GRUYÈRE Palmarès des villes romandes

Bulle capitale du bien vivre

La ville romande où il fait bon vivre, c’est Bulle! Tel est le résultat du Palmarès 2004 des villes romandes commandé par «L’Hebdo» à l’Institut de hautes études en administration publique. Bulle casse la baraque dans les domaines des conditions de vie, de l’implication de la population dans la vie publique et du dynamisme économique.


Environnement, conditions de vie, dynamisme économique et vie politique: ces atouts permettent à Bulle de surpasser toutes les autres villes romandes (arch. C. Dutoit)

Bulle arrive en tête du Palmarès 2004 des villes romandes réalisé par l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP) à l’initiative de L’Hebdo. «La ville romande où il fait bon vivre, ce serait donc Bulle? Avouons-le tout net, le nom du vainqueur de ce Palmarès 2004 IDHEAP/L’Hebdo a provoqué des réactions interloquées chez les privilégiés mis dans la confidence», écrit le journaliste Jocelyn Rochat, responsable du cahier spécial publié par le magazine dans son édition d’aujourd’hui.
Et pourtant. Cette première place de Bulle – devant Nyon et Pully – ne doit rien au hasard: le chef-lieu gruérien remporte la palme dans deux catégories de critères et obtient la troisième place dans un troisième domaine, ne marquant (un peu) le coup qu’en matière de santé, formation et culture.
Cette étude, qui se fonde principalement sur les statistiques de l’Union des villes suisses et sur celles de l’Office fédéral de la statistique, prend en compte les 29 villes romandes de plus de 10000 habitants, ainsi que quatre cités plus petites (La Neuveville, Moutier, Payerne et Peseux) destinées à assurer la représentation des différentes régions. En outre, pour permettre une comparaison à l’échelon national, sept villes-tests alémaniques et deux tessinoises ont été évaluées selon les mêmes critères.

Au top de l’environnement
Quels critères? L’IDHEAP en a sélectionné vingt, répartis en quatre catégories. La catégorie «Conditions de vie et environnement» prend en compte la densité de la population, les dépenses pour l’environnement, les espaces verts et lieux de détente, la taille moyenne des ménages et le niveau de richesse des habitants en considérants leurs impôts. Bulle s’y classe au premier rang romand et surclasse même les meilleures cités alémaniques, Zoug et Bâle. La densité de population, les dépenses environnementales et la profusion de grands ménages interviennent de façon prépondérante dans ce classement.
Pour mesurer le dynamisme économique et l’emploi, les auteurs de l’étude ont notamment accordé de l’importance au bilan migratoire sur dix ans – où Bulle est championne suisse avec une progression de 24% entre 1991 et 2001 – le nombre de logements en construction (note maximale pour Bulle) ou le taux de chômage (très bas dans le chef-lieu gruérien). Bulle arrive troisième derrière Nyon et Thônex, malgré une part du secteur tertiaire (57%) très faible.
Santé, formation et culture: c’est là que Bulle connaît son moins bon classement: 10e romand. La ville au taureau affiche de bons résultats en matière de dépenses pour la santé et la prévoyance sociale, ainsi que pour l’éducation. Mais elle souffre d’indicateurs très moyens en termes de dépenses culturelles et présente un nombre d’élèves par classe carrément catastrophique.

Vie publique active
Enfin, la quatrième catégorie de critères s’intéresse à la politique, aux institutions et à l’administration. Elle vise à prendre en compte le niveau d’implication de la population dans la vie de la cité, considérée comme un révélateur du «bon vivre» (voir l’interview ci-dessous). Juste derrière Soleure, Bulle est la première ville romande dans cette catégorie, à égalité avec Delémont et Pully. Le bon niveau des dépenses dévolues à l’administration générale, le fait d’avoir un législatif important par rapport au nombre d’habitants et le taux de participation aux élections au Conseil national entre 1971 et 1999 justifient entre autres ce succès bullois, signe d’une population impliquée dans la détermination de son propre avenir. On peut d’ailleurs supposer que la récente élection de trois conseillers nationaux gruériens (deux de Bulle et un de Vuadens) pour sept sièges fribourgeois n’est que la conséquence de ce dynamisme bullois pour la vie publique.
Flatteuse, la première place obtenue par Bulle dans le classement général est sûrement aussi due au fait que certains critères n’ont pas été retenus. «Ne serait-ce que parce que l’on associe le concept de “qualité de vie” à une architecture particulière. Et parce que l’on y ajoute volontiers des exigences socioculturelles, domaine où Bulle connaît son plus mauvais classement», écrit Jocelyn Rochat. Mais il ajoute aussitôt: «Ces réserves faites, il ne reste plus qu’à admettre que nous sous-estimons les attraits de la ville fribourgeoise.» Dont acte.

