne vingtaine de nouveaux agents qui ont été sélectionnés parmi plusieurs centaines de candidats. La procédure de recrutement est très complète, jugez-en vous-même: après avoir réceptionné l’ensemble des dossiers, nous retenons 150 candidats. Ceux-ci sont convoqués à un examen scolaire et sportif qui en renvoie la moitié à la maison. Les huitante restants sont convoqués à une séance d’information qui leur permet de connaître les diverses carrières possibles dans la police.
En parallèle, on leur fait remplir un questionnaire psychologique dont les résultats seront contrôlés lors d’un double entretien: l’un pour mesurer la motivation, l’autre pour cerner la personnalité et le psychisme du candidat. C’est à ce niveau que nous demandons à chacun de donner des exemples concrets qui l’obligent à se dévoiler.

– La méthode est-elle infaillible?
Certainement pas, et pour une raison simple: comment voulez-vous qu’un jeune qui sort des études ou d’apprentissage explique précisément son idée d’une profession qu’il n’a jamais exercée? Malgré tout, avec ce double entretien, nous parvenons à éliminer encore cinquante candidats supplémentaires, ce qui n’est pas rien.

– Et pour les trente personnes qui restent en lice, quelle est la suite du cursus?
Elles passent une visite médicale qui, parfois, en élimine deux ou trois autres. Si, par exemple, nous détectons des traces de stupéfiants sur une personne, cela la pousse automatiquement vers la sortie. Mais il peut aussi s’agir de problèmes purement physiques, sans lien avec le comportement des candidats…

– Quelle est la formation donnée à la vingtaine d’aspirants qui entrent à l’école de police?
Elle comporte quatre branches principales: intervention policière, psychologie policière, éthique et droits de l’homme ainsi que police de proximité. S’ajoute à cela un cours sur certaines spécificités juridiques cantonales, comme le Code de procédure pénale ou d’autres lois qu’ils sont tenus de connaître pour exercer leur futur métier. On n’oublie naturellement pas l’entraînement physique qui se fait notamment durant des camps en montagne où le groupe des aspirants achève de se souder.

– Certains abandonnent-ils en cours de route?
Oui, il est arrivé que l’un ou l’autre vienne nous voir pour nous dire qu’il ne s’identifie plus à la formation et qu’il préfère arrêter. Nous comprenons parfaitement ce type de réaction. D’ailleurs, mieux vaut démissionner à ce stade que de poursuivre indéfiniment tenaillé par le doute.

– Quel est le profil type de l’aspirant gendarme?
Hommes ou femmes, ils proviennent d’horizons extrêmement divers, ce qui apporte une grande richesse humaine et technique à l’ensemble du groupe. Nous avons des artisans du bâtiment, des employés de commerce, des informaticiens, d’ex-étudiants universitaires… La liste n’est pas exhaustive. Pourtant, après quelques mois de travail en communauté, ces caractéristiques socioprofessionnelles s’estompent au profit du potentiel de chacun dans son rôle d’aspirant. Il s’agit d’une mutation très intéressante!

– Qui est chargé de l’évaluation de ces nouveaux gendarmes ou inspecteurs, une fois qu’ils ont leur brevet fédéral d’agent de police?
C’est leur chef de groupe ou de brigade, sous la supervision du chef de section ou de l’officier supérieur, qui assume cette responsabilité. S’ils remarquent un problème quelconque, comme une surcharge de travail ou des écarts de comportement, ils doivent en parler au chef de la Gendarmerie ou au chef de la Police de sûreté qui peut décider des mesures à prendre. Il nous est arrivé, par exemple, de placer provisoirement un jeune agent de la police mobile dans un poste de police. Là, il a bénéficié d’horaires de bureau et d’un travail moins stressant qui lui ont permis de se reconstruire à son rythme. Ensuite, dès que le psychologue qui le suivait a estimé qu’il était remis, nous l’avons réintégré dans son unité. Remarquez toutefois que, malgré l’important travail de suivi que nous effectuons sur la santé de nos collaborateurs, il ne nous est pas toujours possible d’influer sur l’ensemble des facteurs qui peuvent les perturber.

Des remous à la Sûreté

L’année 2005 n’aura pas été de tout repos pour la Police de sûreté fribourgeoise. Le 23 octobre, une agente de la Brigade des mineurs remettait son arme de service au député Louis Duc en se plaignant de sérieuses brimades sur son lieu de travail. Quinze jours plus tard, une seconde inspectrice rendait également visite au député broyard pour se plaindre des mêmes tribulations.
Le 29 mars dernier, les résultats de l’audit commandé par le conseiller d’Etat Claude Grandjean n’ont pas encore dissipé le malaise. Si l’accusation de mobbing envers le chef de la Brigade des mineurs a pu être levée, une procédure administrative a été ouverte concernant chacun des trois protagonistes de cette affaire.


Nicolas Geinoz
18 avril 2006

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