Laccident
tragique survenu lors dun cours de natation à la piscine
de Châtel-St-Denis en octobre 2003, et la condamnation, lundi,
des deux maîtresses responsables de lencadrement de ce cours,
ne laissent pas le milieu scolaire de marbre. A commencer par la conseillère
dEtat Isabelle Chassot, directrice de lInstruction publique,
qui paraphera de nouvelles directives cantonales pour lenseignement
des sports, dici à la rentrée 2006 (La Gruyère
de samedi).
La conseillère dEtat souligne que «en dehors du drame
humain» survenu à Châtel-St-Denis, qui laisse un
enfant handicapé à vie, «seul un petit nombre dincidents
sont à déplorer chaque année». Reste que
les considérants du jugement auront, selon la directrice de lInstruction
publique, une incidence sur lorganisation, les moyens et la réglementation
des activités sportives ou extra-scolaires: «Mon inquiétude,
cest que les exigences de sécurité qui pourraient
nous être imposées par ces considérants soient si
élevées quil ne devienne plus possible dorganiser
des activités comme la natation, les camps de ski ou les sorties
de classe», confie-t-elle. La conseillère dEtat nenvisage
pourtant pas lécole sans ces activités: «Ce
sont des moments importants et formateurs. Et si lécole
napprend plus la natation aux élèves, ne prend-on
pas le risque daccidents ultérieurs plus nombreux chez
les adultes?»
Du côté de lAssociation fribourgeoise déducation
physique et des maîtres de sports à lécole,
on attend la séance de comité de lundi prochain avant
de commenter cette décision de justice et son impact, indique
Yves Suter, le vice-président. Mais on ne constate pour lheure
aucun vent de panique du côté des enseignants, qui nont
guère sollicité le Service cantonal des sports depuis
lundi. «Les gens ont fait la part des choses, estime son chef,
Elmar Schneuwly: il ny a eu quun seul accident de cette
gravité et il est apparemment dû à une faute personnelle
des enseignantes et à leur comportement, non au système.»
Question
de confiance
Un avis quon ne partage pas à Châtel-St-Denis.
Non que les cours de natation aient été boycottés
par les enseignants, bien au contraire. «Nous sommes très
affectés par cette affaire et par cette décision»,
confie la conseillère communale Betty Vallélian. Dautant
plus que «les maîtresses concernées avaient un brevet
et que tout était dans les règles. Mais les cours continuent.»
Une décision approuvée par un corps enseignant «assez
unanime», selon Gaétan Emonet, instituteur à Châtel
et membre du comité de la Société pédagogique
fribourgeoise francophone (SPFF): «Pas question de ne plus aller
à la piscine. Dabord parce que la nage est un apprentissage
incontournable, et ensuite parce que nous avons totalement confiance
dans la maîtresse de natation (n.d.l.r.: qui continue dexercer).
Nous sommes solidaires.»
Aucun
risque
Pour le membre du comité de la SPFF, les enjeux de ce procès
dépassent en fait le drame particulier de Châtel-St-Denis
et concernent le système lui-même: «Nous demandons
que des directives de sécurité cantonales soient mises
en place, des directives ayant un poids juridique et une force contraignante.
Elles rendront peut-être notre travail plus difficile, mais elles
nous donneront une protection et unifieront des pratiques et des règlements
qui varient décole en école.»
Restent deux interrogations, aux yeux du pédagogue: «Est-ce
que les enfants et les parents comprendront toutes les mesures de sécurité
qui seront prises? Elles ne seront pas toujours agréables et
peut-être très différentes des règles que
les parents eux-mêmes appliquent le week-end à leurs enfants.
Et est-ce que les communes nous donneront les moyens de respecter ces
directives? Pour moi, si je ne peux pas remplir à 100% les conditions
de sécurité, je renoncerai à organiser des activités
extra-scolaires.»
Fatalité
Yvan Longchamp, enseignant dans une classe de développement
à Romont et membre du comité de la SPFF, sortait mardi
matin dun cours de natation. «Je suis personnellement surpris
et très déçu par cette décision de justice.
Ces deux collègues ont fait leur métier et ce qui est
arrivé est, à quelque part, la faute à pas de chance.
Bien des enseignants vont se dire: Si je reste dans ma classe,
je suis à labri. Si je sors, quil arrive quelque
chose à un élève et quon me tombe sur le
dos, je vais abandonner. Les maîtres de sports vont finir
par demander quon leur signe des décharges!»
Son collègue bullois Philippe Fragnière, maître
déducation physique, savoue lui aussi troublé,
sans pour autant jeter léponge. Brevet, groupe délèves
restreints, accompagnants, consignes, procédure dalarme,
surveillance: «Nous faisons tout pour mettre tous les atouts de
notre côté. Mais il y aura toujours un pourcentage de fatalité
un rayon de soleil, un reflet, au moment exact où un enfant
senfonce sans bruit. Cette inquiétude permanente nous pousse
justement à rester constamment attentifs, prêts à
réagir.»
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