«Le classement de Bulle m’a étonné»

Historien, économiste et statisticien, Christophe Koller est chef de projet de recherche de la BADAC (Banque de données des cantons et villes suisses) au sein de l’Insti-tut de hautes études en administration publique (IDHEAP) de Lausanne. A ce titre, il a dirigé l’élaboration de ce «Palmarès 2004 des villes romandes».

– Bulle arrive en tête du classement général des villes romandes. Quels atouts lui ont valu ce titre?
Christophe Koller: En premier lieu, l’indicateur démographique joue un rôle très favorable. En réalisant cette étude, j’ai été très étonné de constater l’exceptionnel bilan migratoire dont Bulle peut se prévaloir: +24% entre 1991 et 2001! Cette progression est unique en Suisse. Et elle doit bien traduire l’attrait que présente la ville. Ensuite, Bulle est au top dans les domaines de l’environnement et du développement économique ou en matière de politique, d’institutions et d’administration. Le critère social et culturel constitue le seul point relativement faible du chef-lieu gruérien.
A ce sujet, il faut reconnaître que cette première place en a étonné plus d’un, car, ces derniers temps, Bulle a plutôt fait parler d’elle par les problèmes de délinquance juvénile. Mais j’y réfléchissais encore aujourd’hui: ces problèmes de bagarres entre jeunes sont aussi le signe qu’il y a à Bulle une proportion de jeunes bien plus grande que dans d’autres villes. Et c’est en soi très positif. Reste naturellement à voir comme la ville compte résoudre ce problème.

– Les critères de conditions de vie et d’environnement, de dynamisme économique et de prestations sociales et culturelles sont aisément compréhensibles. En revanche, celui de la participation politique et de l’administration publique étonne davantage. En quoi est-il important dans la définition d’une ville «où il fait bon vivre»?
Ce critère constitue un plus par rapport aux autres enquêtes similaires. Notre postulat est que plus les gens participent à la vie politique, plus ils parviennent à déterminer leur avenir. Des critères tels que la taille du législatif par rapport au nombre d’habitants ou la dotation et la diversité partisane de l’exécutif permettent donc de juger de l’intégration des habitants dans la vie de leur cité. Une intégration selon nous fondamentale.

– Pour le citoyen lambda, le «bon vivre» s’évalue aussi par des critères tels que la nature architecturale du centre-ville, la diversité de l’offre culturelle, sportive et de loisirs, ou encore la qualité des transports publics. Ces critères, absents de votre étude, n’étaient-ils pas quantifiables?
Si, du moins pour plusieurs d’entre eux. Nous aurions pu retenir le nombre de salles de cinéma, de théâtres, l’accès à un cours d’eau ou à un lac, ou encore le nombre de jours d’ensoleillement, qui sont tous des critères objectifs, donc quantifiables. Nous ne l’avons pas fait pour des raisons de coûts. Car ces données ne figurent souvent pas dans les statistiques disponibles. Il faut dire que les villes publient très peu de données. Les réunir aurait donc nécessité un travail de recherche considérable que nous ne pouvions pas nous permettre. Dès lors, notre étude est sans doute perfectible. Comme ce palmarès est destiné à être renouvelé chaque année, notre idée est bien sûr d’en compléter les critères, en intégrant par exemple les transports publics ou le facteur criminalité.

– Le bon classement de villes comme Bulle, La Neuveville, Sion, Neuchâtel, Fribourg ou Monthey fait un sort à un certain lémanocentrisme que l’«arrière-pays» déplore bien souvent…
Vous avez entièrement raison. Ce lémanocentrisme perceptible à Genève et Lausanne mériterait d’être largement corrigé. Surtout si l’on considère en outre les piètres performances de plusieurs villes satellites comme Renens ou Prilly pour Lausanne, Carouge, Lancy, Vernier, Onex ou Thônex pour Genève.


Didier Page
29 janvier 2004

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