Exit laide
fédérale aux investissements de montagne! Depuis 2001,
le Département fédéral de léconomie,
le Secrétariat dEtat à lEconomie et des experts
travaillent à réformer la panoplie de la politique régionale,
jugée inadaptée et opaque. Président du Conseil
dEtat fribourgeois et directeur de lEconomie, Michel Pittet
a potassé le projet de loi, en consultation depuis le mois davril.
Quelle
sera la réponse du Conseil dEtat à cette consultation?
Michel Pittet: Nous navons pas encore arrêté
notre position. Ce qui est sûr, cest quon ne peut
pas accepter cette Nouvelle politique régionale. Mais je ne sais
pas si nous opterons pour une non-entrée en matière, donc
pour le statu quo, ou si nous ferons des contre-propositions. Dans ce
dernier cas, je proposerais personnellement une évolution de
la loi actuelle sur laide aux investissements dans les régions
de montagne (LIM). On peut la cibler davantage sur la création
demplois, via des infrastructures comme les pépinières
dentreprise ou les centres au service de filières. Je pense
aussi quil faut absolument maintenir larrêté
Bonny, qui est un instrument capital.
La Nouvelle
politique régionale (NPR) fait donc fausse route...
Oui. Elle est censée abroger la LIM dès 2007 et mettra
ainsi un terme à trente ans dinvestissements et de discussions
de fond que les régions ont fait sur leur développement.
Maintenant, on nous dit quil faut aider les grands centres et
développer des projets suprarégionaux. On a limpression
quil sagit dune politique nationale, non plus régionale.
Quon se comprenne: je pense, comme la Conférence des directeurs
de léconomie de Suisse occidentale, que la collaboration
intercantonale doit sintensifier. Mais cela doit sinscrire
dans le cadre dune politique de croissance, qui na rien
à voir avec le soutien aux régions défavorisées
tel quil est prévu par la Constitution fédérale.
Cela dit, peut-on vraiment croire que lIntyamon va profiter du
développement de Lausanne, par exemple? On voit bien quil
faut préserver les chances, pour les régions décentralisées,
daccueillir des entreprises, de créer des emplois et des
revenus. Cela passe par la construction dinfrastructures. La qualité
de vie figure parmi les premiers critères dimplantation
des patrons: le recrutement de cadres et de main-duvre en
dépend.
Que faites-vous
de la fondation prévue par la NPR pour aider les régions
défavorisées?
A mon avis, cette fondation est une voie de garage, une façon
douce de faire régresser laide aux régions de montagne,
puisque le fonds de cette institution ne sera pleinement constitué
quen 2030. Ce sont les cantons qui vont en partie lalimenter:
ils vont chercher à faire des économies, et tout ça
va finir en queue de poisson. Par ailleurs, cette fondation sera indépendante,
de sorte que le contrôle démocratique ne sexercera
plus. Nous serons à la merci de ce secrétariat central,
qui va comme toujours se créer des tâches et enfler.
Mais la
fondation accordera des subventions à fonds perdus, alors que
la LIM octroyait des prêts...
Un prêt permet de combler une grosse lacune financière
sans avoir à prospecter. Par contre, une subvention, forcément
plus faible, ne dispense pas de cette recherche. Les prêts donnent
donc une impulsion plus forte que les subventions. Sans crédits
LIM, par exemple, le Centre culturel et sportif de la Glâne aurait
eu du mal à démarrer. Ajoutons que les prêts, contrairement
aux subventions, reviennent dans les caisses. Qui, par contre, peut
promettre que le rendement du capital de la fondation pourra assurer
son exploitation et les aides quelle octroiera, comme il est prévu?
Il faudra une gestion très parcimonieuse!
Outre
le maintien de la LIM, vous voulez aussi que larrêté
Bonny soit reconduit...
Oui. Il faut sans doute actualiser ses critères dapplication.
Mais sans cet arrêté, qui permet des exonérations
fiscales fédérales, quantité dentreprises
ne se seraient jamais implantées dans le canton. Dernièrement,
nous avons eu à nous battre contre Singapour, qui proposait à
une entreprise de lui offrir le terrain et des exonérations pendant
vingt-cinq ans. Sans Bonny, nous naurons plus aucune chance.
Comment
voyez-vous les débats parlementaires sur cette loi?
Au début du mois prochain, le Conseil dEtat organisera
une concertation avec les parlementaires fribourgeois. Il faudra rester
soudés: les régions urbaines sont prédominantes
au Conseil national.
Le
changement en deux mots
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Destinée
à freiner lexode des populations de montagne, la
politique régionale actuelle repose sur la Loi sur laide
aux investissements dans les régions de montagne (LIM),
en vigueur depuis 1974 et révisée en 1997. Sur
sa base, 54 régions LIM ont été instituées
en Suisse. De 1974 à la mi-2003, elles ont promu 8150
projets, pour un total daide avoisinant 2,9 milliards
de francs.
Au fil du temps, ce dispositif a été complété
par divers outils, comme larrêté Bonny (1978),
Interreg (1995) et Regio Plus (1997), qui échoient en
2006-2007. Mais le fossé entre les zones centrales et
les zones périphériques a continué de grandir,
note le Département fédéral de léconomie
dans le rapport explicatif de sa Nouvelle politique régionale
(NPR).
Raison pour laquelle ce projet de loi, inspiré par un
rapport dexperts, ne se focalise plus sur les régions
défavorisées et sur la réduction des disparités.
Il sagit désormais de sappuyer sur les agglomérations
et les centres forts nationaux (70% de la population) pour induire
le développement des régions périphériques.
Doù une stratégie fédérale
à deux niveaux, qui sera soumise aux parlements en 2005,
pour entrer en vigueur en 2007. La «politique des grandes
entités territoriales» allouera 30 millions de
francs par année à des programmes pluriannuels
votés par les Chambres fédérales. Celle
des «petites entités territoriales» reposera
sur une fondation alimentée par un transfert du fonds
LIM actuel et par les cantons. Cette fondation attribuera 40
millions par année à des projets, non à
crédit, mais à fonds perdus.
Avec un total de 70 mio, la subvention annuelle prévue
équivaut à leffort actuel fourni par la
politique régionale. Toujours moins soutenu, cet effort
représente 69 millions par année, de 1997 à
2003.
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