GRUYÊRE Découverte à Château-d’OEx

Une espèce unique au monde

Incroyable, mais vrai! Un couple de scientifiques allemands a découvert à Château-d’Œx une nouvelle espèce d’escargot. Un gastéropode, baptisé d’après le nom illustre de Bertrand Piccard, qui s’est adapté au cours des millénaires à un biotope sec.


Nouvelle espèce répertoriée: le Trochulus Piccardi dont la coquille marron clair mesure un centimètre de diamètre, contre 4-5 cm environ pour un escargot de Bourgogne

 

Une nouvelle espèce d’escargot. Découverte par hasard au pied de la colline du Temple de Château-d’Œx. Par un jeune professeur allemand et son épouse, qui se sont inspirés du nom de Bertrand Piccard pour le baptiser, en hommage aux exploits du célèbre aérostier vaudois… N’en jetez plus, on dirait les ingrédients d’un gag de 1er avril! Erreur. Les gastéropodes n’étant pas des poissons, l’histoire qui suit est rigoureusement authentique. Scientifique même.
Le professeur assistant Markus Pfenninger existe. Nous l’avons rencontré dans l’appartement de vacances de sa belle-famille à Enney, où il séjourne deux ou trois fois par an depuis une décennie. La découverte de ce spécialiste en écologie et en évolution, à l’Institut de zoologie de l’Université Goethe de Francfort, remonte à 2003. Ce jour-là, il se promène au Pays-d’Enhaut avec sa femme, Anne, elle-même biologiste, comme il l’a expliqué dans une conférence, samedi soir à Château-d’Œx.
Dans un pré baigné de soleil, des coquilles vides attirent son attention. Leur aspect s’apparente au genre dit Trochulus en latin, des escargots à la coquille parsemée de poils comme autant de ventouses utiles pour se déplacer sur des feuilles hautes et humides. Le hic, c’est que ces coquilles-là sont glabres. Les spécimens vivants trouvés plus tard par le couple allemand le seront aussi.
Les recherches débutent aussitôt. Et le scientifique acquiert au fil des mois la certitude que ce mollusque ne s’apparente à aucune espèce connue. Une thèse consacrée par un article publié en décembre dernier dans une revue scientifique allemande. Vieux d’au moins un million d’années, selon les analyses génétiques, ce nouveau gastéropode est apparu à la surface de la planète bien avant l’Homme (Homo sapiens pour être précis).

Nulle part ailleurs
Agé de 39 ans, en quête d’une chaire libre, intéressé par l’Université de Fribourg, Markus Pfenninger utilise les escargots comme modèle d’adaptation à l’environnement, à l’origine de la richesse de la biodiversité. «Sa lenteur en fait un organisme facile à observer», explique-t-il dans un français appris lors de son postdoctorat effectué à Marseille en 1998.
Son constat: ce type de Trochulus a survécu aux glaciations à répétition. Comment? «Difficile à dire, car on passe là de la description biologique à l’explication historique. Mais je pense qu’il a probablement migré vers de petits refuges libres de glace sur les versants, où il a dû s’adapter à un habitat plus sec.» Voilà aussi pourquoi cet escargot, apparu dans cette portion de la vallée de la Sarine, dans une aire débordant quelque peu en Gruyère, y est resté confiné. «Jusqu’à preuve du contraire, on ne le trouve nulle part ailleurs dans le monde!»

Baptisé du nom de Piccard
Ne restait plus qu’à donner un nom à ce Damounais vivant depuis la nuit des temps. Le chercheur opta logiquement pour Bertrand Piccard, vu la proximité de la découverte avec le lieu de décollage en 1999 du premier ballon à avoir fait le tour du monde sans escale. «Il nous a répondu favorablement par une lettre écrite à la main en ajoutant que c’était un honneur pour sa famille.» Ainsi baptisé du célèbre patronyme, le Trochulus Piccardi venait de voir le jour…
La présence d’une telle espèce endémique est souvent le signe que d’autres, encore inconnues, vivent dans les environs, souligne Markus Pfenninger. Assurément de quoi renforcer le particularisme de ce coin de pays et ses efforts en vue d’être reconnu comme réserve de biosphère. C’est d’ailleurs l’Association du parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut qui a rendu publique cette découverte pour le moins originale.


Découvreurs de mollusques, Anne et Markus Pfenninger, de Francfort, séjournent régulièrement à Enney

 

Sébastien Julan
18 avril 2006

Une I Editorial I Gruyere I Veveyse/Glâne I Fribourg

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